: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: Mythe
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samedi 18 juillet 2020

Les nouveaux mythes fondateurs...

Avec les 7 mégots de Notre-Dame on se situe entre le mythe cosmogonique et le récit apocalyptique. C'est tellement incroyable et stupide qu'une telle explication a heurté peu d'intelligences. La mobilisation du chiffre 7 est en tout cas parfaite. Le mandat de Macron a ces deux dimensions adossées à deux piliers qui se confondent à la fois l'extermination et la (re-)fondation : la regeneratio totale du monde par le feu purificateur augustinien (entre la haine de soi, la narcissisme anhistorique et la repentance mémorielle) ou encore la table rase (économique et anthropologique) covidienne présentent à la fois les traits du récit de fondation du monde (son explication) et une dimension eschatologique. Le chaos et le nouveau cosmos du post-humain sans histoire, sans conscience autre que celle de lui-même en tant qu'épave circulatoire du ghetto marchand global qui ne doutera plus jamais de rien.
Il y avait déjà le feu partout sous Sarkozy et Hollande, sous Macron on a le "grand incendie cosmique". 

lundi 14 décembre 2015

Grèce et influences asiatico-égyptiennes

On sait, avec certitude, que la civilisation gréco-romaine n'a jamais été vierge de toute influence asiatique ou levantine, comme l'affirmait Sengler en son temps. On ne doit pas opposer l'héllénisme aux civilisations asiatico-égyptiennes. La Grèce mycénienne du IIe millénaire (proto-achéens ?) intégre bon  nombre d'éléments de la Crète minoenne, elle-même sous l'influence de l'Asie (Voir Arthur Evans, "inventeur" de la civilisation minoenne) qui seront préservés, assimilés par la civilisation grecque classique.
 Athéna ne présente-t-elle pas les mêmes caratéristiques que la déesse chthonienne (tellurique ou infernale) minoenne aux serpents, elle-même très similaire à la paire divine   Ouadjet (déesse serpent-cobra basse-égyptienne) Nekhbet (la tête de vautour de Haute-Egypte) ou la divinité mésopotamienne Astarte ? Leurs attributs sont les mêmes : l'oiseau, les serpents...


samedi 23 mai 2015

Ascension : explications, implications, symbolisme (religions archaïques, christianisme), 21 mai 2015 - orthodoxie

"Le Christ s'est Élevé !", "En vérité, Il s'est Élevé !"
Lire Luc (XXIV, 36-53) : "Tandis qu’il [...] bénissait [les disciples ] , il fut emporté au ciel".

Quarante jours après Pâques, le Christ quitte définitivement le monde terrestre, le monde sensible mais il promet aux apôtres la venue de l'Esprit saint. Ce sera La Pentecôte. L'Ascension c'est aussi l'annonce du futur retour de Jésus-Christ sur Terre et la garantie pour les croyants ("élus") de trouver une place aux côtés du Christ à la droite du Père. Selon la tradition chrétienne, Jésus-Christ n'est pas le seul à monter au Ciel. L'Assomption de la Vierge Marie (fêtée le 15 août) est un autre exemple remarquable d'élévation. Celle-ci conserve son corps physique non corrompu qui est  ascensionné. L'ancien testament mentionne qu'Hénoch et Elie sont emportés au Ciel dans un char de feu. Selon la légende dorée, Jean et André, "le premier appelé" par Jésus, montent également au Ciel dans un nuage de lumière. Il s'agit dans tous les cas d'une élévation vers un autre niveau "cosmique", spirituel. 

Le régime existentiel des ces êtres est bouleversé. Leur vie terrestre irréprochable les conduit à accéder aux plus hautes sphères ou "galaxies" du monde divin ; Jésus se situant évidemment sur un  plan supérieur à celui de tous les autres ascensionnés dans l'espace suprahumain. Son espace est celui de la plus haute "qualité". 
Après avoir accepté cet acte de suprême humilité, cette "chute" dans la matière, à savoir vivre la condition des hommes, après avoir été rabaissé, ayant subi toutes les humiliations, martyrisé, crucifié, Jésus descendu dans les profondeurs des ténèbres s'élève au-dessus de tous. L'ascension est ainsi l'acmé d'un processus qui débute dès l'Incarnation dans la chair. On pourrait cependant discuter de cette idée du Dieu fait homme qui trôneraît au-dessus de toute l'humanité, car, chez les orthodoxes il est clairement dit que : "Dieu s'est fait homme pour que l'homme se fasse Dieu à son tour"...Aussi, chaque chrétien est invité à imiter Jésus-Christ et non pas à "se prendre pour Dieu ou un dieu" (et cela dans une prespective narcissique, égotique) mais bien au contraire à effectuer une métanoia, une renovatio totale de son propre être et accéder à un mode d'être supérieur, au mode d'être "suprême", à une condition "toute autre"... 

Ajoutons que par la récitation de cette phrase "Notre Père qui êtes aux Cieux" (inclus dans une des principales prières chrétiennes), le fidèle répète la parole la plus fréquemment prononcée parmi la communauté des chrétiens. Le "Notre Père", prière chrétienne qui mentionne pourtant  un des grands motifs archétypaux qu'on retrouve dans nombre de traditions religieuses antérieures au christianisme : le Ciel, les cieux, le monde céleste ou bien encore le monde des "ancêtres". 
Par ailleurs, l'élévation au Ciel ou la descente aux Enfers peuplent les mythes européens ou extra-européens, archaïques (chamanisme) ou plus récents. Parmi les figures qui permettent d’accéder à ces espaces suprahamains ou ces sur-mondes on trouve le "pilier cosmique" qui est centre du monde, souvent représenté par un poteau, un arbre. Ceux-ci peuvent être considérés à la fois comme des médiateurs entre l'humanité, i.e. le monde terrestre et le monde divin, céleste, ou comme l'incarnation ou la représentation du dieu. Dans les sociétés archaïques, ce sont des êtres célestes qui escaladent le "pilier" pour transmettre, les messages des hommes, au(x) dieu(x) ou bien à un ancêtre mythique. Un aïeul mythique qui, en outre, a fourni, à la communauté, des gestes archétypaux, des modèles exemplaires, les seuls qui soient authentiques car sacrés donc vrais et qui régissent donc la vie de la tribu. 
Le poteau, l'arbre sacré s'inscrivent dans un système de croyances complexes incluant des rites initiations. L'escalade du "poteau" permet au novice, parfois au "prêtre", une fois arrivé au sommet de communiquer avec le monde supraterrestre. L'ascensionné prie et reçoit alors des visions, des révélations. L'ascension est un des moyens les plus anciens permettant de communiquer avec "l'autre monde". Le chaman, l'homme-médecine, êtres de la "qualité" aux comportements extra-ordinaires, et  qui  sont en mesure à s'élever au Ciel par l'extase sont des modèles parfaits de l'homme religieux que doit imiter le novice dans le cadre des rites initiatiques. L'escalade ou l'ascension (concrètement ou en esprit, symboliquement) par le biais du pilier cosmique (ou sa représentation concrète), qui relie les différents niveaux spirituels, permet d’accéder à des espaces de qualités différentes, et de fait, de modifier son statut ontologique, d'effectuer une transmutation de son mode d'être au monde. 



"Hristos s-a înălţat!" 


samedi 21 mars 2015

Prâslea cel voinic și merele de aur - Petre Ispirescu (Prâslea le vaillant (le puissant, le robuste) et les pommes d'or)


TEXTE Petre-Ispirescu-Praslea-cel-voinic-si-merele-de-aur : VERSION ROUMAIN-FRANCAIS

Sorin Alexandrescu pense reconnaître le personnage de Prâslea le Vaillant sous les traits de Brândus le jeune garçon de la nouvelle "La fille du capitaine de Mircea Eliade". Sorin Alexandrescu (1969). "Dialectica fantasticului”,  étude introductive publiée dans dans la préface du recueil de Mircea Eliade - La țigănci și alte povestiri, Editura pentru literatură : București.
VOIR ICI : http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2015/02/a-lombre-dune-fleur-de-lys-mircea.html A l'ombre d'une fleur de lys - Mircea Eliade - Interprétations inédites - "la Fille du capitaine" : l'enfant primordial, renovatio intégrale (étape I - partie première)
et ICI :  http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2014/11/tinerete-fara-batranete-1969-la-cle-dor.html Tinereţe fără bătrâneţe (1969) - La clé d'or - Inspiré du CONTE ROUMAIN de Petre Ispirescu - Tinerețe fără de bătrânețe și viață fără de moarte



dimanche 30 novembre 2014

Saint-André, 30 novembre - La saison des strigoi...

André, saint fondateur de l'Eglise byzantine et saint patron de la Roumanie est fêté le 30 novembre. Saint André est appelé le "plus grand des loups" par les Roumains, une manière d'autochtoniser ce personnage central du christianisme venu évangéliiser la région, accompagné d'un loup blanc ? Les Roumains ne sont-ils pas descendants des Daces, c'est-à-dire de ceux qui sont "semblables aux loups", selon la tradition mythistorique ? Il aurait, par ailleurs, existé une divinité dace nommée sântandrei, personnification du loup. Mais les preuves à ce sujet ne sont guère plus consistantes, que celle permettant d'affrimer la réalité du long périple d'André de Terre sainte jusqu'en Europe orientale. 
Or donc, d'après la croyance populaire pagano-chrétienne qui survit encore de nos jours sur l'espace capartho-danubien, la Saint-André est aussi le jour (disons la nuit du 29 au 30) où les strigoii (1) cherchent à se faire pardonner auprès de Dieu. Mais Satan qui se prétend le maître de ces créatures tourmentées qui n'ont pas encore trouvé le repos éternel, veille et refuse que ces dernières se tournent vers le Tout-Puissant pour qu'il les libére de leur condition d'êtres ni morts, ni vivants, mi-morts, mi-vivants...La nuit du 29 au 30 est la nuit où l'activité des strigoi, tout comme celle des loups, est à son paroxysme. Elle est donc particulièrement agitée et le peuple doit se protéger par différents moyens : gestes sacrés donc seuls véritables, rituels ancestraux transmis à travers les époques par les ancêtres ou un ancêtre mythique qui a effectué ces gestes ab origine. Il s'agit dans tous les cas d'un de ces moments de l'année durant lequel le monde suprahumain se manifeste et qui est propice aux pratiques divinatoires.
En outre, en dehors des explications matérialistes, à vrai dire peu intéressantes (et très peu convaincantes d'ailleurs) à propos de ce peuple des ténèbres et des croyances dans le vampirisme, grâce au folklore roumain (folklore au sens de tradition du peuple), on sait que la mort noire, la mauvaise mort, résultat de la subversion d'un ordre naturel, culturel et cosmique fournit ses légions de "mal-morts". Décrire la complexité des rites et rituels mortuaires nécessaires au maintien de cet ordre, permetttant d'éviter un retour du mort après son décès prendrait des pages. J'en parle ici assez longuement : La Roumanie : mythes et identitésUn autre ouvrage de référence sur la Roumanie et consacré exclusivement au thème de la Mort  chez les Roumains (et qui montre, par ailleurs, l'évolution sinon la dégradation des mythes et croyances religieuses à notre époque en Roumanie - le livre est publié en 1986) est celui d'Andreesco et Bacou : Mourir à l'ombre des Carpathes.

(1) il en existe plusieurs types...(des strigoi=non articulé, les strigoii=articulé)


Crédit photo. : http://www.apologeticum.ro/


Mihai Eminescu - Strigoii



dimanche 16 novembre 2014

Jason et les argonautes (1963) versus 300 (2007)


Tellement plus palpitant, exaltant que ces récents peplums et autres récits mythistoriques "numérisés", destinés à des BDphiles ou hardcore gamers bloqués au stade pré-adolescent, tel le manichéen, anhistorique, propagandiste (1) et accessoirement sans scenario et dialogues véritables, "300", d'une nullité abominable avec ses personnages imberbes sortis d'une salle de musculation de banlieue....Avec ce film, Jason et les argonautes, on a, au contraire, exactement la réprésentation qu'un excellent élève de 6e ou 5e pouvait se faire des héros bien humains (pas des gros beaufs en slip moulant qui s'injectent de l'huile Synthol dans les muscles)  et créatures mythologiques dont lui parlait son professeur d'histoire...

(1) Sparte=Etats-Unis, Perse=Iran. On avait déjà relevé cette utilisation du cinéma (dans un film qui, d'ailleurs, traite, même si très différemment, le même sujet) à des fins de propagande politique (période de Guerre froide) dans The 300 Spartans-La bataille des thermopyles sorti en 1962, dont s'inpire d'ailleurs la BD "300" qui donnera plus tard naissance au fil éponyme.

lundi 3 novembre 2014

Tinereţe fără bătrâneţe (1969) - La clé d'or - Inspiré du CONTE ROUMAIN de Petre Ispirescu - Tinerețe fără de bătrânețe și viață fără de moarte

Version française -le titre est non-traduit : La clé d'or. Ici la première partie étrangement amputée de quelques séquences :  http://www.youtube.com/watch?v=mR_AIDdqZMo

L'histoire du film s'inspire du conte du folkloriste-philosophe Petre Ispirescu, "Tinerețe fără de bătrânețe și viață fără de moarte", que l'on peut traduire par "Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort", tiré du recueil "Legende sau basmele românilor" de 1872 (Légendes ou contes roumains).
Il est inutile de revenir sur les différences déjà évoquées ici entre conte, légende et mythe...On n'évoquera pas non plus les fonctions bien connues de chacun de ces récits (notamment l'utilité du conte pour l'enfant, quête initiatique, etc.), ainsi que les schémas narratifs. Voir notamment l'appendice 1 dans "Aspects du mythe" (1963) de Mircea Eliade pour une discussion sur les mythes et les contes de fées, reprise d'un propos de l'historien des religions dans La Nouvelle Revue Française (1956).
 On dira, par contre, qu'en cette époque de déconstructions-démolitions des soi-disant stéréotypes, ce genre de contes tradtionnels (loin de constituer un simple divertissement, un moyen d'évasion par ailleurs) de facture "ultra-classique" ne pourra que susciter l'effroi chez tous les ayatollahs  des "cultural studies", harpies féministes et autres subjectivistes radicaux...



Or donc. La scène introductive du film, nous plonge directement dans ce monde roumain, rural et traditionnel. Les références à la culture daco-romaine(-roumaine), balkanique et à  celle de la protohistoire-néolithique sont évidentes. Mircea Eliade nous dit que certains rites et rituels, intégrés avec bonheur à d'autres croyances païennes plus récentes mais aussi et forcément chrétiennes orthodoxes, qui persistent à notre époque en Roumanie sont en effet antérieurs à ceux pratiqués dans le monde grec ancien par exemple.
On reconnaît dans ce conte un certain nombre des êtres mythologiques de la culture populaire roumaine. On pourra en faire la liste plus tard...Avec ce film, nous sommes donc conviés à entrer dans cet univers historico-magico-religieux, typique de cette région d'Europe. On intègre un "temps fabuleux", fort différent du temps ordinaire, quotidien, banal...
Le film a été réalisé en pleine période communiste, à une époque où le régime Ceausescu se fait "nationaliste" et n'hésite plus à invoquer (certes pour se légitimer), autant les grandes figures de l'histoire roumaine (voïvodes, écrivains nationalistes, etc.) que les origines daces du peuple roumain et les récits mythistoriques forcément liés à un monde des origines, à la fois païen et chrétien, forestier et rural (agro-pastoral) et peuplé d'êtres appartenant à un monde suprahumain. Pourtant, si le film date de l'époque du conducator communiste Ceausescu, ce dernier est bien celui qui tentera d'éradiquer ce monde rural de la Tradition  et en bon marxiste de tenter de mettre un terme à la division ville-campagne (c'est aussi le programme libéral, ne l'oublions pas). Un projet catastrophique, totalement délirant et parfaitement inefficace (en termes de gains de productivité agricole et qui plus est, ne triomphera pas de cette "Roumanie éternelle") ayant partiellement abouti dans certains régions de la Roumanie et qui s'est traduit par  la "systématisation des communes rurales", la destruction de l'habitat rural traditionnel, la construction d'agrovilles, par une reconfiguration socio-spatiale artificielle d'une partie du territoire roumain, en somme. Ceausescu, le petit homme modeste devenu mégalomane, a fait preuve d'un très grand mépris -à la manière de Karl Marx ou d'un Lénine- à l'égard de ces populations rurales  qui ne pouvaient être composées qu d'êtres bornés, passéistes, réactionnaires freinant la "nécessaire" modernisation du pays. 







mardi 10 juin 2014

La lumière qui s'éteint - Mircea Eliade

La lumière qui s'éteint, Chap. Les mémoires de Manuel p. 260

L'analyse du roman de Mircea Eliade "La lumière qui s'éteint" est beaucoup trop longue à faire. J'y reviendrai , sans doute plus tard.  Je ne trouve aucune trace d'analyse de ce roman. J'ignore s'il en existe. Tout ce qui suit n'est qu'interprétation strictement personnelle (voire simples questionnements) à propos de ce "livre à mystères".

Les niveaux de lectures sont, comme la plupart du temps dans l'oeuvre romanesque d'Eliade, très très nombreux. Et, il faut impérativement avoir lu son oeuvre savante pour pouvoir apprécier sa prose littéraire. En effet, cette dernière est parfaitement imprégnée des thèmes explorés dans la production scientifique du savant roumain. Dans ses oeuvres de jeunesse des années 30, tout est déjà là. On est, en outre, très loin du style lourdaud et de la mécanique de l'intrigue grossière de la plupart des auteurs de romans fantastiques. Amateurs de Stephen King -que je lisais cela dit mais il y a une éternité de cela-  de J. K. Rowling ou de Stephenie Meyer, passez rapidement votre chemin...


Une première remarque. Le rituel orgiaque pratiqué dans la bibliothèque (lieu récurrent - voir géographie du sacré- et, en général, RESERVE AUX INITIES autant qu'aux érudits dans les romans d'Eliade ; il y a deux figures indissociables et priviligiées l'INITIE et l'ERUDIT dans ses romans), même s'il est suggéré et jamais décrit -même si on peut, de toute évidence, penser en premier lieu au tantRisme- peut être inspiré par ceux pratiqués par la secte des Phibionites. Eliade évoque dans "Occultisme, sorcellerie et modes culturelles" (Gallimard, NRF) des pages 152 à 156, ces "rites bizarres et ignominieux" qui pourraient en apparence (on voudra bien se reporter à l'ouvrage) être confondus avec des rites hédonistes, pervers et "bordéliques" pratiqués par des satanistes. En réalité, les phibionites (chrétiens...) comme les personnages du roman qui pratiquent le rituel dont l'accomplissement est un événement comparable à la Révélation christique (ce n'est pas une interprétation, c'est dans le roman) cherchent la Rédemption. 

On peut croire Eliade confus (1) ; les points de vue narratifs multiples, d'aucuns diront la cacophonie narrative, les soliloques, monologues intérieurs, de toute évidence inspirés par l'Ulysse de James Joyce (cf. le personnage de Stephen Dedalus), ajoutés aux abondantes références philosophiques, mystico-religieuses, symboliques ou réaliste (Balzac était l'écrivain préféré d'Eliade, mais son influence est sans doute plus sensible dans "Les hooligans") peuvent perdre le lecteur le plus motivé mais Eliade, comme toujours,  à part peut-être dans certaines oeuvres de jeunesse ("Le roman de l'adolescent myope" et encore...Eliade est un génie précoce) nous livre certaines clés (encore faut-il les saisir...) nous permettant de lever une partie du voile des "mystères de la totalité".


Certaines "ficelles" sont suffisamment grosses pour un lecteur du XXIe s., encore que...: le héros au destin tragique, qui perd la vue (châtiment divin, technique des ascètes hindouistes qui se brûlent volontairement les yeux en fixant le soleil, clairvoyance, divination...on pense aussi à Homère) "meurt" et renaît à la vie nouvelle, en tuant son double ou son ancien "moi"...d'autres moins. Les références à l'Odyssée, à Homère et au symbolisme aquatique, maritime sont aussi assez évidentes. L'océan est omniprésent dans une bonne part du roman. Espace des errances d'Ulysse dans l'Odyssée, Eliade reprend ce thème à sa manière. Cesare le héros presque aveugle, persécuté et convoité par ses contemporains est-il à la fois Ulysse en chemin vers Ithaque qui retourne donc en "son centre" (centre de l'être), donc vers  lui-même et à la fois le cyclope Polyphème rendu aveugle par Ulysse. 


Il faut signaler que l'érudit Eliade dont la carrière d'universitaire et de romancier est doublée-indissociable d'une recherche spirituelle. était myope. Cesare le héros qui vit parmi les livres  est, à tout parier (que faire d'autre?) un des doubles littéraires de l'intellectuel roumain, comme sans doute le personnage d'Andronic dans son roman "le serpent". 


Roman-récit initiatique, donc, propre à décrire les modalités de la métanoïa du héros et à provoquer  cette dernière chez certains lecteurs. Mais pas chez tous les lecteurs et pas chez tous ses héros. Dans ce dernier cas, le professeur participant à l'orgie semble suivre  un "mauvais chemin", il devient mystique...C'est un Russe. Et je me rappelle cette phrase d'Eliade lue dans un recueil de ses articles à quel point il méprisait ou peut-être se méfiait du mysticisme russe. Eliade considérera la seconde guerre mondiale  comme une lutte entre le mysticisme eurasien et le christianisme européen...On observe ici qu'Eliade n'était pas toujours aussi subtile dans ses analyses géo-politiques qu'il pouvait l'être concernant d'autres sujets... Mais c'est évidemment son anti-communisme viscéral (son rejet de la mystique communiste qui n'a rien d'eurasiatique pourtant et si peu à voir avec le mysticisme chrétien) qui le fait écrire de telles choses. 


Or donc, le mysticisme, ce n'est pas la voie destinée à Cesare...Par cela, Eliade nous dit ses "préférences" en matière d'"être véritable"....indique le véritable voie de la Rédemption, mais prévient, par le biais du personnage de l'universitaire qu'il y a aussi des "voies sans issues cosmiques" (ou moins séduisantes) pour certains, malgré le changement radical d'être et de penser...


Manuel (l'Emmanuel ? mais aussi Manole, référence à
 "La légende de Maître..." ?) qui participe au rituel (maître de cérémonie) au début de l'intrigue avec le professseur et la jeune femme Mélania, est devenu un dieu, un dieu païen, du moins il le prétend. L'événement en question (cf. supra), c'est une théophanie, la naissance d'un dieu que Cesare exécutera ou "intégrera". Cesare offre-t-il Manuel pour apaiser Poséidon (ses persécuteurs, i.e. ceux auxquels il essaie d'échapper ? Quoi qu'il en soit le monde a changé depuis cette nuit où les trois personnages déjà cités ont pratiqué le rituel magique dans cette bibliothèque,  qui prendra feu (regénérateur!?) de manière mystérieuse. Ce Manuel comme nous l'avons déjà mentionné est le "frère" de Cesare mais pas dans un sens biologique...Le couple indifférencié Cesare-Manuel est-il le "binôme" Ulysse-cyclope polyphème de l'Odyssée ? Chacun des personnages du roman paraît présenter des "qualités" propres aux personnages mythiques de l'Odyssée d'Homère. Mais Manuel est-il aussi Poséidon, tout comme la foule à la poursuite du héros Césare qui fait l'objet d'un culte après avoir sauvé Mélania de l'incendie de la bibliothèque ? (cf. paragraphe 4 de cet article). Bien malin, en tout cas, celui qui est en mesure de décrypter une telle oeuvre dans sa totalité.

Eliade est élitiste (a fortiori dans ses jeunes années), c'est une évidence, il est presque inutile de le mentionner. Volontiers méprisant, il multiplie, d'ailleurs, les piques à destination de ses contemporains par le biais de ses personnages
(2). Au moment de la rédaction du roman (années 30), Eliade avait des lecteurs "modernes", aujourd'hui ils sont "hypermodernes", les crânes se sont épaissis...Les consciences post- ou hyper- modernes sont encore plus difficiles à toucher que les modernes...difficile de communiquer avec elles sur ce mode.



à suivre...

(1) mais la difficulté de compréhension pour le lecteur non averti est bien moindre que dans "Incognito à Buchenwald".

(2) Voir l'extrait scanné. cf. SUPRA

vendredi 16 août 2013

Les mutations socio-spatiales dans un village de Transylvanie méridionale, face à la perennité des traditions: conflits ou adaptations? (Publication scientifique avec comité de lecture)




Translated Title: Socio-Spatial Mutations in a South Transylvanian Village Facing the Perenity of Traditions: Conflicts or Adjustments?
Author Name: LEMONNIER, JEAN-MICHEL;
Language: French
Subject: History of Culture
Publication: Annales Universitatis Apulensis. Series Philologica (Annals of "1 Decembrie 1918" University of Alba Iulia - Philology)
Issue: 13/2/2012
Page Range: 279-296
File size: 204 KB
Download Fee: 2.5 Euro (€)
Summary: Through the significant example of a village called Cărpiniş,
located in the Southern Carpathians, this article aims to show the existence of a
social , spatial and cultural opposition in search of a complementary way to
organize the space linked to a “traditional mentality” or that could be
considered as such, and facilities at odds with this vision, according to the
views of the “farmer villager”. A “farmer villager” who sees himself as a
“native” in comparison with the others that is to say the “foreigners”. We
emphasize the concept of a“hybrid village” to describe the changes that have
been taking place in this village of the Transylvanian countryside for decades.
We are going to argue that these social and spacial upheavals are related to the
emergence of new lifestyles, new ways of grasping space and time. Our work is
necessarily part of a multiscalar logic. Once the issues of our study described,
we will present the situation of the village of Cărpiniş part of the Romanian
space. Then we will focus on the rather singular socio-spatial setting, of this
village compared to other Romanian villages: a village held between the
“checkerboard” and the “village street”. So it is, may be through a “green
space” community, named “Poiana”, a unifying axis of socio-spatial practices
of the village, that lies the originality of this village “in the shadow of the
southern Carpathians”. We will see through the questioning of this community
nature of 'Poiana' by liberal land policy, and in fact by the arrival of new
residents in door-to-fake, in most cases with the “values” of this rural area,
that it’s a great part of the “closed" village solidarity which tends to disappear
gradually. We will have previously issued a definition of what is a “village” in
Romania, then by changing our scaling analysis we will focus on a different
spatial and social unit called “gospodarie” or “Maisnie”. Then we will look
into the way the older villagers designed their house. A design related as much
to economic imperatives as to a fulfillment of a “cosmic order” linked to a
“primordial tradition”. Before, it seems of the utmost importance to mention
the life of a “farmer-villager” of Transylvania from 1945 to 2012. The analysis
of the career of this native and his fellows shows what seems to us to be a
struggle to preserve his identity and a particular conception of time and spacethat we will qualify as “mythical and traditional”. This relationship to the
world of the “farmer villager” is in opposition to postmodernity which forces
quickly and rather radically a new socio-spatial and moral order to the
Transylvanian village. Nevertheless, we will see that in many respects, the
village retains some “mythical, "transhistorical"aspects”, We will therefore
insist on the fact that these changes are not only “material”, but also
symbolical. It is the mental space of the farmer villager which is upset here, and
brings about the formation of an
Keywords: Transylvanian village; socio-spatial changes; Romanian
rural area; post-modernity; tradition

  Lien : http://www.ceeol.com/aspx/issuedetails.aspx?issueid=0283a78e-baa2-4b7d-ab18-7e2a05edf483&articleId=8d33d22f-2417-4868-a470-cafc290ec242

vendredi 18 mai 2012

Le mythe et la pensée mythique : aspects théoriques... à la lumière du "cas roumain"

Nous ne considérons pas ici (et dans le titre de notre essai) le  mythe entendu au sens courant et qui renvoie donc à une croyance erronée : le mythe comme synonyme de mensonge... Bien au contraire, c'est la définition du mythe telle que formulée par l'historien des religions ou l'anthropologue/ethnologue que nous acceptons.  Avec Mircea Eliade ou Claude Levi-Strauss, bien que  leurs études des mythes (et de fait, de la "pensée mythique") relèvent d'approches différentes, nous entendons le mythe au sens de vérité immuable, "éternelle" et s'inscrivant en dehors du Temps historique et linéaire. La vérité du mythe n'est donc pas contestable (pour celui qui y croit à l'évidence). Le mythe est toujours renouvelé puisque propre, a priori, aux sociétés dont la conception du temps est cyclique...

Le mythe est donc une vérité d'ordre anthropologique qui rend compte aussi bien de la réalité des sociétés archaïques, disons "anciennes", "premières" ou "traditionnelles" que de certaines réalités dans notre société "occidentale" moderne ou postmoderne. Notre société "occidentale" (voir le livre "la Roumanie  :Mythes et identité" pour une discussion sur ce sujet) n'est en, effet pas exemptes d'"aspects mythiques"... Dans le cas roumain qui nous intéresse dans notre essai, cette réalité là s'affirme encore de bien des manières...

 Il nous faut également insister sur l'opposition (apparente) Temps mythique ou cyclique/Temps historique pour appréhender le mythe.

C'est le christianisme ou plutôt les Pères de l’Église qui, en Occident, imposent le Temps linéaire. Cette conception du temps s'affirme ensuite à la Renaissance puis au siècle des Lumières... En effet, Jésus-Christ "l'homme-Dieu" s'incarne dans l'Histoire. L'incarnation christique impose alors définitivement une nouvelle représentation du temps, un début (la genèse) et une fin (l'Apocalypse et les spéculations eschatologiques corollaires). Il était inconcevable que le Christ ne revienne encore sur Terre accomplir Le sacrifice. Celui-ci était accompli une fois pour toutes. De cette conception du Temps découle l'idée d'évolution, de "progression" ou progrès... Néanmoins, la réactualisation rituelle, durant l'année liturgique, des épisodes de la vie du Christ implique certainement l'idée de cycle, de renouvellement... En outre, -et notre essai insiste largement sur cet état de fait- ce Temps cyclique ou mythique n'est pas totalement aboli de nos jours, dans des sociétés  dont l'entrée dans la modernité ou postmodernité est bien avancée ou définitive (?)...


Ce que disent -"dans le texte"- Mircea Eliade et Claude Levi-Strauss sur le mythe et la pensée mythique :

"Le mythe est censé exprimer la vérité absolue, parce qu'il raconte une histoire sacrée, c'est à dire une révélation trans-humaine qui a eu lieu à l'aube du Grand Temps dans le temps sacré des commencements (in illo tempore)" Mircea Eliade, 1957, Mythes, rêves et mystères

"Loin d'être, comme on l'a souvent prétendu, l’œuvre d'une  'fonction fabulatrice" tournant le dos à la réalité, les mythes et les rites offrent pour valeur principale de préserver jusqu'à notre époque, sous une forme résiduelle, des modes d'observation et de réflexion qui furent (et demeurent sans doute) exactement adaptés à des découvertes d'un certain type ; celles qu'autorisait la nature, à partir de l'organisation et de l'exploitation spéculatives du monde sensible en termes de sensible. Cette science du concret devait être, par essence, limitée à d'autres résultats que ceux promis aux sciences exactes et naturelles, mais elle ne fut pas moins scientifique, et ses résultats ne furent pas moins réels. Assurés dix mille ans avant les autres, ils sont toujours le substrat de notre civilisation." 
Claude Levi-Strauss, 1962, La Pensée sauvage

L'intellectuel roumain Lucian Blaga  nous parle aussi, à sa manière, d'une pensée mythique, d'un rapport au temps particulier, qui perdure dans les campagnes roumaines au début du XXe siècle :
"Vivre à la campagne signifie vivre dans une perspective cosmique et avec la conscience d’une destinée liée à l’éternité  " Lucian Blaga, 1936

Notre essai "La Roumanie : mythes et identités " intervient, donc, pour montrer que le Temps du mythe, s'il n'a pas totalement été évacué de certains espaces ruraux isolés de la Roumanie actuelle, influence -de manières qui peuvent paraître surprenantes- les représentations du monde de nombre de Roumains  entrés comme vous et moi dans la postmodernité...