: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: 2009

lundi 18 mai 2009

Féminisme et études de genre, ou quand les "grandes bourgeoises" s'expriment au nom de toutes les femmes


Critiquer le féminisme ou les études de genre (gender studies) ce n'est évidemment pas critiquer les femmes.
Critiquer le féminisme (ou ses excès en tout cas) ce n'est pas remettre en cause l'égalité homme-femme et les
droits fondamentaux qui en découlent ou bien encore la place de chacun dans nos sociétés. On peut déjà
anticiper des objections du style : "mais comment savoir quelle est la place de chacun dans nos sociétés?",
"tout est relatif ", etc. Disons que l'objectif de ce court article est de montrer les contradictions voire les
aberrations qui ressortent de certains discours.
Or donc, le fait de mettre -comme certains démagogues- sur le même plan lutte contre le racisme et
féminisme, par exemple relève de l'imposture totale. Une question s'impose alors : les féministes ont-elles
jamais participé à libérer qui que ce soit, à part elles-mêmes (déjà libérées par ailleurs?), et à protéger leurs
intérêts de classe?

1) Considérations sur les fondements du féminisme

Le féminisme moderne qu'il soit libéral, radical, socialiste ou "psychanalyste et politique" (retracer
l'intégralité de l'histoire du féminisme ici ne serait pas d'un intérêt majeur pour notre exposé) est un courant de pensée, une idéologie, un combat, qui prend racine dans les milieux de la grande bourgeoisie, américaine et d'Europe de l'Ouest, dans les années 60/70 du XXème siècle. Sachons au moins que le MLF, représentatif de ce combat, organe (sans jeux de mots graveleux) réunissant différentes tendances en son sein fut largementfinancé par les grosses fortunes transnationales (capitalistes donc) à la Rockefeller. Voir l'interview du réalisateur/producteur américain Aaron Russo, ami de Nick Rockefeller, à ce sujet :
"Les deux raisons originelles pour lesquelles l'élite finançait la libération des femmes, l'une parce qu'avant la
libération des femmes les banquiers ne pouvaient pas imposer la moitié de la population, et la deuxième
parce cela leur a permis de recevoir des enfants plus jeunes à l'école, permettant leur endoctrinement dans
l'acceptation de l'État comme première famille, démolissant le modèle traditionnel de la famille."
Interview par Alex Jones, 2007
Ses propos pourraient paraître relever de l'affabulation, si Gloria Steinem, une des pionnières des mouvements féministes n'avait elle aussi fait des déclarations allant dans le même sens...
Malgré les différentes courants traversant la "nébuleuse féministe" on peut, néanmoins, retenir quelques
éléments récurrents qui leur sont communs à tous :

Un des postulats des féministes modernes est que les dynamiques de l'oppression des femmes si elles ne sont
pas indépendantes des considérations de classes dépassent, en tout cas, ces opposition de classes.
Ces féministes considèrent qu'en outre, que le patriarcat est a-historique et n'a jamais évolué. L'oppression de la femme au sein du modèle sociétal/familial patriarcal serait constant. Ce qui est faux. L'observation des
évolutions de la famille ouvrière tout au long du XXème siècle atteste de changements fondamentaux au sein
de celle-ci.
Ce corpus d'idées et les combats que constituent le féminisme (radical en tout cas) ont abouti à ce que l'on a
pu nommé de la "collaboration de classe" ; bourgeoises et ouvrières voyant dans l'homme ouvrier besogneux
ou dans le patron multi-millionnaire un seul et même ennemi.
Il découle de cela une suite de contre-vérités assénées à des générations de femmes comme "l'homme est
violent, c'est un prédateur", "si le monde était dirigée par des femmes tout irait pour le mieux dans le meilleur
des mondes" (pour s'en "convaincre", rappelons le bilan socio-économique des années Tatcher, celui de
Madeleine Albright en matière de politique étrangère étatsunienne...les pauvres civils serbes s'en souviennent
encore (et aussi (1)) ou celui de Condoleezza Rice dans le même domaine, etc.)

Il n'existe pas, en réalité, de solidarité de sexe qui ne relèverait pas de la manipulation des femmes issues des
classes populaires par une élite bourgeoise. Les comportements des un(e)s et des autres ne peuvent (en
théorie) qu'être avant tout conditionnés par l'appartenance à une catégorie/classe sociale, même aujourd'hui ou l'affaiblissement de la conscience de classe est avéré.
Or donc, s'il existe des intérêts de classe encore conscients dans les milieux bourgeois, il n'en est pas de même dans les milieux moins favorisés. Nous assistons, en effet, depuis 30 ans environ à une moyennisation de la société française et une aspiration des classes moyennes (majoritaires en France) émergentes depuis le début des années 70 à rejoindre le monde de la petite bourgeoisie et son confort matériel et intellectuel, nous l'avons dit dans un précédent article.
La seule catégorie ou plutôt classe sociale, encore solidaire (i.e. "consciente"), n'est-elle pas la bourgeoisie (de gauche ou de droite, celle montante depuis 40 ans ou celle qui était déjà en place avant 68, donc) liée par uneespèce de consensus mou sur la plupart des questions sociales, économiques et sociétales (i.e les valeurs)?
"La femme" n'est donc, évidemment, pas une catégorie sociale car il n'existe pas de de "complicité" de fait, de connivence politique et d'intérêts communs entre, par exemple, une femme aide-ménagère, une cadre du
tertiaire (professeur, journaliste, médecin etc.) et une rentière.
La fiche de paie qui "tombe" chaque mois pour chacune d'entre elles atteste indéniablement de cet état de fait.

En outre, s'il existait une condition féminine partagée par toutes, existerait-il une condition masculine? Posons
nous cette question simple alors : quel intérêts communs partagent l'homme ouvrier, celui exerçant une
profession libérale et le patron d'une firme transnationale? Aucun assurément, alors comment accréditer la
thèse d'une connivence, d'une "communauté de femmes" partageant des intérêts communs?
Concernant la question de la parité/mixité, posons simplement cette question, sans trop nous étendre sur le
sujet : quels intérêts y-a-t-il à substituer un homme par une femme, elle aussi, issue d'un "milieu bourgeois
affairiste" à la tête d'une entreprise transnationale, par exemple ? Ne défendent-ils pas les mêmes intérêts ?
Être gouverné par Margaret Thatcher est-ce réellement bien mieux que de l'être par Ronald Reagan quand on
appartient à un milieu "économiquement faible"...?
Par suite, la "condition féminine" tout comme la "condition masculine" en tant que catégories liées par un
même sentiment d'appartenance, un même "destin" n'a pas d'"existence propre", ne correspond à aucune
réalité conceptuelle solide résistant à une analyse approfondie de ses fondements et encore moins à une réalité factuelle.
Par ailleurs, ce discours qui consistent à dire "les femmes gagnent moins que les hommes", relève là encore de la démagogie de classe. Il est faux dans le sens ou pour les métiers liés à "la rente" (peut-on parler de métier?), les patron(ne)s, les artistes (écrivain(e)s, chanteurs, chanteuses) ou dans les métiers de la fonction publique ces inégalités de genre n'existent absolument pas. Rien n'indique, par ailleurs, qu'un "agent de service" masculin gagnerait plus que son homologue féminin.
Le problème fondamental de nos sociétés se situe donc bien au niveau de la parité riche/pauvre et non pas de la parité homme/femme.
Penchons nous aussi sur le néo-féminisme des Virginie Despentes ou Joy Sorman, "idéologie" de pissotière,
sortie des cerveaux des rejetons anémiés de la bourgeoisie parisienne post-soixanthuitarde, prônant la
virilisation des femmes et la féminisation des hommes, ou encore "la sortie de la partition naturaliste où les
femmes ne seraient plus que des cerveaux et les hommes pourraient louer des utérus" [sic]...pseudo-idéologie, donc, qui cumule toutes les transgressions aujourd'hui normatives...
Disons toutefois et pour conclure cette partie qu'une lecture purement sociale du phénomène féministe en
France est, sans doute, aujourd'hui limitative du fait notamment de l'ethnicisation des rapports sociaux. Sans
doute, pourrait-on utiliser aussi une "lecture ethnique" (ou concilier "lecture ethnique et sociale") pour
montrer les divergences entre les intérêts et aspirations des femmes héritières de cultures différentes qui composent, aujourd'hui, la société française.

2) Les études de genres

Le combat féministe relayé par les études de genres (gender studies) qui consiste à vouloir corriger les
inégalités sociales liées à l'appartenance à un genre (féminin en l'occurrence) relèverait, par suite, elles-aussi
du non-sens le plus total. La lecture de la plupart de ces études laisse apparaître au mieux la vacuité des thèses défendues par leurs auteur(e)s. La grande prêtresse de ce mouvement académiques est bien sûr la sophiste Judith Butler (cf. "Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion", 1990)
On trouve, par exemple, une géographie féministe, apparue dans les années 1970/80, un des courants issu de la "nouvelle géographie" qui rejette largement les fondements de la géographie classique (celle des
nomenclatures, des tonnes de charbon produites et des kilos de blés exportés). Cette géographie féministe est  représentée par des gens comme Gilian Rose.
 On se demande si l’'homo oeconomicus* est un homme ou une femme. Ici, on raisonne sur l'appartenance à un genre qui doit déterminer les conditions de vie de l'individu. La société est perçue par les auteurs de ce courant comme patriarcale, "phallocentrique", injuste envers les femmes donc et on va dénoncer cette supposée discrimination de genre. L’'espace est supposé être impliqué dans la définition du genre et supposé participer à la reproduction des rapports de domination.
Cette école de géographie, relativement marginale a donné lieu à certains écrits assez savoureux.
Ainsi, dans les études de genre pratiquée par la géographie le ridicule ne tue pas, à moins qu'il ne s'agisse de
propos à prendre au second degré, d'une géographie du second degré donc, une géographie de l'absurde? : "Il est donc [...] moins question de sexualité que d’anatomie du sexe, celle qui veut que les hommes fassent pipi debout et les femmes assises. Quoique ! Ne revient-il pas aux architectes, notamment femmes et féministes,d’imaginer des lieux d’aisance alternatifs, et aux organisateurs et organisatrices de manifestations
accueillant beaucoup de femmes de tenter l’'expérience du changement ?"
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/36/44/86/PDF/espace_sexualite.pdf
Cet autre extrait est aussi représentatif de ce courant : [...] "(Comment l’espace est-il genré ? Quel est
l’impact du sexe de l’architecte sur la production d’un tel espace ? …) ainsi que le postulat féministe de
l’importance des relations de pouvoir dans cette relation entre genre et espace. [...] s’inspire de Lefebvre
pour avancer l’idée que l’idéologie qui divise la ville entre espace public et espace privé, production et
reproduction, hommes et femmes est à la fois patriarcale et capitaliste. Parce qu’ils diffèrent, les espaces
alloués aux hommes et aux femmes jouent un rôle dans la production et le maintien des relations
hiérarchiques de genre..."
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/36/44/86/PDF/espace_sexualite.pdf
Qui a dit que les chercheurs en sciences sociales ne trouvaient jamais rien et se réfugiaient dans les idées
pures sans avoir jamais quoi que ce soit de concret à proposer ?

Enfin, en guise de conclusion temporaire, demandons-nous en quoi notre société française est-elle réellement
patriarcale aujourd'hui? Depuis 40 ans, les structures "traditionnelles" permettant, soit-disant, la pérennisation
du patriarcat ont largement reculé dans ce que nous nommons communément "Occident" : la famille, le
couple hétérosexuel, le mariage (religieux surtout), l'Eglise en tant qu'institution influençant sur les décisions
individuelles etc. alors qu'a contrario les pratiques, autrefois considérées comme marginales, sont aujourd'hui
acceptées par tous : union libre, émancipation des "minorités sexuelles", familles recomposées ou
monoparentales où la femme est chef de famille (et pas forcément précaires, loin s'en faut), "libre disposition"
de son corps etc. Ainsi, déclarer de nos jours, par exemple, à ses camarades d'école que ses parents n'ont
jamais divorcé est presque suspect...
Les mouvements féministes n'auraient-ils pas simplement enchaîné les femmes issus des milieux les plus
défavorisés à leur patron sous prétexte de les libérer d'une supposée dépendance envers leur mari ? La réponse peut paraître évidente...

Aussi, les auteur(e)s pratiquant, de nos jours, les études de genre auraient-ils (elles), eux(elles)-aussi leur lutte de retard, tout comme la gauche "bobo-libertaire" en France (i.e. extrême-gauche ou gauche de gouvernement largement solidaires des premiers cités, d'ailleurs) avec ses luttes anti-fascistes (qui consistent, en fait, àconsidérer comme fasciste tout ce qui s'oppose à ses valeurs) et anticléricale ou encore l'extrême-droite (un certain courant au moins) avec son combat anti-communiste d'arrière-garde et sa "menace rouge"?

(1)Le 27 septembre 1996, les Talibans prennent Kaboul, elle déclare alors que « c'est un pas positif » [SIC]
fort de son soutient politique, les fondamentalistes s'emparent dès lors du pouvoir à Kaboul. Nous connaissons la suite...
*« Le mythe de l'homo œconomicus et [de] la rational action theory [sont des] formes paradigmatiques de
l'illusion scolastique qui portent le savant à mettre sa pensée pensante dans la tête des agents agissants et à
placer au principe de leurs pratiques, c'est-à-dire dans leur « conscience », ses propres représentations
spontanées ou élaborées ou, au pire, les modèles qu'il a dû construire pour rendre raison de leurs pratiques
». Pierre Bourdieu, 2000, Les structures sociales de l'économie, Seuil, Paris.
Copyright © J-M Lemonnier mai 2009 publié sur blog.fr (plateforme fermée depuis décembre 2015=
par JeanMichelLemonnier @ 18.05.09 - 01:00:18
http://Jean-MichelLemonnier.blog.fr/2009/05/17/feminisme-et-etudes-de-genre-ou-quand-les-grandes-bourgeoises-parl



samedi 14 mars 2009

Obama et la "question amérindienne"-articles de 2009


Notre propos, ici, n'est pas de revenir sur l'engouement qu'a pu susciter à travers la planète, la campagne électorale puis l'élection de celui qui a bénéficié d'un soutien de la part d'une majeure partie des opinions publiques de presque tous les Etats du monde, à l'exception, peut-être, de celle de l'État d'Israël.
Nous n'évoquerons pas, non plus, très longuement la "racialisation" des commentaires sur son élection, éclipsant (presque) tout jugement réellement politique sur l'événement de la part de ces mêmes opinions publiques. On a, effectivement, fêté l'événement comme "la victoire d'un Noir à la Maison-Blanche". Signalons, aussi, que cette analyse, à travers le prisme de l'appartenance ethnique portée sur la personne d'Obama est autant le fait des racistes que des anti-racistes. Les premiers ont été sidérés par l'accession d'un Afro-américain (un métis en réalité) à la tête de l'Etat le plus puissant du monde, les seconds, pourtant toujours prompts à faire fi de l'appartenance ethnique (simple formule euphémisante du mot race) de l'individu, ont exulté à l'annonce du résultat de l'élection : "Enfin, un Noir à la présidence des Etats-Unis!". Enfin,ce qui est apparu stupéfiant, ce sont les propos tenus par de jeunes Français d'origine africaine hurlant à tout rompre : "Nous avons enfin notre président!"... (article Lemonnier)
Au-delà, des réactions hystériques des uns et des autres, il apparaît pourtant qu'Obama a été le premier président démocrate, depuis Johnson en 1964, a avoir été élu avec autant de "votes blancs" (vous excuserez ce malicieux jeu de mots). D'ailleurs, n'a-t-il pas fait campagne sur sa couleur de peau...
En réalité, "Obama représente l'archétype de l'idéologie mondiale unique (IMU) : métis, mondialiste, social-démocrate, de gauche, « antiraciste ». Il est l'élu de l'Amérique des minorités assistées et de l'hyper-classe mondiale assujettissant les classes moyennes blanches." http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=10845"
Cette longue introduction (qui a plus valeur de prologue) nous a, en tout cas, rappelé quelques éléments contextuels sur l'arrivée au pouvoir du 44ème président des Etats-Unis ou au moins comment celle-ci a pu être perçue.
Nous voulons donc aborder ici ce que pourrait-être le traitement de ce que l'on désigne communément sous le nom de "question (amér-)indienne" aux Etats-Unis (et a fortiori dans les Amériques) après cette élection. Nous essayerons d'éviter de nous attarder sur les origines ethniques d'Obama (origine kényane, caucasienne, cheerokee). Ce serait, encore une fois, considérer les potentialités de ce président à la lumière de critères raciaux.

Nous tenterons simplement d'apprécier comment ce président "post-racial" comme il a pu se définir, gérera cette question, qui fait figure de préoccupation marginale, pour nombre d'observateurs. Certains objecteront,peut-être aussi, à la vue de ce qui est mentionnée plus haut, que distinguer une cause amérindienne, c'est racialiser un propos comme d'autres ont pu le faire lors des élections américaines...Nous disons, simplement-et c'est sans doute un positionnement idéologique- que la "question amérindienne" est justifiée (justifiable) car elle recouvre un ensemble de revendications identitaires (nous ne sommes donc pas, ici, dans une logique d'assignations identitaire) toujours d'actualité. En outre, si le "monde amérindien" est polymorphe, multiple, si des oppositions s'y affirment (choix entre assimilation à la société dominante et entre-soi choisi, par exemple) il reste que celui-ci est reconnu légalement puisque les différents gouvernements américains ont, depuis deux siècles, réservé un "traitement" particulier aux individus qui le composent : signatures de traités, "cession" (plutôt rétrocession) de terres, expropriations, reconnaissance de groupes d'individus identifiés, "critérisés", catégorisation (reconnaissance statistique des Amérindiens), permettant l'octroi de droits ou, a contrario, leurs limitations, etc.
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Trois arguments me paraissent parler en faveur de la particularité de cette "question indienne" :
-le statut de premiers habitants de ces "Indiens"-la faiblesse numérique actuelle de ces nations vis à vis des autres "grandes 'minorités ethniques' " présentes sur le sol américain
-la marginalisation actuelle, sans aucun doute, plus affirmée de ces populations par rapport aux autres "minorités" (agrégation dans des réserves pour certains groupes, configuration considérée par certains comme un "privilège" pourtant)
.
Par ailleurs, existe-t-il une élite sociale et politique amérindienne (en dehors des réserves et des conseils tribaux) comme il en existe une chez les Noirs américains? A priori, non...
1) Ainsi donc, il n'est, sans doute, pas inutile de rappeler que les peuples désignés sous le terme générique d'"Indiens" ou d'"Amérindiens" sont les premiers habitants des Etats-Unis. D'autres termes, plus appropriés peut-être, servent, d'ailleurs, à les désigner :"Peuples natifs", "Peuples premiers", "premières Nations" "populations aborigènes d'Amérique" etc. En outre, il est aussi bon de noter, que l'ensemble de ces populations premières n'a jamais formé une seule entité. Il n'y a jamais eu unité de langue, de culture entre ces peuples ou même d' "empire", de "gouvernements" les fédérant, avant l'arrivée des premiers européens, en tout cas.
Ceci étant dit, et c'est un avis personnel- cette "question indienne" ne peut être mise sur le même plan que la situation des autres minorités présentes postérieurement sur ce même territoire américain. C'est l'argument le plus important permettant de dire- et sans rentrer dans la polémique d'une concurrence victimaire- que les Nations amérindiennes sont les plus marginalisées puisque dépossédées de leurs territoires, à l'arrivée des Européens. Alliés occasionnels ou ennemis des nouveaux arrivants du "vieux-continent", peu "utilisées" comme main d'oeuvre par les colons,comme ce fut le cas en Amérique latine, la vertigineuse chute démographique de ces Nations (ils ne sont plus que 250000 en 1896, les estimations hautes pour le peuplement au XVIème vont jusqu'à 12 millions d'individus), due aux guerres et épidémies incessantes, font que le génocide(euphémisé par les expressions "guerre de colonisation", "pacification des territoires"), et l'ethnocide amérindien qui s'en suit, ne supportent aucune comparaison possible dans l'histoire de l'Humanité.
2) L'aspect quantitatif :  ces "Indiens" ne représentent 2% de la population totale des Etats-Unis.En 2005, sur environ 300 millions d'habitants aux États-Unis, le gouvernement recensait :*42,7 millions d'hispaniques*39,7 millions de Noirs au total, i.e. les Afro-Américains, les d'Africains récemment arrivés et les Noirs d'origine antillaise.* 4,4 millions d'habitants d'origine asiatique *4,5 millions d'Amérindiens et d'indigènes de l'Alaska  * 1 million d'indigènes d'Hawaï et des îles du Pacifique (que l'on ne distinguera pas du cas Amérindien puisque relevant de la même logique, i.e; appropriation de territoires etc.)
Il reste, par ailleurs, qu'il est difficile de savoir qui est "Indien" aujourd'hui. Les critères d'indianité étant très "laches" . L'indianité c'est avant tout une revendication identitaire :" Je suis de sang indien". Juridiquement, il existe le "certificat de proportion de sang indien", il faut justifier d'1/4 de sang indien (critères variables visiblement) auprès du bureau des affaires indiennes pour revendiquer son indianité. De plus, certains "Indiens" ne font même pas la démarche pour l'obtention de ce certificat...
3) La question des réserves indiennes (presque 300 au total) : idée des colons du XVIIIème siècle, il s'agissait de mettre à l'écart (ségrégation spatiale et ethnique) ces Native american. En 1825 : déportations vers l'ouest des Etats-Unis, création d'un "territoire indien", on parlera de "solution finale" a posteriori, puis c'est la guerre de sécession, de traités en invasions de toutes sortes, le  "ghetto" éclate...
Aujourd'hui...on ne s'étendra pas sur le statut juridique des Nations indiennes et de leurs territoires. Disons simplement que les groupes indiens sont des "communautés politiques distinctes et indépendantes conservant leurs droits naturels originels" en matière d'administration locale. Les groupes indiens demeurent "un peuple séparé conservant le pouvoir de réglementer leurs rapports internes et les relations sociales" (1886), c'est la souveraineté tribale. Les groupes indiens sont considérés comme des nations internes aux Etats-Unis.
Certains arguent que les "Indiens" des Etats-Unis sont aujourd'hui très riches grâce à une loi de 1988 autorisant, la construction de casinos sur les réserves indiennes (interdiction des casinos aux Etats-Unis, hormis Las Vegas ou Atlantic city). Les Amérindiens seraient-ils "solubles dans le capitalisme"? cf.(1)(2)(3)
Il est essentiel de dire que toutes les réserves indiennes ne bénéficient pas des revenus générés par les établissements de jeux. L'Etat du Montana et celui du Dakota du sud, par exemple, avec leur respectivement 7% et 10% d'Améridiens regroupent, sans doute, les populations du pays les plus faibles économiquement. Pine Ridge, l'une des 9 réserves indiennes du Dakota du sud, territoires de la grande Nation Sioux, répartie sur deux comtés comptent 400000 âmes. Pine Ridge, territoire des Sioux Lakota,est tout simplement l'endroit le plus pauvre des Etats-Unis, avec ses 90% de chômeurs...
(1)(2)(3):
Veronica Tiller, « La souveraineté tribale des Indiens des Etats-Unis et le système fédéral américain », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, Coloquios, 2008, [En línea], Puesto en línea el 15 décembre 2008. URL : http://nuevomundo.revues.org/index46193.html.
"Très souvent, ces premiers Américains sont invisibles, figés à jamais dans des images mythiques du passé. Ils sont présents sur les photos de Curtis et dans les tableaux de Remington et nous entendons parler d'eux à travers ce qu'en disent les milieux new age. Ils sont cools, ces Indiens. Et puis, dès qu'un nouveau casino ouvre près de l'autoroute, ou qu'une exposition de poteries fait parler d'elle, nous nous rendons compte qu'ils sont toujours là, parmi nous. Avec l'ascension d'Obama, les Indiens se sont autorisés à rêver – et même, pour certains, à tomber amoureux. En mai dernier, il a été adopté par une famille indienne du Montana, et a reçu de la nation crow le nom de Barack Black Eagle [Barack Aigle Noir]."
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Il existe, certes, un lien fort entre ces Amérindiens, spoliés de leurs terres, humiliés, ostracisés, et les Noirs américains descendants d'esclaves. Mais, Obama (qui n'appartient d'ailleurs pas à la dernière catégorie citée) qui suscite tant d'espoir à travers le monde, fait, le plus souvent, figure, auprès des groupes tribaux (malgré l'euphorie ici et là de quelques individus emportés par leur naîveté (?)), d'un simple signataire de traités, comme les autres présidents américains qui l'ont précédé. Kennedy, en son temps, avait bien serré la main d'un chef tribal, lors de sa campagne électorale...et ensuite? Obama a déclaré, lui aussi durant sa campagne : "Je sais ce que c'est que de lutter (…) combien de fois on vous a oubliés, tout comme les Noirs ou d'autres groupes dans ce pays. Parce que j'ai vécu cela, je ne vous oublierai pas", a promis le candidat." Cette phrase doit, peut-on le penser, provoquer un vague malaise chez certains autochtones amérindiens qui se remémore le "Je n'oublierai pas Leonard" de Bill Clinton pendant sa campagne électorale...A ce jour, Leonard Peltier, militant amérindien Anishinaabe/Lakota (American Indian Movement), est toujours "prisonnier politique"...
Pour autant, durant sa campagne pour les primaires présidentielles, Barak Obama avait annoncé que les Nations amérindiennes seraient représentées dans son administration. "La souveraineté pour les peuples autochtones tient la première place dans le cœur de Barak Obama" a affirmé Keith Harper, un avocat de Washington, directeur du Conseil Consultatif Sénatorial Démocrate de l'Illinois pour les Autochtones Américains et d'ajouter : "la décision d'Obama se vérifiera par les actes, non par la parole".
Or donc, trois mesures en faveur des communautés amérindiennes ont été promises :
* nomination d'un amérindien comme conseiller politique et réunion d'un groupe de conseillers personnels composé de "personnalités" issues du "monde autochtone amérindien" (chefs tribaux, intellectuels), pour faire entendre la voix des autochtones dans son administration.* création d'un Tribal G8 Summit, après chaque (?) réunion annuelle des dirigeants du traditionnel G8. Abolition de la jurisdiction gap, qui met les tribus indiennes dans l'impossibilité de poursuivre les membres non-tribaux, pourtant responsables de la majorité des crimes fédéraux commis sur leurs territoires (réserves).
* signature de la Native hawaïan Government Reorganisation Act dite "loi Alaska". Ce qui signifie à la fois, égalité de statut entre Hawaïens, autochtones d'Alaska et Amérindiens mais aussi, droit de former une entité gouvernementale, légalement apte à négocier avec l'Etat et les gouvernements fédéraux le contrôle des terres, des ressources naturelles et de leurs revenus. Source : Robert Pac, indian Contry Today, 08 et 28 février 2008 in http://www.okamag.fr/oka/77.htm
De nos jours, la situation socio-économique des Nations indiennes est certes différente, selon que l'on soit Ojibwas dans le Wisconsin ou Sioux Lakota dans le Dakota du sud. 60% des 339 tribus indiennes des Etats-Unis possèdent des établissements de jeux d'argent. Paradoxalement, l'essor économique sur les réserves possédant des casinos a permis grâce aux ressources financières dégagées par ces activités de permettre un nouvel élan pour les mouvements autochtones traditionalistes : programmes culturels, environnementaux. Certains Amérindiens sont aujourd'hui "riches", attisant la haine et l'envie, tant d'autres communautés indiennes, que parmi la société dominante...en outre, certains groupes amérindiens voient dans ce phénomène une parfaite contradiction avec les valeurs morales de leurs peuples...(article Lemonnier)
Il reste, qu'en moyenne, les Indiens des Etats-Unis meurent plus précocement que les autres Américains, les taux d'alcoolisme et le nombre de diabétiques dans certaines réserves n'ont leur équivalent nulle autre part dans le pays, les jeunes "Indiens" ont honte de leur héritage, et les métis d'Amérindiens et de Blancs, d'Amérindiens et de Noirs n'ont guère plus de respect pour leurs origines (constatation valable pour le métis Colombien ou Brésilien, par ailleurs)...
In fine, il me souvient à l'esprit cette phrase, lue je ne sais plus où, d'un généticien, dont j'ai oublié le nom (mais qu'importe, l'idée développée est très clair encore dans mon esprit), qui disait peu ou prou "Les Indiens d'Amérique n'ont d'autres choix que celui de l'assimilation ou celui de leur disparition définitive." Cynisme ou réalisme?Obama, "l'Espoir des damnés de la terre" a-t-il, finalement, d'autres alternatives à proposer aux Nations indiennes que celles-ci?

(à suivre...)
Copyright © J-M Lemonnier 2009