: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: Temps cyclique
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samedi 19 décembre 2015

Sur les dimensions de la Liturgie : dimension eschatologique, temps et centralité cosmiques (partie IV)

La Divine Liturgie est au centre la Création. Le lieu où elle est célébrée devient le centre de la Création. L'Univers tout entier rayonne autour de ce centre liturgique. Chaque lieu de culte où elle est célébrée devient donc le centre de l'univers, mais s'il y a une multiplicité de centres, il n'existe bien sûr qu'une Création. Qui plus est par Création il faut non seulement entendre le monde sensible mais aussi le monde invisible, l'Autre Monde. La Liturgie (orthodoxe) est donc bien une liturgie cosmique qui convoque l'entiéreté des mondes. Lors de la célébration liturgique, toute l'économie de la Création est actualisée, des commencements à la fin des temps. Le centre de  la Divine Liturgie projette l'éternité dans le temps. C'est un temps en dehors du temps. Formule paradoxale qui dit que toutes les catégories du temps et d'espace sont abolies. 
La Liturgie est Théophanie. La présence du Christ n'est pas imaginaire ou symbolique, elle est réelle durant la célébration ou plutôt réactualisation rituelle. Cette seconde expression devrait être préférée  à la première, car il s'agit moins de se souvenir ou de commémorer que de régresser aux origines, i.e. lors de la vie du Christ.
La Liturgie réactualise ainsi  le mystère de l'Incarnation par l'Anaphore quand le célébrant en présence des co-célébrants prononce les paroles dites lors de la Cène. A partir de ce moment, Le célébrant et les co-célébrants (les fidèles), donc ceux qui "réactualisent", deviennent contemporains du Christ. Ce dernier est avec eux, ici et maintenant. 
Toute l'économie du salut est présente dans la Liturgie, de la première à la seconde Venue. La Liturgie affirme autant le temps des commencements, ab origine que la présence des fins dernières. Elle a donc bien une dimension eschatologique dans ses différentes déclinaisons : à l'échelle individuelle (mort de la personne), de la société (du monde) et dans celle concernant la "dernière génération".

La liturgie eucharistique est le centre de l'énergie divine qui se diffuse à travers tout l'univers. Elle n'est pas une idée, un concept théorique, elle est expérience. Expérience de la Gloire de Dieu...

Les temps de la vie de l'Eglise sont organisés de manière à ce qu'ils soient ouverts sur l'éternité. Différents temps cohabitent les uns avec les autres qui sont autant de cycles. Ils sont tous liés. 
1) le premier correspond au cycle des jours, c'est celui de la vie du Christ,
2) le deuxième est le cycle des semaines qui correspond au temps de la Création, soit 8 jours ; le 8e jour étant une ouverture sur l'éternité, 
3) le troisième est le cycle des mois centré sur les différentes fêtes et sur la vie des saints, sur des dates fixes,
4) le quatrième correspond au temps des fêtes mobiles comme Pâques et qui sont véritablement ouverture sur l'éternité. Par l'exemple de sa vie, le Christ, ayant vaincu la mort, nous fait passer du temps à l'éternité.

source non identifiée

Si chaque jour du temps liturgique cyclique oblige à la répétition, à la mêmeté rituelle, à l'actualisation des mêmes événements, des changements subtils se produisent en l'homme religieux. La tension d'epectase, celle qui ouvre le coeur à Dieu et remplit progressivement de Grâce transforme ce temps cyclique, spiralique en éternité sphérique correspondant à un état de plénitude absolue, "finale". C'est ce vers quoi doit tendre l'homme religieux, en l'occurrence le chrétien sincère. C'est un chemin de grande humilité, très risqué et décourageant. Mais c'est aussi la seule voie de la sincérité spirituelle, forcément discrète et secrète. Il faut donc montrer la plus grande méfiance à l'égard des êtres qui étalent leur vie spirituelle, affichent leurs convictions religieuses à leur boutonnière. L'indécence n'est, évidemment, pas de se déclarer chrétien mais de se déclarer chrétien et illuminé. L'authentique chrétien éclairé, espèce rare, n'éprouve, de toute évidence, aucun besoin d'affirmer son état de béatitude à la face du monde...

VOIR aussi sur ce blogue :
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2015/10/sur-les-dimensions-de-la-liturgie-et.html
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2015/10/precisions-sur-le-concept-de.html
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2015/11/sur-les-dimensions-de-la-liturgie-et.html
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2015/10/jacques-le-juste-frere-du-seigneur-23.html


jeudi 17 décembre 2015

"Din cer senim", Colinda (chant de Noël) et signification des fêtes de fin d'année

COLINDE orthodoxes chrétiens

Les origines de la tradition des colinde (sing. colinda, étym. calendes), chants qui, originairement, répondaient à une structure rituelle fixe, se perdent dans la protohistoire roumaine. Si les motifs chrétiens sont, depuis des siècles, privilégiés, les thèmes païens sont très présents dans ces chansons particulières réservées à ce temps fort de l'année qu'est la réactualisation de la Nativité du Christ. Temps fort de l'année liturgique dont les comportements qui s'y rapportent sont largement hérités du monde pré-chrétien, ce moment répondait à la nécessaire levée périodique des tabous en vigueur dans les sociétés traditionnelles lors des fins d'année : rituels orgiaques, boulerversement temporaire de la hiérarchie sociale (l'esclave devient le maître, ce dernier est moqué...), etc. Cette période de chaos est ou était homologable à la fin des temps, à une fin de cycle, à la destruction d'un monde auxquels succède nécessairement un nouveau monde, un cosmos régénéré. C'est ainsi qu'il faut interpréter tout passage d'une année à une autre. Par là s'affirme le caractère cyclique de l'existence humaine et de la Création, qui suivent des périodes de destruction et de renouvellement (palingénésie).  Si la période de Noël évoque nécessairement les Saturnales romaines, puis la fête du Sol Invictus-Mithra, il est à peu près certain que les pratiques licencieuses qui avaient cours lors du solstice d'hiver ont une origine bien plus lointaine. Il faut assurément remonter au néolithique européen pour approcher  les origines de ces fêtes de réjouissances solsticiales communes en Europe. 

Masque rituel selon la tradition populaire roumaine
VOIR aussi sur ce blogue :

- christianisme cosmique -

mercredi 5 août 2015

Transfiguration - Schimbarea la Faţă a Domnului, Iisus Hristos - et tradition populaire "Obrejenia sau Pobrejenia" - 6 août



Schimbarea la Faţă a Domnului, Iisus Hristos
Transfiguration de Jésus-Christ sur le Mont-Thabor : de gauche à droite Elie-Jésus-Christ-Moïse, en bas : Jacques, Jean et Pierre.
"Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean, son frère, et il les conduisit à l'écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. Et voici, Moïse et Elie leur apparurent, s'entretenant avec lui." (Matthieu 17).
La Gloire rendue visible. Jésus confirme, à la suite de son baptême, sa nature divine : théophanie ou hiérophanie suprême, ontophanie... Par cette manifestation Jésus prépare le coeur de ses disciples "à surmonter le scandale de la croix"...à  la Passion, i.e. à toutes les souffrances que l'homme-dieu devra endurer : calomnies, trahisons, tortures... et, bien sûr, la crucifixion. C'est une grande Consolation.
Par cette Transfiguration, Jésus-Christ -vrai Dieu et vrai homme- révèle que (Lui, évidemment, mais aussi) chaque être humain est appelé à la vie éternelle. Mais, c'est l'univers tout entier qui sera finalement transfiguré, le régime existentiel de toute la Création qui sera définitivement changé après les Evénements.
Au-delà du constat après lecture du texte sacré : la Lumière sensible ("nuées") qui entoure les témoins de la Transfiguration, cet épisode de la vie du Christ nous dit aussi, et peut-être surtout, qu'une authentique vie spirituelle, une authentique conversion-union en Jésus-Christ est une métamorphose (tranfiguration), une métanoïa. Celui qui veut suivre Jésus n'a pas d'autre choix que de naître à nouveau pour accéder à un plan existentiel supérieur en qualité. Il faudra avant cela dépasser toute la colère, toute la haine rentrée, toute l'envie pour vaincre la cécité spirituelle (Kyrie eleison, Seigneur aie pitié).


En Roumanie, spécialement, comme lors de chaque fête religieuse, il existe une tradition populaire de type agro-pastoral, héritée du monde païen, qui cotoie donc la tradition liturgique/écclésiastique, avec ses réjouissances, ses interdits, ses simples constats liés à l'observation des cycles naturels et cosmiques : Coliva de struguri la mosii Schimbarii la Fata. L'automne approche, les oiseaux commencent à migrer...Eh oui, nous sommes aujourd'hui tellement déconnectés et presque insensibles à ces changements subtiles qu'affirmer qu'à la date du 6 août, l'été s'achève progressivement peut paraître aberrant pour "nous" modernes.

jeudi 2 juillet 2015

Virgil Gheorghiu, le temps et l'espace liturgiques

Ces quelques lignes du prêtre orthodoxe et écrivain V. Gheorghiu nous renseignent, dans un langage très simple, sur les catégories de l'espace et du temps effectives durant la Divine Liturgie : "Chaque dimanche (...) à la célébration de la Divine Liturgie, je devinais la présence invisible, à côté des anges, de tous les gens du village qui étaient morts et enterrés autour de notre maison. Mais, à côté d'eux et des anges, il y avait au synaxe, toujours invisbles, les chrétiens de notre village qui naîtront dans les jours, dans les années et dans les siècles à venir. Dans notre petite église, comme dans toutes les églises, il n'y avait pas de passé, de présent ni d'avenir" (Virgil Gheorghiu, (1965, rééd 1990) : De la vingt-cinquième heure à l'heure éternelle, p. 64).
Rappelons que l'espace religieux sacré de l'église se distingue de l'espace profane du dehors (hors l'église). Mais ce que nous dit ce texte c'est que dans l'enceinte sacrée, il n'y a pas de frontière entre l'univers sensible et le monde suprahumain et que le temps est aboli, les fidèles deviennent contemporains de la vie du Christ et de celle de toute l'humanité passée, présente et à venir. Tout est déjà là. Par incidence, le temps liturgique, n'est ni un temps du souvenir de la vie du Christ, ni une commémoration de celle-ci. Ainsi, la messe chrétienne orthodoxe est bien réactualisation rituelle des événements de l'existence de Jésus-Christ. Les conceptions profanes du temps et de l'espace n'ont donc plus cours. Ce petit texte affirme, de fait, la cyclicité du temps liturgique et confirme par là que le temps du christianisme n'est pas uniquement linéaire. Si dans le christianisme, à l'instar du judaïsme, il y a bien un début (la Création cosmique, Adam puis le Nouvel Adam chrétien Jésus-Christ) et une fin (eschatologie cosmique), le temps liturgique est, quant à lui, cyclique et s'apparente à celui propre aux religions cosmiques pré-chrétiennes ou non -chrétiennes. On ajoutera que concomitamment à ce temps qui concerne la totalité de la Création coexistent le temps des communautés humaines (celui d'une société ou d'une génération s'achevant par leur destruction qui renvoie à l'eschatologie humaine) et le temps personnel inscrit dans cet intervalle entre la naissance et la mort physique et se prolongeant par la naissance au Ciel (eschatogie personnelle).
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dimanche 12 avril 2015

Christ est ressuscité !


C'est vrai, il est ressuscité !

Jésus ressuscite comme "le premier-Né d'entre les morts" (Saint Paul, Colossiens).

Après la Cène, anticipation du "banquet messianique" (et institution de l'eucharistie), la Passion, la mort par crucifixion, la descente aux enfers (motif mythologique antérieur au christianisme bien connu par ailleurs) et la libération des âmes séjournant dans le limbe des patriarches (sein d'Abraham, la demeure des justes) qui peuvent enfin accéder au Paradis, Jésus-Christ ressuscite d'entre les morts et accorde à Maria-Magdalena le privilège d'être le premier témoin de cette réalité à la fois historique et hors du temps, éternelle. Selon la tradition orthodoxe, Marie-Madeleine ira, par ailleurs,  témoigner de la résurrection du Christ devant Tibère, soit devant "César", devant...l'histoire...
Pour les chrétiens, la résurrection du Christ inaugure une nouvelle ère. Par cet événement fondamental, Jésus se révèle en tant que messie et le régime existentiel des hommes est changé, la Création tout entière qui soupirait dans l'attente de la resurrection du dieu incarné dans la chair (de facto dans l'histoire), est sauvée, totalement rénovée. Mais plus que de célébrer ou de "commémorer" un moment inscrit dans l'histoire, le fidèle chrétien revit durant le temps pascal ces événements fondateurs, exemplaires s'étant déroulés à ce moment là. Le croyant, par la régression ab origine, devient contemporain de Jésus et s'identifie au Dieu vainqueur des ténèbres en imitant (répétition archétypale) sa vie. Ainsi, si le Seigneur Jésus-Christ s'inscrit dans l'histoire et impose de fait sa marque du temps, ce qui constitue une nouveauté par rapport aux temps pré-chrétiens où les dieux n'ont pas d'existence historique, la réitération rituelle des événements de la vie du Christ durant l'année liturgique, témoigne des aspects cycliques du christianisme. Le chrétien sincérement converti ne peut accéder à un nouveau mode d'être qu'en mourant à la vie profane, en accédant à la "vie nouvelle" en se régénérant par imitation du Christ.
VOIR AUSSI sur ce blogue : Liturgie orthodoxe, liturgie cosmique