: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: Maitreyi
Affichage des articles dont le libellé est Maitreyi. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Maitreyi. Afficher tous les articles

samedi 8 novembre 2014

Mircea Eliade - Noces au paradis - Nunta în cer - Interprétations inédites, partie II


Voir première partie :
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2014/11/mircea-eliade-noces-au-paradis-quelques.html

La quatrième de couverture de cette édition en roumain reprend un propos du critique littéraire Octav Sulutiu. En substance, Sulutiu considère "Noces au paradis" comme l'équivalent du plus fameux (connu) des romans d'Eliade "La nuit bengali" ("Maitreyi"). Ileana l'héroïne de "Noces au paradis" est une Maitreyi autochtone, roumaine donc, une Maitreyi (indienne) dans le contexte de la Roumanie des années 30. "Noces..." et "La nuit bengali" sont le même grand hymne à l'amour, on y retrouve, je cite "la même pureté de sentiment et la même fine et étrange substance avec laquelle est modelée l'héroïne". Dans "Noces...", "l'exaltation lyrique se transforme, cependant, en exaltation (animation) épique". Les valeurs communes, comprendre universelles, mais aussi le réalisme sont dans  ce roman préférés à l'exotisme du roman "La nuit Bengali".


Dans ce passage : la partie du texte soulignée en rouge fait référence à ce dont nous avons déjà parlé dans notre précédent article consacré à ce roman, à savoir : cette nécessité -plus encore que le besoin- de "naître à nouveau". On pense immédiatement au passage de l'évangile de Jean, où Jésus s'adressant à Nicodème affirme  “si un homme ne naît de nouveau, il ne peut pas voir le royaume de Dieu”. Le royaume de Dieu, soit le royaume d'Ileana...On peut dire les choses autrement : Il faut mourir à la vie profane, pour accéder à un nouveau plan cosmique, à un niveau supérieur de conscience équivalent à celui d'Ileana, voire être pure conscience ou conscience pure. Cette attitude n'est, cependant, pas propre au christianisme.
Ensuite, l'enfant que regrette Hasnas le personnage amant d'Ileana qui serait finalement la rédemptrice que ces hommes n'ont pas su reconnaître ou pas assez tôt, en tout cas de manière confuse, car ils perçoivent tout de même cet être de la qualité qu'est cette femme particulière, c'est l'enfant originaire, des commencements, l'Adam ou ou le nouvel Adam : Jésus-Christ ? En vert, les regrets autant que la "nostalgie des origines", d'un temps mythique, sacré (la régression ab origine), le moment où tout a commencé et en bleu, le désir d'enfant, de paternité (de créer un nouveau cosmos), mais surtout, sinon exclusivement, "d'être enfant", le  désir de redevenir l'enfant primordial, l'Adam des origines. Le Fils incarne le rachat universel et individuel. Tout cela est lié : la terreur de l'histoire, le temps irreversible, la nostalgie des origines, le désir de naître à nouveau, de mourir à cette vie là, de changer de niveau cosmique. 
Enfin, l'irruption d'Ileana dans la vie de Mavrodin et d'Hasnas est une bien une épiphanie, une manifestation divine, une théophanie...Chrétienne ? Est-elle Christ, c'est-à-dire oint par l'Esprit. Un certain nombre d'indices déjà mentionnés laisse supposer que oui...mais n'oublions pas ses similtudes avec Vénus-Lucifer. Nous disons qu'elle peut être rédemptrice manifestée à ces hommes (théophanie-hiérophanie suprême), le féminin sacré, le Graal, aussi bien que le plus majestueux et beau des anges. Eliade joue-t-il sur la confusion originelle porteur de lumière Lucifer-Jésus-Christ, en même temps que sur celle "étoile brillante du matin", nom donné autant à Jésus qu'à Marie-Vénus ? Ce qui revient à poser l'égalité Christ=Lucifer=Vénus=Marie=Ileana. Le savant roumain a assurément emporté au paradis de nombreuses clés d'interprétation de ses romans que nous devons désormais fabriquer nous-même.