: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: janvier 2014

mercredi 29 janvier 2014

Point de vue des marxistes orthodoxes sur un ensemble de questions sociétales

Etincelles, revue théorique du PRCF (Pôle de Renaissance Communiste en France), numéro 25- Mai 2013
Le point de vue du PRCF (pas du Parti Communiste Français) sur les évolutions/réformes sociétales souhaitées ou/et imposées par le gouvernement social-démocrate actuel (p. 19 à 34). 

Signalons d'abord que le PRCF, marxiste-orthodoxe dit oui au mariage civil (s'il est souhaité bien sûr/ critique implicite de l'intitulé maladroit "mariage pour tous") entre époux ou épouses avec les mêmes droits que les couples hétérosexuels. Oui à l'adoption par TOUS  les couples et...  Non à l'homophobie, évidemment. 
Et tout cela sur la base de "Marx, sans s'intéresser à 'la question homosexuelle' semble dire que" ou "Lénine écrit... concernant l'amour libre"...et en mentionnant le "Deuxième sexe" jugé "globalement émancipateur" (on se demande, cependant, émancipateur pour qui...Pour la bourgeoise bisexuelle rentière oisive certainement, beaucoup moins pour la femme ouvrière ou employée à bas salaire et hétérosexuelle par exemple).
On pourrait prendre cela pour un discours de "gauche normale" pour laquelle les références théoriques/idéologiques ne sont, cependant, pas à chercher du côté de chez Marx, ni chez Lénine, ou alors de manière tout à fait résiduelle. 

Mais, le PRCF refuse le confusionnisme sur un ensemble de problématiques sociétales ce qui le différencie assez nettement des autres partis de gauche ou considérés comme tels. Etre sceptique vis-à-vis de certaines innovations sociétales ne signifie pas faire le jeu de ce ce que ces marxistes appellent la "réaction". Autrement dit, on peut soupçonner (à défaut d'être certains) que certaines mesures présentées comme "progressistes" ne sont que les chevaux de Troie du capitalisme ou qu'elles n'ont pas à être acceptées comme telles parce que simplement présentées (sans "preuves" à et en l'absence d'un débat de fond) comme un "incontestable progrès". Le PRCF refuse donc le "chantage à la réaction" des sociaux-démocrates et autres libéraux-libertaires envers ceux qui "doutent" du bien fondé de certaines lois, "directives" ou projets de lois. 


Ainsi donc, faut-il refuser une "tenaille idéologique" et de choisir entre un  de ces deux camps :
-Celui des beaufs (qui dans leur imaginaire barbare se font gloire de casser du pédé)", de la "réaction" et du bloc "UM'Pen"en gestation (UMP'en est une formulation des théoriciens du PRCF convaincus d'un rapprochement partiel ou total (fusion) en cours des deux partis UMP-FN)

-Celui des Bobos, clientèle du PMU (Parti Maastrichien Unique-UMP et PS et partis satellites) voire des petits partis gauchistes (parti de Gauche, NPA), qui dans le cadre de l'idéologie capitaliste actuelle de la transgression, de la déréglementation, de la dénationalisation, de la "nomadisation", se fantasment sans classe sociale, sans patrie, sans sexe, sans couple, sans identité, "sans qualités" comme eût dit Robert Musil, en portant aux nues le mythe d'une pseudo-'liberté transcendante' qui n'est que la couverture mythifiée de la totale fluidité du capital et de sa devise managériale bien connue : "ne pas s'attacher aux pays, ne pas s'attacher aux produits, ne pas s'attacher aux hommes" (et dans la foulée, ne pas s'attacher aux couples, aux enfants, à son propre sexe, etc. et avoir pour seule identité stable la monstrueuse déclaration de Parisot : 'l'amour est précaire, la vie est précaire, pourquoi le travail ne serait-il pas précaire?')

On ajoutera qu'il faut être profondément stupide pour croire que critiquer la gauche c'est être forcément de droite. A considérer que ce clivage a encore un sens en France...

En outre, on  sait à quel point, pour certain(e)s, le fait d'afficher des "convictions de gauche" à leur boutonnière suffit à les convaincre d'être dans le "camp du Bien", voire d'incarner personnellement ce "Bien"...même dans le cas où on serait une ordure finie, moralement parlant...Mais c'est vrai qu'à gauche, on n'aime trop pas la morale...On ignore même jusqu'au sens du mot parfois...

Or donc, on va faire appel ici à l'anthropologie marxiste, qui s'intéresse donc à l'histoire sur des temporalités longues, pour prendre de la hauteur et comprendre les "conditions de l'autoformation du genre humain". S'en suivent les considérations habituelles sur le mépris des femmes par les institutions religieuses (de ce côté là rien de nouveau, c'est du marxisme pur et dur dans le texte...On continue à vouloir bouffer du curé), mais surtout entre autres (on ne fera pas un résumé complet des analyses présentées dans le numéro de cette revue), une critique de la "théorie du genre" (1) 

Une critique suivant deux axes complémentaires donc :

Une théorie (d'autres diront qu'il n'en existe pas/cf. : études sur le genre) jugée "dangereuse" par des marxistes (donc des progressistes) que seraient bien avisés d'écouter  les "gauchistes" et autres petits-bourgeois radicaux de gauche toujours prompts à choper tous les courants...d'air du temps.  Les mêmes petits et moyens bourgeois, totalement étrangers au monde ouvrier, toujours prêts à donner des leçons d'ouvriérisme à... des enfants d'ouvriers, d'ailleurs...

En somme, l'attitude réellement "progressiste" consiste à faire preuve de la plus grande prudence à l'égard d'un ensemble de mesures et de postures idéologisées et à mettre en avant le principe de précaution. Car, il existe indéniablement des constantes anthropologiques (la position des marxistes n'est pas d'affirmer que rien ne doit "évoluer"/ l'homme est un produit de la nature ET de la culture) et la théorie du genre pourrait être dévastatrice dans la construction de la personnalité de sujets déjà aliénés par le mode de production capitaliste. 


En outre, il n'existe pas de "droit à l'enfant". Les mères porteuses (pauvres forcément?) ne seraient finalement que des "machines à pondre" des enfants contre de l'argent pour de riches parents homosexuels (voir GPA). L'enfant-marchandise est une abjection totale ! Le sous-entendu idéologique relatif à ce "droit à l'enfant" c'est, qu'au final, un morceau de sucre, un gamin ou une bagnole c'est pareil. Soit le cynisme libéral le plus complet, le plus "achevé".  

A travers ses propositions (qu'elles aboutissent ou non à des lois), la "gauche" se révèle être, donc une nouvelle fois, le meilleur V.R.P. ou la meilleure caution morale (-> le "Progrès") -si l'on veut- des "avancées" du capitalisme total. 


(1) Voir Judith ButlerJohn Money. Mais les chantres des "gender studies" qui récusent l'appelation "théorie du genre" diront que ces deux là n'ont rien à voir ensemble et préféreront vous parler hypocritement de l'anthropologue Margaret Mead...Cet article démontre pourtant la continuité idéologique entre Money et Butler : http://www.nerve.com/content/mythbuster : "Judith Butler and others were all very supportive of John Money because he was saying what they wanted to hear. He was saying that, if you start early enough, a boy can be socialized as a girl."
Il faut reconnaître, aussi, une évolution de l'utilisation du terme "genre". Les "penseurs du genre" vont s'appuyer sur une distinction originelle  faite par des médecins étasuniens dans les années 50.  On passe alors en quelques décennies au "combat" de Butler sous l'influence des travaux charniers de Foucault et de Bourdieu et bien évidemment du "Deuxième sexe" du Castor bourgeois. Nous ne sommes alors plus dans la lutte traditionnelle féministe contre le sexisme (le déterminisme social lié au sexe biologique), mais dans la dénonciation d'une soi-disant "norme sociale hétérosexuelle". Ces "penseurs" affirmeront la non-universalité de la division masculin/féminin en se référant, d'ailleurs, à des cas marginaux existant dans certaines sociétés non-européennes.

On arrive alors aux travaux (parmi d'autres) des Rachele Borghi, géographe (sic) (l"anus comme espace indifférencié, car "non-discriminant") et des Beatriz Preciado "philosophe", toutes deux activistes post-porn queer. A leur lecture, on comprend alors "l'état d'esprit" de cette "gauche pathogène" genriste. Preciado, universitaire, écrit dans un article pour un journal français : "Depuis cette modeste tribune, j’invite tous les corps à faire la grève de l’utérus. Affirmons-nous en tant que citoyens entiers et non plus comme utérus reproductifs. Par l’abstinence et par l’homosexualité, mais aussi par la masturbation, la sodomie, le fétichisme, la coprophagie, la zoophilie… et l’avortement." (Libération, 17 janvier 2014).

A la suite des Judith Butler et autres fanatiques féministes lesbiennes post-porn queer..."chercheurs" en sciences humaines et sociales, B. Preciado propose de libérer l'individu par la négation de toute identité sexuelle et par la mise en place d'une société alternative "contra-sexuelle", de remplacer" le pénis et le vagin par l'anus ("centre universel contra-sexuel") et le godemichet (!). Refuser de faire des enfants pour déconstruire l'Etat-nation (espagnol dans ce cas) etc. Les foutaises derrido-deleuzo-foucaldo-althusseriennes habituelles adaptées aux luttes LGBT...Par ailleurs, en tant qu'homosexuelle, on ne voit pas en quoi ces questions de procré-n-ation la concernent...

Soit le crétinisme de l'idéologie de la transgression systématique propre à cette "gauche" qui ne se soucie guère de savoir à qui servent réellement ces postures outrancières... Haine de soi, refus de l'altérité. Bref. De la merde, des animaux objets sexuels pour ces dames et du plastique comme projet de civilisation...

Annihiler toutes les forces de vie au nom d'une lutte contre la "réaction". Ces "penseurs" veulent nous vendre une idéologie de mort sous couvert d'émancipation des "minorités sexuelles", de soi-disant tolérance plus généralement... Et, tout cela en dit long, également, sur l'état des sciences sociales dans le monde euro-étasunien (l'Europe centrale et orientale semble relativement épargnée jusqu'à présent par cette dérive narcissique et  autoritaire des SHS). Des laboratoires en SHS devenus pour certains les bas-fonds de la pensée humaine...remplis d'"intellectuels" coprophages (c'est Preciado qui l'écrit finalement...) et autres névrosé(e)s profonds, produisant des travaux à prétention scienfitique subordonnés à diverses idéologies mortifères.


samedi 11 janvier 2014

Dieu de Voltaire, Dieu de st Thomas et d'Aristote : dieu bourgeois, dieu mesquin. Mort de Dieu, mort de l'homme


A partir du moment où le dieu des philosophes se retire de la Création, il laisse aux hommes le soin de diriger leurs affaires eux-mêmes. Dieu de commerçants, de bourgeois médiocres et pragmatiques, de l'ordre établi. Il ne s'agit pas, pour autant, de défendre le dieu "comptable" tout aussi terne de st Thomas d'Aquin ("et d'Aristote") tout aussi détestable que celui de Voltaire. Ce dernier quand il déclare que Dieu est supérieur à la petitesse des hommes, justifie, à vrai dire l'existence d'un dieu de "marchands". L'homme est fait de bas instincts (mais peut-être sommes nous aussi trompés par le discours libéral) comme Voltaire... Il fallait à celui-ci un dieu mesquin et lâche, un dieu à son image. Construire l'image d'un dieu étranger aux affaires terrestres pour mieux le liquider ensuite...

Ce sera le rôle d'un Nietzsche, par exemple, de proclamer, plus tard, la "mort de Dieu", d'annoncer le déicide, (son inexistence en réalité). Un Nietzsche qui attribuera pourtant une volonté de puissance à un univers supposé inerte. Assez peu conséquent comme aboutissement d'un raisonnement pour un athée, cela-dit...Pour Marx, la religion telle qu'il la conçoit : une pathologie, une consolation, un besoin face à la misère sociale. 
En somme, ces deux philosophes ont présenté des propos de peu d'intérêt, relatifs à cet objet mal indentifié qu'est Dieu, mais parfaitement conformes au "zeigeist" du XIXe s. Les thèses de Marx ne sont  pourtant pas étrangères à des formes de religiosité : promesse millénariste d'un monde meilleur, messianisme, fin de l'histoire ("eschatologie marxiste") ou encore la fonction sotériologique du prolétariat... Le marxisme (ou plutôt l'interprétation erronée des thèses de Marx) a bien été un opium des peuples au XXe siècle...  On n'évoquera pas très longuement Sade, dans la mesure, où son discours "immoral", prônant un retournement de toutes valeurs (chrétiennes) est flagrant dans la pensée libérale, capitaliste, contemporaine.

Tardivement, une des manifestations de cette volonté de créer des succédanés modernes de Dieu ou des dieux (qui témoigne aussi de l'incapacité de l'homme à se débarasser de l'existence d'un phénomène qui échappe à sa vie consciente, qu'il ne contrôle pas) sera l'invention d'un "inconscient structural", commun à tous, "modernes" comme "archaïques", mais  également invention du surmoi (autorité morale). Vaguement révolutionnaire, assez génial et... tellement pratique...

En outre, on ne dira jamais assez l'influence déterminante que les "théologiens de la mort de Dieu" (de Voltaire à Nietzsche, certes, malgré eux) ont pu avoir sur la naissance des fanatismes qui ont mené aux massacres de masses de 1793 à aujourd'hui. Accepter de vivre dans un monde sans dieu pour que naisse l'homme, nous dirent-ils. Pour quels résultats ? Des génocides, des guerres d'une violence inouïe inconnue jusqu'alors...Que l'on regarde l'histoire du XXe s. sans aveuglement, et l'on verra que ce sont bien des élites soi-disant "positives" et "rationnelles" qui ont plongé le monde dans les guerres les plus atroces qu'ait connue l'histoire de l'humanité, mais aussi créé les conditions du mal-être de l'homme moderne et post-moderne (destruction de l'environnement, pathologies physiques et mentales...), malgré quelques innovations dont on reconnaîtra le grand intérêt (médecine...). Mais, constatons objectivement que la "grille d'analyse" qui constiste à lire l'histoire comme une marche continuelle vers le progrès ne fait plus l'unanimité chez les "modernes". Ces désillusions face à la "religion du progrès" entraînent ce formidable pessimisme actuel face à l'histoire, malgré les appels incantatoires réguliers au rassemblement -sur le plan politique- du "camp des progressistes" contre celui de la "réaction". Eructations sur le mode de l'opposition binaire qui apparaissent de plus en plus pathétiques et ridicules pour l'homme moderne qui possède encore une vague conscience/connaissance historique...

Or donc, face au dieu vengeur, bourreau, aigri et calculateur n'aimant pas les hommes et qui consigne sur un cahier comme un vulgaire épicier  les "péchés" de ses créatures, comme face au dieu de l'hypothèse déiste tel qu'imaginé par un Voltaire, "nous" devons avoir la même attitude : rejet et mépris.

Seule, cette extraordinaire puissance miséricordieuse manifestée à l'échelle du cosmos tout entier qui gênait mais  aussi effrayait ces philosophes-bourgeois du XVIIIe s. est digne d'être appelée Dieu. Ces misérables dieux "thomiste" et "voltairien" doivent mourir "en nous" et à l'extérieur de "nous" et laisser leur place à cette incommensurable force cosmique faite d'un amour indicible, puissance à la fois terrifiante et fascinante...

(1989)
Dead - your god is dead
Fools - your god is dead
[...]
God hear my death call


Pour que l'homme se fasse dieu à son tour !
(1989)