: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: linguistique
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mardi 30 juin 2015

Daniel Everett, linguiste (ancien du S.I.L.*) et la langue pirahã - Peuple Pirahã


Peuple amazonien, anhistorique, sans mythes, sans cosmogonie, sans dieu(x), vivant dans un éternel présent...Liens entre la langue et leur régime existentiel...
Articles scientifiques, de vulgarisation et journaux :
Dictionnaire pirahã-français
http://www.omniglot.com/writing/piraha.php
http://itre.cis.upenn.edu/~myl/languagelog/archives/001387.html
Number as a cognitive technology: Evidence from Pirahã language and cognition q Michael C. Frank a , Daniel L. Everett b , Evelina Fedorenko a , Edward Gibson a, *
Le site d'Everett
http://daneverettbooks.com/wp-content/uploads/2014/04/Everett.CA_.Piraha.pdf
Piraha Exceptionality: a Reassessment Andrew Ira Nevins, David Pesetsky, Cilene Rodrigues June 2009
http://www.theguardian.com/education/2004/oct/21/research.highereducation1
http://hypescience.com/o-misterioso-povo-pirarra-e-o-idioma-mais-estranho-do-mundo/
http://www.elmundo.es/elmundo/2007/05/07/ciencia/1178524552.html?a=6cf50976dcb4ee8dea6c135a37ed6316&t=1178540872
http://pib.socioambiental.org/en/povo/piraha
Tribe Helps Linguist Argue with Prevailing Theory
http://www.survivalfrance.org/textes/3163-entretien-avec-dan-everett
http://www.courrierinternational.com/article/2008/12/04/missionnaire-sans-foi
*Le summer institute of linguistics (SIL) est sans aucun doute l’institution missionnaire protestante la plus puissante et la plus répandue dans toute l’Amérique latine, présente dans douze pays et ayant une influence considérable sur le monde amérindien, particulièrement en Colombie. Sous couvert de recherches scientifiques, d’étude des langues indigènes et d’aide humanitaire, elle oeuvre en fait pour l’évangélisation des communautés où elle s’implante. Cet organisme à pour fondement les croyances millénaristes évangéliques, basées sur la conquête religieuse du monde (Voir aussi page "peuples autochtones" sur ce blogue).



mercredi 2 octobre 2013

Proposition de transcription orale de textes en langue proto-indo-européenne (v. 4500-2500 av. J.-C.)


"Le mouton et les chevaux" 
 "Un mouton qui n'avait pas de laine vit des chevaux, l'un d'entre eux tirant un chariot, l'autre portant une grosse charge, l'autre portant un homme et allant plus vite. Le mouton dit aux chevaux : 'Mon coeur souffre de voir un homme dirigeant des chevaux.'  Les chevaux dirent : 'Écoute, mouton, notre coeur souffre quand nous voyons ceci: un homme, le maître, prend la laine du mouton pour en faire un vêtement. Et le mouton n'a plus de laine. Ayant écouté cela, le mouton partit dans la plaine."

 La fable construite par le linguiste August Schleicher au XIXe s. qui tente de récréer un possible langage proto-indo-européen (P.I.E.) ou indo-européen commun. En s'appuyant sur les découvertes récentes sur le P.I.E, Andrew Byrd linguiste (Université du Kentucky) récite cette fable que l'on entend sur l'enregistrement. 
  

La version originelle de cette fable écrite par Schleicher. A comparer avec la version la plus récente (cf. supra) : 
 Avis akvāsas ka Avis, jasmin varnā na ā ast, dadarka akvams, tam, vāgham garum vaghantam, tam, bhāram magham, tam, manum āku bharantam. Avis akvabhjams ā vavakat: kard aghnutai mai vidanti manum akvams agantam. Akvāsas ā vavakant: krudhi avai, kard aghnutai vividvant-svas: manus patis varnām avisāms karnauti svabhjam gharmam vastram avibhjams ka varnā na asti. Tat kukruvants avis agram ā bhugat.

 Un autre texte récité par le même Byrd. Basé sur un passage du Rig-Veda ou livre des hymnes, un des quatre grands textes sacrés de l'hindouisme (le plus important). Cantiques rédigés en sanscrit védique : H3rḗḱs dei̯u̯ós-kwe H3rḗḱs h1est; só n̥putlós. H3rḗḱs súhxnum u̯l̥nh1to. Tósi̯o ǵʰéu̯torm̥ prēḱst: "Súhxnus moi̯ ǵn̥h1i̯etōd!" Ǵʰéu̯tōr tom h3rḗǵm̥ u̯eu̯ked: "h1i̯áǵesu̯o dei̯u̯óm U̯érunom". Úpo h3rḗḱs dei̯u̯óm U̯érunom sesole nú dei̯u̯óm h1i̯aǵeto. "ḱludʰí moi, pter U̯erune!" Dei̯u̯ós U̯érunos diu̯és km̥tá gʷah2t. "Kʷíd u̯ēlh1si?" "Súhxnum u̯ēlh1mi." "Tód h1estu", u̯éu̯ked leu̯kós dei̯u̯ós U̯érunos. Nu h3réḱs pótnih2 súhxnum ǵeǵonh1e. 


"The King and the God"
"Once there was a king. He was childless. The king wanted a son. He asked his priest: "May a son be born to me!" The priest said to the king: "Pray to the god Werunos." The king approached the god Werunos to pray now to the god. "Hear me, father Werunos!" The god Werunos came down from heaven. "What do you want?" "I want a son." "Let this be so," said the bright god Werunos. The king's lady bore a son."


Source : Archaeology Telling tales in Proto-Indo-European



L'étude des peuples indo-européens a fait l'objet de tellement de funestes récupérations politiques qu'il est presque devenu "suspect" aux yeux de certains idéologues de s'intéresser à ce thème. Évidemment (et encore une fois), nous nous moquons bien de savoir ce que peuvent penser les intégristes de tous bords,  au sujet d'une personne s’intéressant (en tant que chercheur qualifié, passionné, dilettante ou en simple curieux)  à ce vaste sujet qui amène à se pencher autant sur la linguistique, que  l'archéologie ou encore l'anthropologie. Et encore une fois on se demande bien en quoi le fait de s"intéresser à ses racines (très) lointaines serait systématiquement une marque de mépris ou de rejet envers d'autres "racines" différentes des siennes. Mais passons. Faisons donc le pari de l'intelligence du lecteur...
  
J'en finirai avec ces remarques liminaires en reprenant cette phrase dite par une professeur d'histoire : "Dieu seul sait d'où nous venons et encore il doit bien s'y perdre dans tout ça". Le "ça" fait évidemment référence aux migrations, invasions, colonisations, métissages avec des peuples non Indo-européens (rencontre avec les peuples mégalithiques en Europe ou avec les mélanésiens en Inde par exemple) que les peuples indo-européens dans leur totalité ont subi ou accompli au fil des millénaires et à la difficulté de pouvoir connaître ses origines exactes en tant que peuple et encore plus en tant que personne (a). Les travaux en génétique confirment évidemment cette intuition. Autrement dit, les thèses racialistes se servant des études indo-européennes pour mettre en évidence l’existence d'un type anthropologique indo-européen "supérieur et pur" sont nulles et avenues. 

 Or donc, on ne peut guère évoquer le sujet des études indo-européennes sans bien sûr rappeler l'apport fondamental du comparatiste, philologue, mythologue Georges Dumezil dans la compréhension du mode d'organisation, de fonctionnement des sociétés indo-européennes. Dumézil a en effet montré que l'organisation tripartite des sociétés indo-européennes était la traduction de  la structure des mythes de ces mêmes peuples. De surcroît, on sait grâce à Georges Duby que les sociétés médiévales européennes, d'Ancien régime plus généralement, ont hérité de cette organisation trifonctionnelle. Enfin, on aurait donc du mal à se passer de l'apport des études indo-européennes pour comprendre l'histoire des sociétés européennes jusqu'à la révolution française qui marque véritablement la dispartion de ce type d’organisation sociétale.

Concernant le P.I.E.
Il n'existe aucune trace écrite en langue indo-européenne commune (ou P.I.E.). De fait, les retranscriptions présentées ci-dessus se basent sur l'ensemble des travaux en linguistique comparée mais aussi l'archéologie et donc sur différentes hypothèses et spéculations de chercheurs depuis le XIXe s. Pour resituer l'origine de cette quête de recherche d'une langue à partir de laquelle seraient issues des "langues filles", on peut remonter aux XVIe s. et XVIIe s. avec les premières hypothèses émises quant à l'existence d'une langue mère génitrice de nombre de langues eurasiatiques.  Mais cette reconstitution du P.I.E. reste partielle.

En ce qui concerne, le foyer primitif ou aire de répartition originelle des Indo-Européens, plusieurs hypothèses ont été émises :
1) "L'hypothèse Kourgane" (culture de Samara) proposée par Marija Gimbutas  (citée par Eliade dans son dictionnaire des religions) qui situe les Indo-Européens non différenciés dans la steppe Pontique (nord de la mer Noire) avant le début des migrations/invasions guerrières initiées à partir de 4000 av. J-C. Dispersion dans trois directions majeures : L'Inde, l'Europe occidentale et l'Anatolie.
 C'est l'hypothèse couramment acceptée.


Foyer originel (culture de Samara) en violet et expansion des Indo-européens primitifs selon l'hypothèse kourgane 



2) "L'hypothèse anatolienne" : le foyer originel serait la Turquie. La diffusion Indo-Européens (et du P.I.E./langues) aurait débuté vers 8000 av. J-C sur un mode plus pacifique que selon l'hypothèse précédente et cela en même temps que l'agriculture (Colin Renfrew).

Récemment des biologistes (!) ont tenté d’évaluer quelle hypothèse serait la plus plausible. Les résultats sont en faveur de l'hypothèse anatolienne.
 Nature-A turkish origin for indo-european languages
http://language.cs.auckland.ac.nz/

Utilisation de la méthode de "Monte-Carlo par chaînes de Markov", incompréhensible pour le commun des mortels (dont l’auteur du présent article évidemment) pour bâtir cette hypothèse. On peut, au moins, considérer que la méthode qui consiste à s'inspirer des théories de la biologie évolutive pour comprendre l'évolution des langues est contestable. L'analogie entre un gène  (ou un virus) et une langue étant "douteuse".

 
Animation relative à cette théorie


 3) "L'hypothèse balkanique" voir ici : Origine des Indo-Européens dans le sud-est européen
 


IndoEuropeanTree
                                  Classification des langues indo-européennes en l'état actuel des connaissances
  



(a) on ne parle évidemment pas ici de la "simple" recherche généalogique qui ne peut guère nous permettre dans le meilleur des cas que de retrouver une filiation depuis la fin du XVIe s., exception faite du cas de personnes issues de certains milieux sociaux/castes.