: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: résurrection
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samedi 7 avril 2018

Vendredi saint orthodoxe 2018 - Rappel sur la spécificité de la théologie de la Rédemption du christianisme orthodoxe

Vendredi saint orthodoxe. 

L'occasion de rappeler encore une fois à quel point la théologie orthodoxe de la Rédemption, (le sacrifice christique n'en est qu'un aspect) n'a absolument rien à voir avec la construction théologique des germano-latins (catholiques et réformés comme certains les nomment).


Le Christ en s'incarnant s'est abaissé à côtoyer l'humanité déchue pour collaborer avec nous (et en nous) à la douloureuse évolution que nous devons accomplir pour parvenir à la déification.
En acceptant la Croix, Jésus-Christ souffre en nous, avec nous, et partage notre pauvre condition. En aucun cas, comme le prétendent les germano-latins, il ne souffre à notre place, paie une rançon ou satisfait à la colère du Père en apaisant ce dernier par son sacrifice. Un discours ayant facilité toutes les caricatures de Dieu et du christianisme que nous connaissons : de Voltaire à Freud...


Aussi, un orthodoxe ne peut accepter le discours consensuel imprégné de mièvreries des oecubénistes sur l'unité des chrétiens, car trop parmi eux (y compris parmi les orthodoxes ignorants) ont défiguré Dieu en en faisant un crétin, un monstre assoiffé de sang et continuent à entretenir cette image de Dieu (même malgré eux)...

"Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu à son tour", voilà un principe théologique central dans la Tradition orthodoxe totalement oublié dans les autres confessions dites chrétiennes.


dimanche 12 avril 2015

Christ est ressuscité !


C'est vrai, il est ressuscité !

Jésus ressuscite comme "le premier-Né d'entre les morts" (Saint Paul, Colossiens).

Après la Cène, anticipation du "banquet messianique" (et institution de l'eucharistie), la Passion, la mort par crucifixion, la descente aux enfers (motif mythologique antérieur au christianisme bien connu par ailleurs) et la libération des âmes séjournant dans le limbe des patriarches (sein d'Abraham, la demeure des justes) qui peuvent enfin accéder au Paradis, Jésus-Christ ressuscite d'entre les morts et accorde à Maria-Magdalena le privilège d'être le premier témoin de cette réalité à la fois historique et hors du temps, éternelle. Selon la tradition orthodoxe, Marie-Madeleine ira, par ailleurs,  témoigner de la résurrection du Christ devant Tibère, soit devant "César", devant...l'histoire...
Pour les chrétiens, la résurrection du Christ inaugure une nouvelle ère. Par cet événement fondamental, Jésus se révèle en tant que messie et le régime existentiel des hommes est changé, la Création tout entière qui soupirait dans l'attente de la resurrection du dieu incarné dans la chair (de facto dans l'histoire), est sauvée, totalement rénovée. Mais plus que de célébrer ou de "commémorer" un moment inscrit dans l'histoire, le fidèle chrétien revit durant le temps pascal ces événements fondateurs, exemplaires s'étant déroulés à ce moment là. Le croyant, par la régression ab origine, devient contemporain de Jésus et s'identifie au Dieu vainqueur des ténèbres en imitant (répétition archétypale) sa vie. Ainsi, si le Seigneur Jésus-Christ s'inscrit dans l'histoire et impose de fait sa marque du temps, ce qui constitue une nouveauté par rapport aux temps pré-chrétiens où les dieux n'ont pas d'existence historique, la réitération rituelle des événements de la vie du Christ durant l'année liturgique, témoigne des aspects cycliques du christianisme. Le chrétien sincérement converti ne peut accéder à un nouveau mode d'être qu'en mourant à la vie profane, en accédant à la "vie nouvelle" en se régénérant par imitation du Christ.
VOIR AUSSI sur ce blogue : Liturgie orthodoxe, liturgie cosmique





dimanche 15 mars 2015

Lazare, le "dieu fatigué" et la régénération du monde (moderne)...

Quand Mircea Eliade écrit  : "on ne se contente pas de transfuser du sang à un dieu fatigué (le monde moderne), on lui montre le signe sous lequel il peut se régénérer", comment ne pas entendre la référence à l'épisode de la résurrection de Lazare : "il y avait un homme malade, c'était Lazare de Béthanie" (Jean : 11). Ainsi, quand Marthe et Marie, soeurs de Lazare les (saintes) Myrrhophores envoient faire dire à Jésus : "Seigneur, celui que tu aimes est malade", n'y a-t-il pas identité avec le constat éliadéen sur le monde moderne ? Si cette parole a été prononcée durant l'existence terrestre du Nazaréen et témoigne pathétiquement de la souffrance de l'humanité d'alors, elle résonne, de toute évidence, à travers les siècles. 
Interpellé par les deux femmes, le seigneur de l'univers répond : "Cette maladie n’est pas la mort, mais pour la gloire de Dieu, afin que soit glorifié le Fils”. Autrement dit cette souffrance physique et forcément morale est, classiquement comprise comme l'annonce de la Passion du Christ, sa mort, son "éclipse" et sa résurrection instaurant le règne de l'Eglise ici et maintenant. Mais ce signe, peut  autant être compris comme celui de l'arrivée du "Temps", de la seconde venue que comme la justification des malheurs de l'humanité, des mondes passés et futurs et la possibilité de leur renovatio en suivant le(s) Signe(s).
Arrivée à Béthanie, Marthe interpelle Jésus : "Seigneur, si tu avais été ici mon frère ne serait pas mort", comment ne pas faire l'analogie avec le "Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ?" du Christ souffrant sur la Croix ? La résurrection de Lazare, résurrection physique est un signe qui laisse entendre à qui peut comprendre que d'autres événements se produiront à ce moment là, plus en avant dans le temps historique. Événements qui concernent tout autant l'existence terrestre du Christ qui par un geste de pure humilité a accepté, en s'incarnant dans la chair, les limitations inhérentes à toute existence humaine que les possibilités de renovatio intégrale du monde. Cette deuxième option ou interprétation est séduisante. En effet, Lazare ressuscite physiquement et non spirituellement, il ne naît donc pas à la vie nouvelle comme il est promis par le Christ ("Celui qui ne naît à nouveau...", etc.). N'a-t-on donc pas ici une  métaphore (heuristique...). Le "dieu fatigué" d'Eliade (cf. Supra) équivaut au Lazare de l'Evangile de Jean qui est donc le monde moderne.
A travers la résurrection de Lazare (Evangile de Jean, 11), Jésus-Christ nous montre le signe sous lequel le monde (moderne), entendu dans le sens d'humanité, peut se "régénérer", c'est-à-dire poursuivre son existence dans l'histoire. Oui, ce monde (l'humanité) est souffrant, il n'est que chaos et il va mourir, mais il a encore une chance, toujours renouvelée à travers le temps, de se sauver lui-même par les Signes que le Cosmocrator lui envoie...
 Aussi sans pour autant nier le caractère fabuleux et authentiquement surnaturel de l'épisode de la "première résurrection", ce dernier ne nous livre-t-il pas, aussi, un message fondamental pour les temps présents?... Le monde moderne est porteur d'un chaos qui s'il suit le(s) Signe(s) du cosmocrator peut évoluer vers un cosmos, autrement dit un monde signifiant, porteur de sens, familier...

mercredi 21 août 2013

Vlad III de Valachie et Louis XI de France. L'empaleur et l'araignée



 Vlad III Basarab (1431-1476 ou 1430-1477) de la famille des Drăculea ou lignée des  Drăculeşti, ou Vlad Ţepeş  soit en français Vlad 
 l’Empaleur (Ţeapă=pal en roumain, d’où son surnom), voïvode (1) de Valachie, fils de Vlad II et petit-fils de Mircea Ier l’ancien (Mircea cel batrân), est considéré comme un des seigneurs de guerre des pays roumains les plus fameux qui lutta contre les invasions turcomanes pour préserver son royaume et la chrétienté, mais aussi contre ses "ennemis de l'intérieur" (Boyards saxons, moines capucins, etc.), relations particulières avec Matei Corvin roi de Hongrie ami-ennemi
Il cherchera à venger son père Vlad II (membre de l'ordre du dragon d'où son surnom Vlad Dracul (2)) et son frère ainé Mircea II le jeune, assassinés sur ordre de Jean Hunyade (Iancu de Hunedoara) avec  la complicité des boyards de Transylvanie, des commerçants des villes saxonnes de Sibiu et de Brasov. 

Les Saxons de Transylvanie, ennemis du voïvode, le présentent dans les contes allemands (1488), abondamment illustrés de gravures, comme un cannibale buveur de sang, prenant ses repas au beau milieu d’une forêt de pals où agonisent ses ennemis...d'où son doux surnom d'empaleur et sa réputation désastreuse, bien que n'ayant jamais hésité à châtier avec la plus grande fermeté ses opposants, ses ennemis ottomans (la "forêt des 20000 pals" décrite par Victor Hugo a-t-elle jamais réellement existé?)
En outre, le surnom d'empaleur ne semble apparaître que très tardivement, en 1550, dans une chronique valaque... 

De nombreux épisodes de la vie de ce seigneur ont été portés à la connaissance du grand public cultivé.

Moins connu est ce rapprochement des "attitudes politiques" du Valaque avec celles du roi de France Louis XI :
 Florin Constantiniu (1933-2012) établit un parallèle entre Vlad III et Louis XI roi de France de 1461 à 1483, contemporain du voïvode de Valachie : "L'un et l'autre ont du tenir tête -évidemment dans des conditions différentes- à l'anarchie féodale ; l'un et l'autre ont poursuivi la consolidation du pouvoir central ; l'un et l'autre ont eu recours -afin d'atteindre leur objectif- à des moyens qui ont frappé la sensibilité et l'imagination des contemporains : Louis XI est devenu 'l'araignée' qui tisse sa toile afin d'y attraper ses victimes, Vlad est devenu le sanglant empaleur". (in Bulei I., 2013, "Brève histoire de la Roumanie, Ed. Meronia, p. 55)


"



Le portrait du voivode exposé à Bucarest lors d'une exposition en 2010.  Le portrait fort connu du prince valaque est conservé depuis 400 ans à Vienne au musée du Château d'Ambras (Autriche)


Louis XI revêtant l'ordre de Saint-Michel, plus précisément « Ordre et aimable compagnie de monsieur saint Michel » (3) sur un portrait anonyme du XVe siècle. L'ordre est créé par Louis XI pour s'assurer de la fidélité d'une poignée de chevaliers, à un moment où comme nous l'avons déjà évoqué, le roi n'accorde plus sa confiance à ces seigneurs vassaux, ces féodaux qui menacent son autorité, sa légitimité de souverain. Louis eut à lutter contre une coalition de princes (la Ligue du Bien Public) et notamment les Bourguignons et Charles le Téméraire défiant le pouvoir royal.  Quand il succède à son père Charles VII en 1461, il est à la tête d'un royaume en ruine, dévasté et amputé par les conquêtes des Bourguignons et les Anglais lors de la guerre de Cent ans. A sa mort, en 1483, il a, notamment, récupéré le duché et le comté de Bourgogne, la Picardie, la Cerdagne et  le Roussillon. 
Louis XI fait embastiller les intrigants et installe une "chambre de la question" dans la prison royale (la Bastille, donc). L'évêque de Verdun, par exemple, fera l'expérience de l'emprisonnement dans une de ces"cages de fer" (ou en bois?) suspendues et souvent nommées "fillettes". Mais si ces cages ont réellement existé, les "fillettes" n'auraient jamais été que le nom donné à de "simples" chaînes en fer munies d'un boulet immobilisant le prisonnier... Néanmoins, il est certain que Louis XI n'a jamais été plus violent ou cruel que la moyenne des rois. "L'universelle araigne" a surtout retissé la toile royale grâce à la ruse et une certaine diplomatie pour réorganiser l’État royal et redonner une cohésion à cette France affaiblie qu'il avait trouvée en montant sur le trône.


 Vlad III lui aussi sut s’entourer de fidèles pour empêcher toute contestation de son pouvoir mais semble, contrairement à Louis XI, n'avoir jamais hésité à utiliser la manière forte (et il l'a même privilégiée) pour assoir son voïvodat, en réprimant dans la violence toute rébellion sur ses terres.  Écarté du pouvoir à plusieurs reprises, après avoir été prince de Valachie en 1448 puis de 1456 à 1462, il revient une dernière fois sur le trône de Valachie en 1476 ou 1477 grâce au soutien de son cousin Etienne le Grand (Stefan cel Mare), avant de mourir dans d'"étranges" conditions, trahi une fois de plus...

Voir "La Roumanie : mythes et identités" ici par exemple : http://www.priceminister.com/offer/buy/152933464/la-roumanie-mythes-et-identites-de-jean-michel-lemonnier.html pour, notamment, une enquête approfondie sur les liens entre Dracula le Valaque (le personnage historique) et Dracula l'Anglais (le personnage de fiction) créature issue de l'imagination  de la française Marie Nivet bien plus que de celle de Bram Stocker (qui serait donc un plagiaire?), selon Matei Cazacu, et qui introduit un sujet plus vaste : celui la conception de l'au-delà, de la vie après mort chez les Roumains, la croyance en des êtres ni-morts ni-vivants (strigoi vii, strigoi morti ) et la résurrection des morts... Dans ce livre, sans outre mesure, un autre parallèle est fait entre le Conducător communiste Ceaușescu et Vlad III...

(1) Prince, souverain d'une principauté ou officier de rang princier (voievod en langue roumaine)
(2) Drac= diable en roumain, dracul= le diable, draco= dragon en latin, et drákôn. en grec
(3) Ordre dont le siège se situait dans l'abbaye du Mont-Saint-Michel