: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: universitaires
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lundi 21 décembre 2015

Trahison des élites et instruction au rabais


Les récents propos de certains ministres - dont je préfère dès maintenant oublier les noms - à propos de ce qu'un honnête citoyen est supposé apprendre dans un établissement scolaire est l'occasion de relire (ou de lire) "La révolte des élites et la trahison de la démocratie" (Flammarion, Champs Essais, 2010, première édition 1995) de Christopher Lasch pour bien se persuader que cette attitude hautement méprisante envers les masses (minorités ethniques  incluses) n'est pas neuve et que contrairement à ce qu'aime faire croire le sympathisant de gauche - qu'importe sa chapelle - est loin d'être le seul fait d'une droite dont l'intérêt pour les idées, selon Alain de Benoist, tiendrait sur un confetti.
Quel est ce discours qui fait écho à la critique radicale de Lasch concernant ces "élites" ? C'est celui du mépris bourdieusien hérité des postures de la gauche universitaire étasunienne. "Mépris de classe", "enfermement dans la culture classique" voilà le traitement qui serait infligé à l'élève issu d'un milieu socialement défavorisé et/ou appartenant à une minorité ethnique et/ou religieuse dans le monde "euroccidental". La "grande culture" n'aurait donc servi, jusqu'à aujourd'hui, qu'à exclure les opprimés. Il a fallu créer une culture de substitution, accessible à tous.
Or donc, Lasch s'appuyant sur le contenu d'un manifeste intitulé "Speaking for the Humanities" expose le racisme sous-jacent contenu dans les positions de la gauche universitaire étasunienne  concernant cette exposition à l'altérité, autrement dit à la "connaissance des choses sur des intérêts, des situations, des traditions marginales et réprimées" à laquelle les enfants des milieux privilégiés sont contraints, les minorités ethniques étant, quant à elles, exemptes de "cette exposition à 'l'altérité' dans "l'œuvre d' hommes blancs occidentaux" (p. 190).
Lisons encore Lasch citant Kimball qui semble parfaitement résumer l'état actuel des choses : "La 'rhétorique de l'universitaire' s'avère (...) 'profondément exclusionnaire - on pourrait même dire raciste et sexiste' dans les postulats qui la sous-tendent. Il apparaît que les gens ordinaires - spécifiquement s'ils appartiennent au mauvais groupe ethnique ou à la mauvaise race - ne savent pas lire les classiques avec la moindre compréhension, si tant est qu'ils savent lire quoi que ce soit. Il faut donc reconcevoir les programmes en mettant l'accent sur le cinéma, la photographie et des livres qui ne présentent pas des exigences particulières pour le lecteur - le tout au nom de la démocratisation de la culture" (p. 189). 
Pour être sage de sa propre sagesse, il faut être savant d'autrui...

jeudi 17 octobre 2013

Voici venu le temps des frustrés revanchards (1) : surtout la faute aux « gauches »

 Publié  par Jean-Michel Lemonnier jeudi 17 octobre 2013 - sur AGORAVOX

On ne dira jamais assez à quel point la responsabilité (certes indirecte) des mandarins de l'université française et plus généralement des intellectuels des "gauches" social-démocrate et crypto-trotskiste (sévissant essentiellement dans le domaine des sciences sociales), est grande dans la montée des idées "réactionnaires" ou entendues comme telles par ces mêmes caciques, "têtes pensantes" de la nation. En s'appuyant largement sur l'œuvre de Gilles Deleuze et surtout celle de Michel Foucault et sa critique de l'Etat (et en la prolongeant) ceux-ci n'ont fait qu'accompagner ou valider les thèses des ultra-libéraux depuis les années 70. Ces "intellectuels" en faisant des travaux de Foucault (déconstruction...) la pierre d'angle de leur système de pensée, ont défendu, de fait, la thèse de l'Etat minimal (la tentation minarchiste, Foucault, Hayek même combat !). Or, si cette analyse pouvait (vraiment à l'extrême limite) être considérée sérieusement, il y a 45 ans, on sait aujourd'hui que le pouvoir réel n'est plus vraiment dans les mains de l'Etat, et pas exclusivement non plus dans celles des firmes transnationales mais bien dans les mains d'un vaste réseaux d'acteurs privés (économie offshore par exemple) et d'instances supra-nationales (il y a plus de lobbies que de députés à Bruxelles !). Disons, pour faire court, que ce pouvoir économique s'observe à travers des dynamiques conjointes, dans un compromis sans cesse renouvelé entre des États certes affaiblis et des acteurs financiers et des superinstitutions internationales.


 En laissant le soin aux caricaturaux représentants des "droites" dites nationales (de De Villiers à Le Pen) de discréditer tout discours sur la souveraineté nationale depuis 30 ans (ce fut le rôle de la bande à Mitterrand de faire taire le discours souverainiste à gauche en inhumant le patriotique P.C.F.), ces "sensibles de gauches" ont volontairement permis la relégation des discours défendant l’État fort et souverain au rang d'outrances fascisantes. Tout cela, évidemment, pour "vendre" un projet européen (en réalité euro-étasunien) qui servirait les lobbies, les puissances d'argent et sûrement pas la qualité de vie des peuples du vieux continent...(comment l'Union européenne détruit les services publics français) De même, en abandonnant l'idée de prolétariat (il faut inclure, aujourd'hui une grande partie des classes moyennes productives -l'ingénieur par exemple- dans celle-ci) et en ayant renoncé à défendre les classes populaires en s'appuyant sur des catégories d'analyses sociologiques nulles et non avenues (les "jeunes" par exemple) et développant à l'infini des sujets d'études (mobilité-flexibilité, genre, domination patriarcale...) empruntés à la gauche libérale étasunienne, en somme, en abandonnant les raisonnements en termes de classes sociales et en "construisant" des "communautés", des "tribus postmodernes" -le tout s'accompagnant d'une inflation verbale et de langages hermétiques- et en se désintéressant des préoccupations des plus démunis (socialement, culturellement), ils se sont mis à dos le peuple souffrant.


On sait quel a été le rôle fondamental des "gauchistes de mai" dans la liquidation du marxisme (à droite, l'avènement de la droite économique/des affaires initiée par Pompidou, achevée par Sarkozy devait enterrer le gaullisme). Ce travail effectué, ces faux-ennemis que sont les gauchistes libertaires et les libéraux économiques ont tracé une autoroute au néo-capitalisme et... à des travaux à prétention scientifique qui ne pouvaient que s'inscrire dans les limites de ce postulat : le caractère indépassable du capitalisme auquel on pourrait bien faire quelques reproches, dénoncer les abus, sa violence (appels incantatoires à plus de justice sociale) sans bien évidemment le remettre en cause. De surcroît, en traitant systématiquement sur le mode du sarcasme, du mépris tout ce qui a rapport avec les "traditions", les "coutumes", l'idée de transmission, et d'éducation (2), la famille (qui serait une valeur de DROITE !), et plus encore la religion (en somme tout ce qui est contenu dans le catéchisme de la veulerie gauchiste) auxquelles encore une bonne part des classes populaires semble (cf. infra) attachée, ces "analystes" et leurs analyses qui ont guidé les différentes politiques sociales et sociétales depuis 40 ans se sont, définitivement, mis à dos toute une frange de la population française.


Aujourd'hui, crises sociale, économique, sociétale et identitaire gravissimes aidants, cette sphère des élites politico-intellectuelles de "gauche" apparaît en tout cas totalement discréditée aux yeux du Français moyen (il est bien sûr presque totalement exclu que ces êtres intellectuellement supérieurs fassent un travail d'introspection, un examen de conscience). Qui peut savoir quelles seront les conséquences définitives de l'incurie d'une partie de cette génération issue de 68 (et de ses non moins fidèles  héritiers politiques (ou ici) et intellectuels (ou ici)) ; le mai 68 sociétal sorbonnard, autrement dit ce qui n'aura été qu'une régression infantile et "anale" d'histrions fangeux  ?


Au fil des ans, face à l'imposture 68arde, aux trahisons successives des "gauches" et d'une droite de gouvernement piétinant les acquis du gaullisme et l''impuissance de l'ensemble de la classe politique à résoudre les problèmes de fond du pays, se développent alors des pseudo-oppositions totalement étrangères aux préoccupations de la majorité de la population qui s'illustreront à merveille à travers un fameux débat avec d'un côté, des libéraux-lepenistes fustigeant les "marxistes", les "socialo-communistes" la "menace rouge" (entendu que la gauche a enterré le marxisme il y a plusieurs décennies de cela) de l'autre des gauchistes-libéraux répondant aux premiers sur l'air de la "menace fasciste" à laquelle un Lionel Jospin (le socialo-trotskard par excellence) voire un Julien Dray avouent, finalement, ne jamais avoir cru. Mais il fallait bien une figure du diable, un repoussoir absolu pour permettre la pérennité de "l'alternance unique"...


Face à la nullité du débat politique, les classes moyennes (la fameuse "classe unique", constituée par l'arrachement des individus aux valeurs traditionnelles, qui a voulu participer au pouvoir) veautants quinquennaux, abruties à coups de ligue des champions, de tambours et de grosses caisses d'orchestres de variétés, de séries et de jeux débilisants d'importation US, de consommation transgressive, de beauferies TF1-Canaplusiennes, de "soirées entre potes" devant "pop-academy" (pour rigoler bien sûr !...) ont été mis devant des faux-choix politiques (Sarkozy/Royal-Hollande ou encore fascisme/antisfascisme) ou sociétaux (hystérie féministe contre machisme de gros beaufs) permettant le maintien du système en l'état. Il est donc, sans doute, permis de relativiser l'attachement des classes populaires aux valeurs précitées... L'homo festivus, "fils naturel de Guy Debord et du web" (Ph. Murray) est-il devenu le type anthropologique dominant en France ? Si tel est le cas, la partie est finie...(3)

 
Clouscard avait-il donc raison en affirmant l'enfantement de Le Pen par Cohn-Bendit ou disons leur engendrement réciproque (4) ? Le lépenisme alimente le gauchisme et réciproquement, certainement. Mais pour déboucher sur quoi à terme ?


"Le néo-fascisme sera l’ultime expression du libéralisme social libertaire, de l’ensemble qui commence en Mai 68. Sa spécificité tient dans cette formule : 'Tout est permis, mais rien n’est possible.' [ Puis ], à la permissivité de l’abondance, de la croissance, des nouveaux modèles de consommation, succède l’interdit de la crise, de la pénurie, de la paupérisation absolue. Ces deux composantes historiques fusionnent dans les têtes, dans les esprits, créant ainsi les conditions subjectives du néo-fascisme. De Cohn-Bendit à Le Pen, la boucle est bouclée : voici venu le temps des frustrés revanchards.", Michel Clouscard, 2002


Qui proposera un projet politique ni "permissif", ni "répressif", qui pemettra de renvoyer dos à dos gauchistes-droitards-libéraux/libertaires et leurs nécessaires complices lepenistes ? Qui ou quoi s'élèvera contre l'hyper-vulgarité et l'indigence de cette classe politique et de son double extrêmisme épouvantail, essentiel à sa survie, pour envoyer l'ensemble (intelligentsia incluse) dans les poubelles de l'histoire, refermera le couvercle et mettra un terme à cette pathétique période de l'histoire de France ?...


_________________________________________________________________________

 

(1) Ce n'est pas nécessairement une insulte...mais ça peut l'être...

 
(2) L'enfant n'est plus un être à civiliser, mais un narcisse, un monstre d'égoïsme face auquel aucune barrière ne doit être érigée pour permettre son avènement, le développement de sa toute-puissance. L'affirmation d'une différence entre adultes et enfants, de même celle d'une différence homme/femme étant aux yeux de ces marcusiens, une horrible discrimination qui devra être corrigée par des mesures particulières, par une rééducation (on en revient toujours à ces fameuses déconstructions) pour faire taire à jamais ces abominables archaïsmes. Ce travail de déconstruction est évidemment, encore une fois, assigné à ces universitaires "freudo-marxistes" (mais bien sûr ni freudiens, ni marxistes) ou "marxistes culturels" (autrement dit non marxistes) qui affirment le primat presque absolu du culturel sur le biologique. Et, on comprend en lisant ici et là certaines publications, le niveau de démence atteint par certains de ces chercheurs accrédités...

 
(3) Il est peut-être déjà trop tard... "L'immense majorité de la population française" est-elle déjà "enfermée et abrutie" dans le "ghetto du nouvel apartheid spectaculaire (a) " ? (Debord (G), 1985, Œuvres complètes in Michéa (J-C), 2011, p. 344 Le complexe d'Orphée, Climats). On ne peut proposer une réponse définitive.


        (a) Notes/digression sur Debord et son "spectacle" : alors qu'il refuse de considérer le spectacle comme de simples images, en décrivant le spectacle comme partie de la société ou la société porteuse du spectacle, réduit bien ce dernier à des images. A savoir, la pub/les marques, la télé et le sport professionnel par exemple et deux trois autres choses dans les démocraties libérales et la propagande dans les Etats totalitaires...Debord aurait dû en rester à "le spectacle est la société même" ou à "le spectacle est rapport social d'individus médiatisé par des images". Ses adorateurs qui citent avec un air pénétré des passages de "la société du spectacle" n'auront pas relevé les contradictions de l'auteur préféré des bourgeois du 16e arrondissement parisien et/ou des publicitaires. Debord n'a rien inventé (Jacques Ellul le confirme) et l'œuvre de Debord n'est donc qu'un affadissement d'une partie de l'œuvre de Karl Marx mêlée à des références sado-reichiennes (incompatibles avec celle du marxisme) qui ne pouvaient guère parler aux classes laborieuses.


Pour finir, le concept de spectacle a été défini confusément au fil de la plume de Debord (donc mal compris) et l'I.S. des Debord -le fils de bonne famille- et cie comme d'autres organisations gauchistes de mai n'auront été que des organisations d'alcooliques névrosés affectivement bloqués, monomaniaques anti-chrétiens (éduqués sur les genoux des jésuites, ceci expliquant cela...) qui auront indirectement produit des personnages caricaturaux de beaufs anar-bourgeois à la Siné...et autres subjectivistes radicaux à la Michel Onfray, incapables de créer de nouveaux mythes en mesure de remplacer ceux du "vieux monde", comme les membres de l'I.S. le prétendaient. Le festivisme des indignés des "gauches actuelles" est certainement un des plus "beaux" héritages des fumisteries situationnistes des années 60.


En outre, face à la conceptualisation clouscardienne de haute volée, l'œuvre de Debord apparaît bien faible...Le concept de "société du spectacle" ne serait qu'un habillage idéologique forgé avec "l'aide" des classes moyennes, un système d'enfermement conceptuel au sein duquel les exploiteurs dictent leurs règles et taisent la réalité de la lutte des classes, donc un faux système de représentation verrouillé par des intellectuels de gauche. Affirmons la supériorité de la socio-philosophie de Clouscard sur les vulgaires slogans situationnistes qui ont tant inspiré la rédaction des directives ministérielles depuis 40 ans...mais aussi face à la verbeuse philo-sociologie foulcado-bourdieusienne pour comprendre le jeu politique actuel et les rapports de dominations.


(4) Cohn-Bendit/ Le Pen soit le couple "permissif-répressif ".
Sur le "mai Cohn-Bendit" : on n'insistera pas sur le fait que ces supposées émancipations des jeunes, des femmes, n'ont été que des conditionnements à l'imaginaire capitaliste. Sujet méritant amples développements...

Publié  par Jean-Michel Lemonnier jeudi 17 octobre 2013 - sur AGORAVOX

 

lundi 18 mai 2009

Féminisme et études de genre, ou quand les "grandes bourgeoises" s'expriment au nom de toutes les femmes


Critiquer le féminisme ou les études de genre (gender studies) ce n'est évidemment pas critiquer les femmes.
Critiquer le féminisme (ou ses excès en tout cas) ce n'est pas remettre en cause l'égalité homme-femme et les
droits fondamentaux qui en découlent ou bien encore la place de chacun dans nos sociétés. On peut déjà
anticiper des objections du style : "mais comment savoir quelle est la place de chacun dans nos sociétés?",
"tout est relatif ", etc. Disons que l'objectif de ce court article est de montrer les contradictions voire les
aberrations qui ressortent de certains discours.
Or donc, le fait de mettre -comme certains démagogues- sur le même plan lutte contre le racisme et
féminisme, par exemple relève de l'imposture totale. Une question s'impose alors : les féministes ont-elles
jamais participé à libérer qui que ce soit, à part elles-mêmes (déjà libérées par ailleurs?), et à protéger leurs
intérêts de classe?

1) Considérations sur les fondements du féminisme

Le féminisme moderne qu'il soit libéral, radical, socialiste ou "psychanalyste et politique" (retracer
l'intégralité de l'histoire du féminisme ici ne serait pas d'un intérêt majeur pour notre exposé) est un courant de pensée, une idéologie, un combat, qui prend racine dans les milieux de la grande bourgeoisie, américaine et d'Europe de l'Ouest, dans les années 60/70 du XXème siècle. Sachons au moins que le MLF, représentatif de ce combat, organe (sans jeux de mots graveleux) réunissant différentes tendances en son sein fut largementfinancé par les grosses fortunes transnationales (capitalistes donc) à la Rockefeller. Voir l'interview du réalisateur/producteur américain Aaron Russo, ami de Nick Rockefeller, à ce sujet :
"Les deux raisons originelles pour lesquelles l'élite finançait la libération des femmes, l'une parce qu'avant la
libération des femmes les banquiers ne pouvaient pas imposer la moitié de la population, et la deuxième
parce cela leur a permis de recevoir des enfants plus jeunes à l'école, permettant leur endoctrinement dans
l'acceptation de l'État comme première famille, démolissant le modèle traditionnel de la famille."
Interview par Alex Jones, 2007
Ses propos pourraient paraître relever de l'affabulation, si Gloria Steinem, une des pionnières des mouvements féministes n'avait elle aussi fait des déclarations allant dans le même sens...
Malgré les différentes courants traversant la "nébuleuse féministe" on peut, néanmoins, retenir quelques
éléments récurrents qui leur sont communs à tous :

Un des postulats des féministes modernes est que les dynamiques de l'oppression des femmes si elles ne sont
pas indépendantes des considérations de classes dépassent, en tout cas, ces opposition de classes.
Ces féministes considèrent qu'en outre, que le patriarcat est a-historique et n'a jamais évolué. L'oppression de la femme au sein du modèle sociétal/familial patriarcal serait constant. Ce qui est faux. L'observation des
évolutions de la famille ouvrière tout au long du XXème siècle atteste de changements fondamentaux au sein
de celle-ci.
Ce corpus d'idées et les combats que constituent le féminisme (radical en tout cas) ont abouti à ce que l'on a
pu nommé de la "collaboration de classe" ; bourgeoises et ouvrières voyant dans l'homme ouvrier besogneux
ou dans le patron multi-millionnaire un seul et même ennemi.
Il découle de cela une suite de contre-vérités assénées à des générations de femmes comme "l'homme est
violent, c'est un prédateur", "si le monde était dirigée par des femmes tout irait pour le mieux dans le meilleur
des mondes" (pour s'en "convaincre", rappelons le bilan socio-économique des années Tatcher, celui de
Madeleine Albright en matière de politique étrangère étatsunienne...les pauvres civils serbes s'en souviennent
encore (et aussi (1)) ou celui de Condoleezza Rice dans le même domaine, etc.)

Il n'existe pas, en réalité, de solidarité de sexe qui ne relèverait pas de la manipulation des femmes issues des
classes populaires par une élite bourgeoise. Les comportements des un(e)s et des autres ne peuvent (en
théorie) qu'être avant tout conditionnés par l'appartenance à une catégorie/classe sociale, même aujourd'hui ou l'affaiblissement de la conscience de classe est avéré.
Or donc, s'il existe des intérêts de classe encore conscients dans les milieux bourgeois, il n'en est pas de même dans les milieux moins favorisés. Nous assistons, en effet, depuis 30 ans environ à une moyennisation de la société française et une aspiration des classes moyennes (majoritaires en France) émergentes depuis le début des années 70 à rejoindre le monde de la petite bourgeoisie et son confort matériel et intellectuel, nous l'avons dit dans un précédent article.
La seule catégorie ou plutôt classe sociale, encore solidaire (i.e. "consciente"), n'est-elle pas la bourgeoisie (de gauche ou de droite, celle montante depuis 40 ans ou celle qui était déjà en place avant 68, donc) liée par uneespèce de consensus mou sur la plupart des questions sociales, économiques et sociétales (i.e les valeurs)?
"La femme" n'est donc, évidemment, pas une catégorie sociale car il n'existe pas de de "complicité" de fait, de connivence politique et d'intérêts communs entre, par exemple, une femme aide-ménagère, une cadre du
tertiaire (professeur, journaliste, médecin etc.) et une rentière.
La fiche de paie qui "tombe" chaque mois pour chacune d'entre elles atteste indéniablement de cet état de fait.

En outre, s'il existait une condition féminine partagée par toutes, existerait-il une condition masculine? Posons
nous cette question simple alors : quel intérêts communs partagent l'homme ouvrier, celui exerçant une
profession libérale et le patron d'une firme transnationale? Aucun assurément, alors comment accréditer la
thèse d'une connivence, d'une "communauté de femmes" partageant des intérêts communs?
Concernant la question de la parité/mixité, posons simplement cette question, sans trop nous étendre sur le
sujet : quels intérêts y-a-t-il à substituer un homme par une femme, elle aussi, issue d'un "milieu bourgeois
affairiste" à la tête d'une entreprise transnationale, par exemple ? Ne défendent-ils pas les mêmes intérêts ?
Être gouverné par Margaret Thatcher est-ce réellement bien mieux que de l'être par Ronald Reagan quand on
appartient à un milieu "économiquement faible"...?
Par suite, la "condition féminine" tout comme la "condition masculine" en tant que catégories liées par un
même sentiment d'appartenance, un même "destin" n'a pas d'"existence propre", ne correspond à aucune
réalité conceptuelle solide résistant à une analyse approfondie de ses fondements et encore moins à une réalité factuelle.
Par ailleurs, ce discours qui consistent à dire "les femmes gagnent moins que les hommes", relève là encore de la démagogie de classe. Il est faux dans le sens ou pour les métiers liés à "la rente" (peut-on parler de métier?), les patron(ne)s, les artistes (écrivain(e)s, chanteurs, chanteuses) ou dans les métiers de la fonction publique ces inégalités de genre n'existent absolument pas. Rien n'indique, par ailleurs, qu'un "agent de service" masculin gagnerait plus que son homologue féminin.
Le problème fondamental de nos sociétés se situe donc bien au niveau de la parité riche/pauvre et non pas de la parité homme/femme.
Penchons nous aussi sur le néo-féminisme des Virginie Despentes ou Joy Sorman, "idéologie" de pissotière,
sortie des cerveaux des rejetons anémiés de la bourgeoisie parisienne post-soixanthuitarde, prônant la
virilisation des femmes et la féminisation des hommes, ou encore "la sortie de la partition naturaliste où les
femmes ne seraient plus que des cerveaux et les hommes pourraient louer des utérus" [sic]...pseudo-idéologie, donc, qui cumule toutes les transgressions aujourd'hui normatives...
Disons toutefois et pour conclure cette partie qu'une lecture purement sociale du phénomène féministe en
France est, sans doute, aujourd'hui limitative du fait notamment de l'ethnicisation des rapports sociaux. Sans
doute, pourrait-on utiliser aussi une "lecture ethnique" (ou concilier "lecture ethnique et sociale") pour
montrer les divergences entre les intérêts et aspirations des femmes héritières de cultures différentes qui composent, aujourd'hui, la société française.

2) Les études de genres

Le combat féministe relayé par les études de genres (gender studies) qui consiste à vouloir corriger les
inégalités sociales liées à l'appartenance à un genre (féminin en l'occurrence) relèverait, par suite, elles-aussi
du non-sens le plus total. La lecture de la plupart de ces études laisse apparaître au mieux la vacuité des thèses défendues par leurs auteur(e)s. La grande prêtresse de ce mouvement académiques est bien sûr la sophiste Judith Butler (cf. "Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion", 1990)
On trouve, par exemple, une géographie féministe, apparue dans les années 1970/80, un des courants issu de la "nouvelle géographie" qui rejette largement les fondements de la géographie classique (celle des
nomenclatures, des tonnes de charbon produites et des kilos de blés exportés). Cette géographie féministe est  représentée par des gens comme Gilian Rose.
 On se demande si l’'homo oeconomicus* est un homme ou une femme. Ici, on raisonne sur l'appartenance à un genre qui doit déterminer les conditions de vie de l'individu. La société est perçue par les auteurs de ce courant comme patriarcale, "phallocentrique", injuste envers les femmes donc et on va dénoncer cette supposée discrimination de genre. L’'espace est supposé être impliqué dans la définition du genre et supposé participer à la reproduction des rapports de domination.
Cette école de géographie, relativement marginale a donné lieu à certains écrits assez savoureux.
Ainsi, dans les études de genre pratiquée par la géographie le ridicule ne tue pas, à moins qu'il ne s'agisse de
propos à prendre au second degré, d'une géographie du second degré donc, une géographie de l'absurde? : "Il est donc [...] moins question de sexualité que d’anatomie du sexe, celle qui veut que les hommes fassent pipi debout et les femmes assises. Quoique ! Ne revient-il pas aux architectes, notamment femmes et féministes,d’imaginer des lieux d’aisance alternatifs, et aux organisateurs et organisatrices de manifestations
accueillant beaucoup de femmes de tenter l’'expérience du changement ?"
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/36/44/86/PDF/espace_sexualite.pdf
Cet autre extrait est aussi représentatif de ce courant : [...] "(Comment l’espace est-il genré ? Quel est
l’impact du sexe de l’architecte sur la production d’un tel espace ? …) ainsi que le postulat féministe de
l’importance des relations de pouvoir dans cette relation entre genre et espace. [...] s’inspire de Lefebvre
pour avancer l’idée que l’idéologie qui divise la ville entre espace public et espace privé, production et
reproduction, hommes et femmes est à la fois patriarcale et capitaliste. Parce qu’ils diffèrent, les espaces
alloués aux hommes et aux femmes jouent un rôle dans la production et le maintien des relations
hiérarchiques de genre..."
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/36/44/86/PDF/espace_sexualite.pdf
Qui a dit que les chercheurs en sciences sociales ne trouvaient jamais rien et se réfugiaient dans les idées
pures sans avoir jamais quoi que ce soit de concret à proposer ?

Enfin, en guise de conclusion temporaire, demandons-nous en quoi notre société française est-elle réellement
patriarcale aujourd'hui? Depuis 40 ans, les structures "traditionnelles" permettant, soit-disant, la pérennisation
du patriarcat ont largement reculé dans ce que nous nommons communément "Occident" : la famille, le
couple hétérosexuel, le mariage (religieux surtout), l'Eglise en tant qu'institution influençant sur les décisions
individuelles etc. alors qu'a contrario les pratiques, autrefois considérées comme marginales, sont aujourd'hui
acceptées par tous : union libre, émancipation des "minorités sexuelles", familles recomposées ou
monoparentales où la femme est chef de famille (et pas forcément précaires, loin s'en faut), "libre disposition"
de son corps etc. Ainsi, déclarer de nos jours, par exemple, à ses camarades d'école que ses parents n'ont
jamais divorcé est presque suspect...
Les mouvements féministes n'auraient-ils pas simplement enchaîné les femmes issus des milieux les plus
défavorisés à leur patron sous prétexte de les libérer d'une supposée dépendance envers leur mari ? La réponse peut paraître évidente...

Aussi, les auteur(e)s pratiquant, de nos jours, les études de genre auraient-ils (elles), eux(elles)-aussi leur lutte de retard, tout comme la gauche "bobo-libertaire" en France (i.e. extrême-gauche ou gauche de gouvernement largement solidaires des premiers cités, d'ailleurs) avec ses luttes anti-fascistes (qui consistent, en fait, àconsidérer comme fasciste tout ce qui s'oppose à ses valeurs) et anticléricale ou encore l'extrême-droite (un certain courant au moins) avec son combat anti-communiste d'arrière-garde et sa "menace rouge"?

(1)Le 27 septembre 1996, les Talibans prennent Kaboul, elle déclare alors que « c'est un pas positif » [SIC]
fort de son soutient politique, les fondamentalistes s'emparent dès lors du pouvoir à Kaboul. Nous connaissons la suite...
*« Le mythe de l'homo œconomicus et [de] la rational action theory [sont des] formes paradigmatiques de
l'illusion scolastique qui portent le savant à mettre sa pensée pensante dans la tête des agents agissants et à
placer au principe de leurs pratiques, c'est-à-dire dans leur « conscience », ses propres représentations
spontanées ou élaborées ou, au pire, les modèles qu'il a dû construire pour rendre raison de leurs pratiques
». Pierre Bourdieu, 2000, Les structures sociales de l'économie, Seuil, Paris.
Copyright © J-M Lemonnier mai 2009 publié sur blog.fr (plateforme fermée depuis décembre 2015=
par JeanMichelLemonnier @ 18.05.09 - 01:00:18
http://Jean-MichelLemonnier.blog.fr/2009/05/17/feminisme-et-etudes-de-genre-ou-quand-les-grandes-bourgeoises-parl