: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: Grèce
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dimanche 8 mars 2020

Guerres de et pour l'Eurasie (suite) - Guerres actuelles et fronts de demain : Turquie/Grèce-Syrie-Russie


Depuis le 11 septembre, les Etats-Unis ont assigné à la Turquie le rôle de "Pont civilisationnel" entre Orient Occident. Membre de l'OTAN depuis 1952, la Turquie est un allié de longue date de Washington. Les premiers accords de coopération entre les deux entités datent de l'époque de l'Empire ottoman, mais c'est surtout après la Deuxième Guerre mondiale que la Turquie devient un partenaire solide des Etats-Unis malgré les désaccords récents entre Washington et Ankara portant, en autres, sur la question kurde. La Turquie est considérée comme un grand allié d'Israël dans la région. Mais, les  condamnations récurrentes par Recep Tayyip Erdogan de la politique israélienne envers les palestiniens ont, cependant, quelque peu refroidi les relations entre les deux pays.

La Turquie est perçue dans le monde arabe comme l'héritière de l'Empire ottoman. Les Turcs veulent se différencier des Arabes et des Iraniens. De leur côté les Arabes se sentent peu d'affinités avec les Turcs et les Iraniens et ces derniers refusent d'être confondus avec les Turcs majoritairement sunnites et les Arabes sunnites ou non. La construction artificielle des Etats-Nations dans la région a eu pour conséquences désastreuses l'extermination de centaines de  milliers de personnes appartenant aux minorités ethniques et religieuses, notamment kurdes et palestiniennes. Le génocide arménien qui a fait entre 1,2 et 1,5 millions de morts est encore une plaie béante. Le retrait des Russes en 1917 suite à la révolution bolchévique favorise encore la politique d'extermination menée contre les Kurdes et Arméniens, mais également celle des Assyro-chaldéens et d'autres minorités présentes sur le territoire de l'Empire ottoman en pleine désagrégation. L'animosité sinon la haine entre les différents peuples de la région est encore très vivace. La détestation des Turcs pour les Arabes est très vive, à tel point que les signes de ce rejet du monde arabe se manifestent dans les écoles turques : dans les cours coraniques l'arabe est enseignée comme une langue morte... La Turquie, membre de l'OTAN, est par ailleurs considérée, à juste titre, comme l'alliée d'Israël. Qui plus est, l'alliance des voisins syriens et irakiens avec la Russie renforce encore la méfiance des Arabes envers les Turcs. Des contentieux historiques et toujours pas réglés pourrissent les relations entre la Turquie et ses différents voisins. Entre 2012 et 2015, les incidents à la frontière turco-syrienne se sont multipliés, des avions ont été détournés ou abattus. Les relations de la Turquie avec l'Irak ne sont guère plus cordiales. Aux signes de détentes entre les deux Etats succèdent des tensions en relation avec la forte présence kurde (PKK, parti des travailleurs du Kurdistan) dans le nord de l'Irak, surtout à l'époque de Saddam Hussein. L'assassinat de celui-ci par la coalition internationale (comprendre l'anglosphère) et la destruction en règle du pays par cette même coalition n'a pas vraiment changé la donne diplomatique entre ces deux pays, même si la zone kurde a pu représenter durant un moment une sorte de glacis protecteur pour l'Etat turc.

Erdogan ne pourrait supporter la défaite des islamistes en Syrie avec qui il commerce. Il existe en, effet, une route du pétrole de l'EIIL, avec pour centre de ce trafic, le port turc de Ceyhan. Un représentent des services de renseignements irakien expose la mécanique de ces opérations de contrebande pétrolière. Le pétrole est vendu au plus offrant et ce sont à la fois des Turcs, des Iraniens, des Syriens ou des Kurdes irakiens qui se disputent sur ce marché parfaitement illégal. Le pétrole part en camion de la province de Ninive (Nord de l'Irak) et arrive à Zakho au Kurdistan irakien, ville située à proximité de la frontière turque où les convois sont accueillis par intéressés sus-cités. Les camions franchissent ensuite la frontière (très poreuse avec la Turquie) pour atteindre la ville de Silopi en Anatolie du sud-est. A partir de là, il est impossible de connaître la provenance de l'hydrocarbure puisque les sources d'approvisionnement se confondent. Il est alors illusoire d'essayer de distinguer le pétrole de l'EIIL venu du territoire irakien contrôlé par l'organisation islamique, de celui extrait dans le territoire kurde irakien. Le pétrole est, ensuite, acheminé vers Israël par des sociétés de transport maritime, dont certainement celle de Bilal Erdogan, fils de l'actuel président turc. En conséquence, Israël peut être considéré comme un client de l'EIIL. Le ministre syrien de l'information Omran al-Zoubi est convaincu que la famille Erdogan est largement impliquée dans le trafic d'hyrdocarbures mais aussi d'œuvres d'art avec l'organisation terroriste : "All of the oil was delivered to a company that belongs to the son of Recep [Tayyip] Erdogan. This is why Turkey became anxious when Russia began delivering airstrikes against the IS infrastructure and destroyed more than 500 trucks with oil already. This really got on Erdogan and his company’s nerves. They’re importing not only oil, but wheat and historic artefacts as well ' "[1]. L'implication d'Israël dans ce trafic mafieux est, quant à elle, dévoilée  par le média al-Araby : "According to a European official at an international oil company who met with al-Araby in a Gulf capital, Israel refines the oil only "once or twice" because it does not have advanced refineries. It exports the oil to Mediterranean countries - where the oil 'gains a semi-legitimate status' - for $30 to $35 a barrel. 'The oil is sold within a day or two to a number of private companies, while the majority goes to an Italian refinery owned by one of the largest shareholders in an Italian football club [name removed] where the oil is refined and used locally," added the European oil official. 'Israel has in one way or another become the main marketer of IS oil. Without them, most IS-produced oil would have remained going between Iraq, Syria and Turkey. Even the three companies would not receive the oil if they did not have a buyer in Israel' said the industry official. According to him, most countries avoid dealing in this type of smuggled oil, despite its alluring price, due to legal implications and the war against the Islamic State group"[2]. On comprend donc bien la nervosité d'Ankara depuis le début de l' intervention russe. L'aviation russe détruit, en effet, régulièrement des convois. Depuis le début des opérations militaires au Levant, la Russie doit donc se méfier de la Turquie censé pourtant combattre les groupes djihadistes. L'armée turque occupe le nord de la Syrie et s'oppose aux Kurdes syriens. Depuis de nombreuses années, la Turquie d'Erdogan est une alliée du Qatar qui a, notamment, financé les Frères musulmans en Egypte mais aussi Daech et qui souhaite la chute du président syrien. En conséquence, quand l'armée russe a commencé à bombarder les positions des djihadistes salafistes dans le nord de la Syrie, Moscou est finalement entrée en conflit avec Ankara. Le 24 novembre 2015, après plusieurs semaines de tensions turco-russes, un bombardier russe Soukhoï Su-24, accusé d'avoir violé l'espace aérien turc est abattu par un F-16 turc. Un événement sans précédent depuis des décennies. C'est en effet la première fois depuis la guerre de Corée. qu'un appareil russe est la cible d'une armée d'un Etat membre de l'OTAN. Le bombardier russe abattu et l'assassinat d'un pilote russe ont été un prétexte pour exacerber la stratégie de la tension menée par le président turc Erdogan. Le lieutenant-colonel Oleg Peshkov qui a réussi à s'éjecter de son avion - avec son camarade qui lui a survécu - a donc été tué par Alparslan Celik, chef de la brigade turkmène syrienne, cinquième colonne d'Erdogan en Syrie. Les jours précédents l'attaque de l'avion et l'assassinat du militaire russe, la brigade turque avait dû reculer face à l'offensive des forces armées Syriennes agissant en coordination avec l’aviation Russe dans la province Nord de Lattaquié, située à proximité de  la frontière turque. Conséquemment à ces actes terroristes perpétrés par le pouvoir turc, la réaction de Moscou ne s'est pas faite attendre : suspension des relations commerciales entre les deux pays, expulsion des entreprises turques travaillant en Russie, etc. Ce boycott a généré des pertes financières faramineuses pour l'économie turque. Erdogan n'a pas anticipé la réaction de l'ours russe. Les forces syriennes loyalistes progressent et repoussent les combattants de l'EIIL grâce au soutien de l'aviation russe. Le nord de la Syrie est peu à peu libéré des groupes terroristes.

De surcroît, Erdogan ne peut envisager l'idée d'un Etat kurde aux frontières de la Turquie. Mâter les rebelles kurdes est la préoccupation d'Ankara bien avant la lutte ou pseudo-lutte contre l'EIIL à laquelle la Turquie feint d'adhérer. Dans le sud-est de la Turquie, à majorité kurde, des combats entre l'armée turque et le PKK ont repris à l'été 2015. Cette lutte à mort entre le pouvoir central et les rebelles a déjà fait 40000 morts depuis une trentaine d'années. C'est, d'ailleurs, en partie grâce aux bombardements turcs visant les positions kurdes que les djihadistes de l'EIIL progressent dans certaines zones. Les Kurdes sont accusés de perpétrer tous les actes terroristes qui touchent la Turquie, comme ce fut le cas suite à l'attentat de février 2016. Les organisations kurdes PKK (Parti des travailleurs) le PYD (Parti de l'union démocratique) branche syrienne du PKK et ses miliciens de l'YPG qui revendiquent un Kurdistan syrien et combattent autant Ankara que Damas, sont désignés comme les responsables de l'attentat du 17 février 2016 qui a fait 28 victimes et visé des fonctionnaires civils de l'état-major et des soldats de l'armée. "Même si les dirigeants du PYD et du PKK disent qu'il n'y a aucun lien avec eux, sur la base des informations obtenues par notre ministre de l'Intérieur et nos services du renseignement, il a été établi que (l'attentat) avait bien été commis par eux" déclare Erdogan après les attentats. Le président turc souhaite l'arrêt des bombardements russes sur les positions de ses alliés islamistes et utilise le prétexte des attentats pour tenter de justifier une intervention des troupes turques et saoudiennes en Syrie.

Enfin, des mouvements de troupes turques ont été observés vers les frontières de la Turquie avec la Grèce et la Syrie. Depuis le début de l'année 2016, des avions militaires turcs violent régulièrement l'espace aérien grec. Le 15 février 2016, on recense vingt violations de l'espace aérien grec par des chasseurs turcs ! La Turquie conteste depuis des décennies la souveraineté la Grèce sur une partie de la Mer Egée, à la question de la délimitation des eaux territoriales s'ajoute donc celle de l'espace aérien. De surcroît, depuis 1974, la question chypriote participe évidemment à créer un climat de tension extrême entre les deux Etats. Le peuple  de la partie grecque de l'île étant bien entendu soutenu par la Russie. L'ensemble de ces éléments peuvent laisser craindre un possible conflit entre la Turquie et la Grèce, toutes deux...membres de l'OTAN. Déjà en 1987 et 1996, un affrontement militaire fut près d'éclater à propos des litiges territoriaux gréco-turcs. En Grèce, l'idée (la "Grande idée", "Megali Idea") de réunir les peuples grecs au sein d'un même Etat resurgit à intervalles réguliers dans les débats politiques[3]... Le souvenir du massacre de 360000 chrétiens grecs de la zone pontique par les Turcomans au début du XXe siècle est, en outre, profondément ancré dans la mémoire collective grecque[4]... 




Signalons que la Turquie possède une base militaire nucléaire étasunienne sur son territoire (2016)... Enfin, il faut insister sur le fait qu'Erdogan, à l'occasion, ne craint pas de rappeler la glorieuse époque de l'Empire ottoman dont la Turquie serait l'héritière. Certains petits nationalistes turcs sont toujours nostalgiques de l'Empire et le pantouranisme visant à l'unification des peuples de langues turques et finno-ougriennes est une idéologie qui a ses défenseurs à Ankara mais également à Budapest[1]. La Turquie cherche, depuis des décennies, avec plus ou moins de succès à étendre son influence, perdue après la disparition de l'Empire ottoman, aux Balkans mais aussi au Caucase. Il n'est pas anodin de rappeler que durant les guerres yougoslaves - même si durant le conflit Ankara tient une position que l'on peut qualifier de modérée sinon de neutre - une frange de la population bosniaque musulmane brandit des drapeaux turcs lors de  manifestations à Sarajevo...
A l'automne 2015, une guerre ouverte entre la Russie et la Turquie n'a jamais été aussi près d'éclater. Ankara menace régulièrement de fermer le détroit du Bosphore à la marine russe. Une telle décision menacerait directement la survie des troupes russes basées dans le gouvernorat de Lattaquié. Poutine ne peut répondre militairement aux provocations du vieil ennemi turc mais chacune d'elles peut potentiellement transformer ce conflit larvé entre la Russie et ses alliés d'un côté et les puissances de l'OTAN de l'autre en une nouvelle déflagration mondiale. Le 14 mars 2016, Poutine, considérant que les objectifs de l'intervention russe ont été atteints, ordonne le retrait d'une part de ses troupes en Syrie, tout en assurant que des bases aériennes seront toujours opérationnelles dans l'ouest de la Syrie (base navale de Tartous et base aérienne de Khmeymim à proximité de Lattaquié). Que nous dit cette décision brutale ? La Turquie qui brûle...d'envie d'envahir la Syrie a-t-elle les moyens de lancer une offensive contre la Syrie d'Assad ? En l'état des choses de cette première moitié du mois de mars 2016, une telle initiative serait très risquée pour la Turquie. D'une part, comme nous venons de l'écrire des troupes russes sont toujours présentes en Syrie. La Russie n'abandonne donc pas Assad et son peuple. D'autre part, l'intervention russe a permis au pouvoir central syrien de se renforcer (Assad a donc montré jusqu'ici une capacité de résistance impressionnante) tout en affaiblissant l'EIIL. Ces éléments font que toute entreprise guerrière dirigée par la seule Turquie est vouée à l'échec, à part si elle est soutenue par ses alliés du BAO, mais la dimension du conflit changerait alors de manière tout à fait radicale. Or, les Etats-Unis semblent de plus en plus se méfier du pouvoir turc actuel (comme des monarchies du Golfe) et il est fort possible que Washington et Moscou partagent le même objectif commun qui serait de pousser Erdogan vers la sortie. Les Etats-Unis avec Israël défendent le projet de Nouveau Moyen-Orient qui prévoit la partition de la Turquie et la Russie verrait d'un très bon œil la disparition de cette entité turque qui n'a pas abandonné ses rêves (creux ?) pantouraniens, de réunification - sous une forme ou une autre - des peuples turcophones des Balkans aux steppes d'Eurasie...
ARTICLES LIES : GUERRES DE ET POUR L'EURASIE

Extrait d'un livre non publié (Jean-Michel Lemonnier, 2016).

[1] Voir Lemonnier, JM. (2015). Les nouvelles relations magyaro-roumaines. Quelles conséquences en Roumanie ? Retours historiques, situation actuelle, perspectives. source : https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-01179263/document









[1] "ISIS Oil Trade Full Frontal: "Raqqa's Rockefellers", Bilal Erdogan, KRG Crude, And The Israel Connection", http://www.zerohedge.com/news/2015-11-28/isis-oil-trade-full-frontal-raqqas-rockefellers-bilal-erdogan-krg-crude-and-israel-c, en ligne le 29/11/2015, consulté le 20/02/2016

[2] "Raqqa's Rockefellers: How Islamic State oil flows to Israel", http://www.alaraby.co.uk/english/features/2015/11/26/raqqas-rockefellers-how-islamic-state-oil-flows-to-israel/, en ligne le 26/11/2015,  consulté le 20/02/2016


[3] Couroucli, M. (2009). Le nationalisme de l'Etat en Gèce. In Dieckho , A. et Kastoriano, R. Nationalismes en mutation en Méditerranée Orientale, CNRS Editions, pp.41-59, 2002.<halshs-00352985, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00352985/document, mis en ligne le 14/01/2009


[4] Photiades, K. (1987). The annihilation of the Greeks in Pontos by the Turks. http://www.greek-genocide.org//docs/the_annihilation_of_the_greeks_in_pontus.pdf, consulté le 02/04/2016

samedi 31 décembre 2016

Guerre de et pour l'Eurasie : la Macédoine, un des "fronts de demain" (III)



La Macédoine

La Macédoine est un État indépendant depuis 1991. Elle connait dès les premiers temps de son existence un conflit symbolique l'opposant à la Grèce à propos de son nom. Les Grecs n'acceptent pas que les Macédoniens slaves utilisent le toponyme Macédoine qui renvoie à leur propre histoire (Royaume de Macédoine), à l'hellénisme, à la langue grecque, d'autant plus que la jeune république ne se prive pas d'utiliser des symboles identitaires forts dont la Grèce se dit la seule dépositaire : Alexandre le Grand, le soleil de Vergina ornant le tombeau de Philippe II de Macédoine. On retrouve ici les préoccupations des nationalistes protochronistes des anciens Etats communistes, qui dans leur quête d'identité, revendiquent une filiation directe et la plupart du temps unique entre les peuples des Etats modernes et ceux de l'Antiquité. De fait l' appellation FYROM (Former Yugoslav Republic Of Macedonia) - soit ARYM (Ancienne République Yougoslave de Macédoine) en français - est celle qui est reconnue et utilisée à l'international. Mais cette querelle identitaire ne semble pas devoir dégénérer en conflit armé et reste, pour le moment, cantonnée au domaine du débat intellectuel dans lesquels interviennent politiciens, historiens protochronistes ou non. Mais sait-on jamais...

La situation pouvant rapidement se traduire en conflit armé est plutôt à chercher dans les tensions entre Macédoniens "de souche" et Albanais. La Macédoine présente une grosse minorité d'Albanais représentant environ un quart de la population totale du pays, soit environ 500000 personnes pour un territoire comptant un peu plus de 2 millions d'habitants. A ce constat général, il faut évoquer une situation particulière. A l'ouest du pays, les Albanais sont soit majoritaires, soit représentent une grosse minorité par rapport à la population totale de la région. Plus on se rapproche de la frontière avec le Kosovo ou l'Albanie, plus ils sont nombreux. Ils sont majoritaires dans certaines villes et forment une minorité très importante dans d'autres villes ou villages. Cette population est très vindicative et obtient depuis les années 90 tout ce qu'elle demande au pouvoir central. Des revendications concernant le bilinguisme ou un désir pour les Albanais d'être mieux représentés au sein de la société macédonienne, on passe très vite à des revendications d'indépendance de la partie du territoire majoritairement albanais ou le rattachement de celle-ci à l'Albanie-Kosovo. En 2001, des anciens combattants de la guerre du Kosovo de l'UÇK-M ont réalisé plusieurs opérations visant à rattacher la zone albanaise de la Macédoine au Kosovo, sous couverts de revendications d'ordre culturel et linguistique. Un conflit oppose alors pendant six mois les Albano-kosovars au pouvoir central. Les accords d'Ohrid du 8 août 2001 donnent gain de cause aux Albanais. Par ces accords, l'albanais devient langue officielle au même titre que le macédonien dans toutes les municipalités peuplées d'au moins (ou seulement ! c'est au choix)  20% d'Albanais, l'usage de la langue albanaise est autorisé au parlement, etc. Ces mesures sont évidemment une avancée considérable pour la domination albanaise de la Macédoine. La toile de fond idéologique de ces conflits culturel et armé étant toujours la réalisation de la Grande Albanie. Plus récemment, en 2014, lors d'une manifestation organisée pour défendre des Albanais accusés d’avoir tué cinq Macédoniens, on pouvait entendre des slogans comme "Skopje,  cœur de l’Albanie" qui fait écho à un autre slogan shqiptar (albanais)  "Kosovo, cœur de l’Albanie". En mai 2015, ont lieu simultanément des manifestations à Skopje et un coup de force armé à Koumanovo dans le nord-est du pays à proximité de la frontière avec la Serbie, associant des Albanais de Macédoine et du Kosovo. Le parti au pouvoir, l'Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure - Parti démocratique pour l'Unité nationale macédonienne (VMRO-DPMNE), originellement d'orientation nationaliste devenu parti de centre-droit, accusé par l'opposition de favoriser les chrétiens appartenant à l’Église orthodoxe macédonienne au détriment des Albanais musulmans, organise alors promptement et avec succès une contre-manifestation dans la capitale tout en réagissant fermement à l'attaque terroriste. Il est intéressant de signaler que ces événements se sont produits le 9 mai, date hautement symbolique car jour de célébration de la victoire russe sur le nazisme. Ici à Skopje, comme ailleurs dans les Balkans yougoslaves, les "émissaires" du BAO (ambassadeurs) encouragent largement la contestation contre le pouvoir central actuellement aux mains du VMRO-DPMNE dont les bonnes relations qu'il entretient avec la Russie sont gênantes. Le 4 mars 2016, à Butel, ville majoritairement orthodoxe (65% de la population) localisée dans le nord de la Macédoine, des Albanais détruisent et brûlent une croix orthodoxe. A cette crise interne, il faut ajouter la question de la gestion des migrants que la Macédoine, située sur la très fréquentée "route des Balkans" voit déferler sur son petit territoire. A la date du 5 mars 2016, 13000 migrants-réfugiés auxquels les Albanais apportent leur soutien se pressent à la frontière entre la Grèce et la Macédoine, alors que la Grèce doit s'organiser pour relever le défi de la présence imposée de  30000 personnes venant de Syrie, d'Irak ou d'Afghanistan, sur son territoire. Un peu plus d'un mois plus tard, la situation devient presque incontrôlable.

Le parti au pouvoir en Macédoine, au début de l'année 2016, est favorable à une coopération avec la Russie dans le domaine énergétique. Un projet de gazoduc doit remplacer le programme south stream que les euro-atlantistes de Bruxelles-Washington ont fait avorter. Pour faire échouer les projets de coopération économique russo-macédoniens, le BAO s'appuie donc sur les groupes radicaux albanais nationalistes irrédentistes et djihadistes et est donc favorable à une partition éventuelle de la Macédoine en deux zones. L'une reviendrait à l'Albanie, l'autre à la Bulgarie. Pour ce faire, le BAO flatte-t-il les séparatistes de Tirana, Pristina et de Koumanovo et leur rêve de Grande Albanie. La Serbie entretient des relations plutôt cordiales avec la Macédoine qu'elle voit, avec raison, comme un Etat neutre et garant d'une certaine stabilité dans cette région sud-balkanique (Grèce incluse). Début avril 2016, des manifestations se déroulent à Skopje, la capitale macédonienne. Des Macédoniens descendent dans la rue pour contester un  projet de loi d'amnistie et demander la démission du président Gjorge Ivanov, proche de Poutine. Très rapidement, le 13 avril, nous assistons aux premières scènes d'émeutes. Le scénario est devenu très commun. Ivanov est accusé de corruption, la sémantique journalistique du BAO évolue, de "gouvernement de Macédoine", on passe à "régime de Skopje" comme on parle de "régime de Damas" pour bien marquer la supposée illégitimité du pouvoir en place. Les manifestations sont sous le contrôle d'une poignée de chefs appartenant à des ONG, l'opposition au pouvoir en place soutenue par les gouvernements des pays du BAO et l'Europe communautaire et les Etats-Unis mettent en garde Skopje et menacent de sanctions[1]. Une situation qui ressemble sensiblement à celle ayant précédé les "Révolutions de couleur". Ce que l'on peut dire avec quasi-certitude , c'est qu'une déstabilisation de la Macédoine ne manquerait d'avoir  de graves conséquences dans tous les Balkans et peut-être au-delà...