: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes

mercredi 11 septembre 2013

Musiques metal et temps du mythe



Durant la décennie 80 du siècle dernier, un phénomène particulier émerge dans le monde du hard rock et du heavy metal. Des virtuoses -ou "shredders" même si le terme n'est pas tout à fait synonyme, il est parfois employé indifféremment pour désigner ces musiciens- c'est-à-dire des instrumentistes possédant un bagage technique bien supérieur à tous ceux qui les ont précédés  (Malmsteen, Satriani, Macalpine, V. Moore et quelques d'autres...) retiennent les leçons de musiciens de hard rock et heavy metal comme Ritchie Blackmore, Randy Rhoads, Eddie Van Halen précurseurs voire prophètes dont ils accomplissent, abolissent et dépassent les œuvres en s'imprégnant de musique ancienne (mal nommée "classique")  sortent du carcan pentatonique-accords de puissance en allant fouiller dans la discographie de musiciens de jazz-rock ou fusion (Allan Holdsworth, Al di Meola...). La plupart sont étasuniens (ou naturalisés) mais les influences viennent, très souvent, des musiques savantes européennes. Pas vraiment des "rebelles" au sens ou le vulgaire peut l'entendre.  La musique avant tout. Mais en (ré-)introduisant de la "beauté" dans le metal, ils se distinguent fortement de ces cliques de groupes de suiveurs qui pataugent (déjà au milieu des années 80) dans la provocation porno-sataniste de buveurs de mauvaise bière. Là se situe véritablement la dimension subversive de ces musiciens et de leurs compositions dans la mesure où ils remettent en cause la "doxa" en matière de jeu de guitare et de compositions. Pour prétendre devenir musicien de heavy metal, il ne suffira plus désormais de ressortir des plans pentatoniques interchangeables. Concernant ce dernier point, il est évident que nombre de musiciens ne dépoussiéreront pas leur jeu pour autant, mais c'est pourtant une véritable révolution dans l'histoire du monde du rock en général (et bien au-delà) qui se produit à cette époque.

 On peut dire que la musique de ces virtuoses permet à l'auditeur de sortir du temps linéaire induit par l'homme-dieu qui s'incarne dans l'histoire (c'est bien le Christ qui a imposé une conception du temps en Occident et ailleurs) et d'entrer dans le temps sacré, mythique, fabuleux trans-historique, c'est-à-dire où présent et passé se confondent. A chaque écoute d'une pièce purement instrumentale -c'est à l'évidence la même chose qui se produit avec l'écoute d'une pièce de musique ancienne ou savante- l'auditeur réintègre non pas à proprement parler le temps que l'on réintègre à l'écoute un récit mythique dans une société traditionnelle, mais un temps fabuleux... 


Écouter une pièce de musique, qu'elle soit "classique" ou "métallique" (a fortiori instrumentale) c'est se révolter contre le temps de l'individu, se révolter contre le temps historique, transcender son propre temps et adopter un comportement mythologique.  Ce temps mythique, cyclique, n'est, d'ailleurs, pas nécessairement le temps du paganisme. Les chrétiens utilisent, en effet, des catégories de la pensée mythique. Nombre d’éléments qui apparaissent propres au christianisme relèvent de la cyclicité : l'année liturgique par exemple. Le comportement du fidèle qui réitère rituellement la naissance, la vie et la mort du Christ appartient bien à cette catégorie.

 On pourrait évoquer les différents sous-genres ou courants dérivés du heavy metal : le thrash, le death subissant tous les deux, l'influence des guitaristes virtuoses, mais surtout le black metal autre manière d'intégrer un temps fabuleux, mais aussi forme de régression musicale (il ne s'agit pas d'un jugement de valeur), de rejet de la "technique" qui se développe parallèlement au courant du metal instrumental, mais qui est pourtant aussi une forme artistique de rejet du temps de l'homme d'attitude moderne. 


Le black metal (on n'évoquera pas ici les thèmes propres à ce genre) qu'on n'opposera pas forcément à la démarche des "virtuoses"est sûrement, à sa manière, une forme de destruction d'un langage artistique, une force d'épuration, une manière de créer un chaos qui doit aboutir à un renouvellement, une nouvelle création, s'apparentant à la création d'une nouvelle cosmogonie. Un nouvel ordre cosmique succédant au chaos...
Évidemment, nous pourrions considérer qu'il en est, également, ainsi concernant l'écoute de toute pièce musicale "moderne" (metal ou pas), pour la lecture d'un roman, etc.

suite :  musique-metal-et-temps-du-mythe-2

samedi 24 août 2013

Une histoire des Bretons...

Maurice Duhamel (1884-1940) écrit "Histoire du peuple breton" en 1938 sur demande de l'organisation des Bretons émancipés de la région parisienne. Cette dernière est proche du parti communiste français dont un des fondateurs lors du Congrès de Tours de 1920, le Paimpolais Marcel Cachin, considérait que le breton était la  "langue de la paysannerie et du prolétariat breton".
 Cette "histoire du peuple breton" rééditée en 2000 aux Editions An Here nous plonge au cœur d'une histoire fort mal connue par les Bretons (1) eux-mêmes. C'est une lecture marxiste de l'histoire de la Bretagne, sinon simplifiée au moins vulgarisée, que nous livre le Rennais Duhamel dans ce livre interdit par l’État français en 1939
Sans doute volontairement rédigé dans un langage simple pour mieux atteindre le petit peuple, ce livre présente l'histoire d'une nation. Aux propos liminaires sur l'héritage légué par les peuples néolithiques, se succèdent des explications sur
le peuplement de l'Armorique par les Celtes, puis par les Bretons insulaires et sur les relations entre les Francs (Franks) et les Bretons continentaux jusqu'à la date symbolique de 1532. Une date qui marque la fin du processus de l'union de la Bretagne à la France amorcé 44 ans plus tôt avec le fameux Traité du Verger et qui met un terme à la "Guerre folle" (2). Le dernier chapitre du livre expose les réflexions de l'auteur sur la place de la culture bretonne en contexte européen.

La réédition de ce singulier ouvrage propose une annexe rapportant les propos du militant breton fédéraliste de gauche, lors de la présentation de son livre devant la 13e section des Bretons émancipés de la région parisienne dont le président d'honneur est... Marcel Cachin. L'intention est claire : le livre est une opération de "désintoxication intellectuelle" qui veut dépasser les "autres façons d'écrire l'histoire", redonner sa place aux "petites gens", sujets (et pas seulement "sujets") de l'histoire. Si cette histoire là est militante, elle est surtout scientifique et se fixe, donc, pour objectif de dissiper le brouillard du surnaturel, de sortir d'une histoire religieuse ou aristocratique de la Bretagne et refuse d'attribuer au peuple breton des qualités uniques, d'en faire une sorte de "peuple élu" comme de coutume sous la plume des indépendantistes.

Original, l'ouvrage l'est assurément puisqu’il est, sans doute, encore le seul aujourd'hui à narrer l'histoire des Bretons à la lumière de la méthode marxiste. On notera, néanmoins, outre quelques raccourcis -mais un petit petit livre d'une centaine de pages ne peut, évidemment prétendre à l'exhaustivité- des approximations ou des biais cognitifs de confirmations d'hypothèses. Ainsi, on ne peut guère accepter de lire, de nos jours, que le peuple breton accepta le christianisme avec bienveillance. 

Ces phrases "Il est croyable que le christianisme naissant ne bouleversa pas davantage la morale celtique" (p. 32) puis plus loin "Ainsi les Bretons durent accueillir sans difficulté une religion qui ne s'opposait pas à leurs croyances traditionnelles, qui s'accordait avec leur morale (...)" (idem),  montrent une méconnaissance des mœurs du "bas-peuple" breton tel qu'il se présentait jusqu'au début du XIXe siècle. Ainsi, il est fort probable que pour un bon nombre d'habitants de cette Bretagne rurale, cette morale chrétienne resta fort mal connue pendant de nombreux siècles. Les mœurs du clergé breton ("on voit des évêques mariés qui se repassent la crosse de père en fils" écrit fort à propos Duhamel, p. 59) incitèrent, à l'évidence, ce petit peuple à préférer l'ancien état des choses en matière de spiritualité... Gwenc'hlan Le Scouézec va dans ce sens quand il affirme dans "Bretagne terre sacrée. Un ésotérisme celtique" paru en 1977, qu'une partie du petit peuple Breton ignorait, encore
au XVIIIe siècle, jusqu'au nombre exact de dieux qui composaient le "panthéon chrétien" (!)...

                                              Couverture de l'édition originale interdite en 1939

Livre intéressant donc, qui tient à distance l'hystérie identitaire et dont la lecture doit se faire avec la permanence de l'idée qu'il fut rédigé avec un état des connaissances sur l'histoire de la Bretagne daté des années 30 du XXe siècle, période où, par ailleurs la IIIe république multiplie les vexations à l'égard des Bretons. De surcroît,  il faut considérer que cette histoire  a été écrite par un auteur, fasciné comme bon nombre d'intellectuels de son époque, par un pouvoir soviétique favorable aux minorités et au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et qui rêvait d'un pareil modèle pour la France et la Bretagne, de fait. Lemonnier J-M

(1) Qui est Breton ou qu'est-ce qu'un Breton nous demandera-t-on ? Nous n'entrerons pas dans cette discussion forcément polémique et idéologisée. En effet, si on peut se débarrasser -facilement- en répondant "celui qui a la nationalité française" à la question "qui est Français?", la première interrogation nous emmènerait bien trop loin au-delà du cadre de ce petit article.
(2) La "Guerre folle" est une révolte de seigneurs contre un pouvoir royal prétendu faible, du fait de la période de régence assumée par la jeune Anne de Beaujeu (de Valois) âgée de 22 ans et fille du défunt Louis XI. Cette "Guerre" s'achève en 1488 par la victoire des troupes françaises de Charles VIII sur les troupes de François II de Bretagne ( et de coalisés ) lors de la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier. Le Traité du Verger, conséquence de la défaite des féodaux et de François II, fait passer quatre places fortes bretonnes sous le contrôle du roi de France. Mais surtout, le Traité interdit à une héritière du duché de Bretagne de se marier sans l'accord du roi de France. Anne de Bretagne, fille de François II et héritière du duché de Bretagne, violera pourtant le traité en épousant Maximilien Ier du Saint Empire. Le roi de France fait annuler le mariage. Anne désormais promise à un prince, exige un mariage avec Charles VIII. Une fois mariés, le roi lui interdit de porter le titre de duchesse. Lors de son deuxième mariage avec Louis XII, Anne retrouve son titre.
Publié par Jean-Michel Lemonnier à vendredi, août 23, 2013 Lemonnier J-M

mercredi 21 août 2013

Correspondance de Vlad III adressée à Matthias (Matei) Corvin, roi de Hongrie


ROGOZ (G. V.), Drǎculeştii, Cutezǎtorii, Editura Albatros, Bucureşti, Republica Socialistǎ România, 1977

 



Ma traduction d'une lettre (réécrite en roumain moderne) de Vlad III adressée à Matthais (Matei) Corvin, roi de Hongrie de 1458 à 1490 :

"Nous ne voulons pas nous enfuir devant leur sauvagerie, mais les combattre de n'importe quelle manière. Et si nous arrivons, Dieu nous en garde, à une fin tragique, notre petit pays [la Valachie] sera anéanti. Cela ne servira pas non plus à votre Grandeur, car cela provoquera un grand dommage à la chrétienté entière."

Vlad III de Valachie et Louis XI de France. L'empaleur et l'araignée



 Vlad III Basarab (1431-1476 ou 1430-1477) de la famille des Drăculea ou lignée des  Drăculeşti, ou Vlad Ţepeş  soit en français Vlad 
 l’Empaleur (Ţeapă=pal en roumain, d’où son surnom), voïvode (1) de Valachie, fils de Vlad II et petit-fils de Mircea Ier l’ancien (Mircea cel batrân), est considéré comme un des seigneurs de guerre des pays roumains les plus fameux qui lutta contre les invasions turcomanes pour préserver son royaume et la chrétienté, mais aussi contre ses "ennemis de l'intérieur" (Boyards saxons, moines capucins, etc.), relations particulières avec Matei Corvin roi de Hongrie ami-ennemi
Il cherchera à venger son père Vlad II (membre de l'ordre du dragon d'où son surnom Vlad Dracul (2)) et son frère ainé Mircea II le jeune, assassinés sur ordre de Jean Hunyade (Iancu de Hunedoara) avec  la complicité des boyards de Transylvanie, des commerçants des villes saxonnes de Sibiu et de Brasov. 

Les Saxons de Transylvanie, ennemis du voïvode, le présentent dans les contes allemands (1488), abondamment illustrés de gravures, comme un cannibale buveur de sang, prenant ses repas au beau milieu d’une forêt de pals où agonisent ses ennemis...d'où son doux surnom d'empaleur et sa réputation désastreuse, bien que n'ayant jamais hésité à châtier avec la plus grande fermeté ses opposants, ses ennemis ottomans (la "forêt des 20000 pals" décrite par Victor Hugo a-t-elle jamais réellement existé?)
En outre, le surnom d'empaleur ne semble apparaître que très tardivement, en 1550, dans une chronique valaque... 

De nombreux épisodes de la vie de ce seigneur ont été portés à la connaissance du grand public cultivé.

Moins connu est ce rapprochement des "attitudes politiques" du Valaque avec celles du roi de France Louis XI :
 Florin Constantiniu (1933-2012) établit un parallèle entre Vlad III et Louis XI roi de France de 1461 à 1483, contemporain du voïvode de Valachie : "L'un et l'autre ont du tenir tête -évidemment dans des conditions différentes- à l'anarchie féodale ; l'un et l'autre ont poursuivi la consolidation du pouvoir central ; l'un et l'autre ont eu recours -afin d'atteindre leur objectif- à des moyens qui ont frappé la sensibilité et l'imagination des contemporains : Louis XI est devenu 'l'araignée' qui tisse sa toile afin d'y attraper ses victimes, Vlad est devenu le sanglant empaleur". (in Bulei I., 2013, "Brève histoire de la Roumanie, Ed. Meronia, p. 55)


"



Le portrait du voivode exposé à Bucarest lors d'une exposition en 2010.  Le portrait fort connu du prince valaque est conservé depuis 400 ans à Vienne au musée du Château d'Ambras (Autriche)


Louis XI revêtant l'ordre de Saint-Michel, plus précisément « Ordre et aimable compagnie de monsieur saint Michel » (3) sur un portrait anonyme du XVe siècle. L'ordre est créé par Louis XI pour s'assurer de la fidélité d'une poignée de chevaliers, à un moment où comme nous l'avons déjà évoqué, le roi n'accorde plus sa confiance à ces seigneurs vassaux, ces féodaux qui menacent son autorité, sa légitimité de souverain. Louis eut à lutter contre une coalition de princes (la Ligue du Bien Public) et notamment les Bourguignons et Charles le Téméraire défiant le pouvoir royal.  Quand il succède à son père Charles VII en 1461, il est à la tête d'un royaume en ruine, dévasté et amputé par les conquêtes des Bourguignons et les Anglais lors de la guerre de Cent ans. A sa mort, en 1483, il a, notamment, récupéré le duché et le comté de Bourgogne, la Picardie, la Cerdagne et  le Roussillon. 
Louis XI fait embastiller les intrigants et installe une "chambre de la question" dans la prison royale (la Bastille, donc). L'évêque de Verdun, par exemple, fera l'expérience de l'emprisonnement dans une de ces"cages de fer" (ou en bois?) suspendues et souvent nommées "fillettes". Mais si ces cages ont réellement existé, les "fillettes" n'auraient jamais été que le nom donné à de "simples" chaînes en fer munies d'un boulet immobilisant le prisonnier... Néanmoins, il est certain que Louis XI n'a jamais été plus violent ou cruel que la moyenne des rois. "L'universelle araigne" a surtout retissé la toile royale grâce à la ruse et une certaine diplomatie pour réorganiser l’État royal et redonner une cohésion à cette France affaiblie qu'il avait trouvée en montant sur le trône.


 Vlad III lui aussi sut s’entourer de fidèles pour empêcher toute contestation de son pouvoir mais semble, contrairement à Louis XI, n'avoir jamais hésité à utiliser la manière forte (et il l'a même privilégiée) pour assoir son voïvodat, en réprimant dans la violence toute rébellion sur ses terres.  Écarté du pouvoir à plusieurs reprises, après avoir été prince de Valachie en 1448 puis de 1456 à 1462, il revient une dernière fois sur le trône de Valachie en 1476 ou 1477 grâce au soutien de son cousin Etienne le Grand (Stefan cel Mare), avant de mourir dans d'"étranges" conditions, trahi une fois de plus...

Voir "La Roumanie : mythes et identités" ici par exemple : http://www.priceminister.com/offer/buy/152933464/la-roumanie-mythes-et-identites-de-jean-michel-lemonnier.html pour, notamment, une enquête approfondie sur les liens entre Dracula le Valaque (le personnage historique) et Dracula l'Anglais (le personnage de fiction) créature issue de l'imagination  de la française Marie Nivet bien plus que de celle de Bram Stocker (qui serait donc un plagiaire?), selon Matei Cazacu, et qui introduit un sujet plus vaste : celui la conception de l'au-delà, de la vie après mort chez les Roumains, la croyance en des êtres ni-morts ni-vivants (strigoi vii, strigoi morti ) et la résurrection des morts... Dans ce livre, sans outre mesure, un autre parallèle est fait entre le Conducător communiste Ceaușescu et Vlad III...

(1) Prince, souverain d'une principauté ou officier de rang princier (voievod en langue roumaine)
(2) Drac= diable en roumain, dracul= le diable, draco= dragon en latin, et drákôn. en grec
(3) Ordre dont le siège se situait dans l'abbaye du Mont-Saint-Michel 





 

vendredi 16 août 2013

Musique metal et satanisme. Un mouvement culturel entre ténèbres et lumières

http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-musique-metal-satanisme.html

 Disponible chez l'éditeur, les plateformes de ventes en ligne (Amazon, Fnac, Decitre, Gibert Joseph, Chapitre, Eyrolles, Furet du nord, CDdiscount,lalibrairie.com, librest, etc.) et chez tous les libraires.

Après avoir retracé, de manière critique, l'histoire des différentes philosophies satanistes et païennes, puis des différents courants du metal depuis les années 1970 (de l'Europe occidentale à l'Algérie en passant par les États-Unis et la Russie), l'auteur remet en cause le discours des médias de masse et d'enquêteurs qui, à travers de véritables procès en sorcellerie, s'acharnent à discréditer toute une scène musicale incroyablement vaste et diversifiée.
Pourtant, c'est une révolte contre le monde moderne, parfois maladroite mais souvent sincère qui guide le parcours de nombreux musiciens qu'ils soient satanistes, néo-païens, chrétiens ou anarchisants. En s'appropriant tout un imaginaire issu de la littérature, de l'histoire européenne et mondiale, des religions mais aussi en empruntant certains codes de la musique savante, le metal défie la postmodernité, ses non-lieux et ses non-sens, et permet à l'auditeur de la transcender en renouant avec le Grand Temps du mythe mais aussi avec le lieu anthropologique.
Face au rap capitaliste qui génère de la fausse subversion, le metal devient, pour qui veut bien en saisir certaines dimensions, un mouvement de résistance face à la vulgarité du monde, à la raison marchande. Ainsi, le metal s'affirme-t-il à coups de riffs de guitare lourde ou de solos virtuoses comme une subtile pièce tour à tour sombre et blasphématoire, lumineuse et christique, dramatique ou plus légère... entre ténèbres et lumières.

Les mutations socio-spatiales dans un village de Transylvanie méridionale, face à la perennité des traditions: conflits ou adaptations? (Publication scientifique avec comité de lecture)




Translated Title: Socio-Spatial Mutations in a South Transylvanian Village Facing the Perenity of Traditions: Conflicts or Adjustments?
Author Name: LEMONNIER, JEAN-MICHEL;
Language: French
Subject: History of Culture
Publication: Annales Universitatis Apulensis. Series Philologica (Annals of "1 Decembrie 1918" University of Alba Iulia - Philology)
Issue: 13/2/2012
Page Range: 279-296
File size: 204 KB
Download Fee: 2.5 Euro (€)
Summary: Through the significant example of a village called Cărpiniş,
located in the Southern Carpathians, this article aims to show the existence of a
social , spatial and cultural opposition in search of a complementary way to
organize the space linked to a “traditional mentality” or that could be
considered as such, and facilities at odds with this vision, according to the
views of the “farmer villager”. A “farmer villager” who sees himself as a
“native” in comparison with the others that is to say the “foreigners”. We
emphasize the concept of a“hybrid village” to describe the changes that have
been taking place in this village of the Transylvanian countryside for decades.
We are going to argue that these social and spacial upheavals are related to the
emergence of new lifestyles, new ways of grasping space and time. Our work is
necessarily part of a multiscalar logic. Once the issues of our study described,
we will present the situation of the village of Cărpiniş part of the Romanian
space. Then we will focus on the rather singular socio-spatial setting, of this
village compared to other Romanian villages: a village held between the
“checkerboard” and the “village street”. So it is, may be through a “green
space” community, named “Poiana”, a unifying axis of socio-spatial practices
of the village, that lies the originality of this village “in the shadow of the
southern Carpathians”. We will see through the questioning of this community
nature of 'Poiana' by liberal land policy, and in fact by the arrival of new
residents in door-to-fake, in most cases with the “values” of this rural area,
that it’s a great part of the “closed" village solidarity which tends to disappear
gradually. We will have previously issued a definition of what is a “village” in
Romania, then by changing our scaling analysis we will focus on a different
spatial and social unit called “gospodarie” or “Maisnie”. Then we will look
into the way the older villagers designed their house. A design related as much
to economic imperatives as to a fulfillment of a “cosmic order” linked to a
“primordial tradition”. Before, it seems of the utmost importance to mention
the life of a “farmer-villager” of Transylvania from 1945 to 2012. The analysis
of the career of this native and his fellows shows what seems to us to be a
struggle to preserve his identity and a particular conception of time and spacethat we will qualify as “mythical and traditional”. This relationship to the
world of the “farmer villager” is in opposition to postmodernity which forces
quickly and rather radically a new socio-spatial and moral order to the
Transylvanian village. Nevertheless, we will see that in many respects, the
village retains some “mythical, "transhistorical"aspects”, We will therefore
insist on the fact that these changes are not only “material”, but also
symbolical. It is the mental space of the farmer villager which is upset here, and
brings about the formation of an
Keywords: Transylvanian village; socio-spatial changes; Romanian
rural area; post-modernity; tradition

  Lien : http://www.ceeol.com/aspx/issuedetails.aspx?issueid=0283a78e-baa2-4b7d-ab18-7e2a05edf483&articleId=8d33d22f-2417-4868-a470-cafc290ec242

jeudi 15 novembre 2012

Fausses subversions pour vrais bourgeois

"J'appelle bourgeois quiconque pense bassement..." Gustave Flaubert

Les opérations porno-punk du genre de celles des « pussy riot » financées par des officines « occidentales » spécialisées dans des tentatives de déstabilisation de certains régimes « par le spectacle ». (voir notre article notamment, http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/de-l-ideologie-dominante-de-la-121969 ne sont pas là pour « choquer le bourgeois ». Nous sommes dans ce contexte en Russie, dans un pays où le christianisme orthodoxe est encore très populaire comme dans de nombreux pays nommés autrefois « démocraties populaires » : Roumanie, Bulgarie, Serbie…
En effet, le bourgeois russe occidentalisé soutient généralement ce genre de manipulations grossières, justement parce qu’il a intégré tous les codes de ce nouvel ordre « vulgaire » : pornographie, chaînes cablées/satellitaires, sport-spectacle, chansons de variétés anglo-saxonnes (Lady Gaga, nouvelles ringardes à la Madonna, etc.), art contemporain (ce nouvel académisme), soumission pleine et entière au « profane » et détestation du « sacré ».
Considérer que les « performances » de ces « Pussy riot » sont là pour « indigner le bourgeois », c’est donc ne rien entendre à la situation de l’Eglise orthodoxe russe et n’avoir, de fait, aucune connaissance de l’origine sociale des chrétiens pratiquants, pour la plupart issus du « petit peuple » russe. Non, elles sont favorisées pour imposer un « nouvel ordre moral ». Or donc, contrairement à ce que certains ânonnent, le bourgeois dominant « mondialisé » fait systématiquement l’apologie de toutes les transgressions ou du si peu qu’il reste à transgresser dans nos « sociétés occidentales ».

En France, ce sont Charlie Hebdo, Canal + (qui se voulait à l’origine un « Hara Kiri » version télévisée…), les « animateurs radios jeunes » et leurs 70 mots de vocabulaire, les jeux télévisés, les rappeurs takfiro-capitalistes (dont un Besancenot et un des des fils Sarkozy sont visiblement « fans ») ou les « écrivains » à la Virginie Despentes par exemple, qui sont en charge de maintenir « l’ordre transgressif » et la bonne humeur, de « verrouiller le système » pour que n’émergent plus de réels subversifs qui donneraient un peu à penser...
D’ailleurs, toute personne invitée sur un de ces plateaux télévisés infâmes -où se côtoient dans le même temps le politique, l’écrivain, le comique, la star du porno- et qu’on soupçonne de faire preuve d’un peu d’intelligence (même de loin) sera systématiquement raillée par l’imbécile de service.
Or donc, un fait avéré est que les dénonciations des prises de positions de l’Eglise catholique romaine sur le mariage homosexuel http://www.charliehebdo.fr/images/couv2012/CH1064-01.jpg ou bien les blagues scato-porno-bobo canalplusiennes ou encore les pièces de Castellucci (« Sur le concept du visage du fils de Dieu» http://www.revuejeu.org/sites/default/files/imagecache/grande/images/4_sur_le_concept_du_visage_du_fils_de_dieu_cr_klaus_lefebvre_4441.jpg ) ne choquent plus personne ou presque (à part peut-être un Philippe Laguérie ou l’abbé Pagès ; laissant de marbre les curés de gauche… ). Ces « farces » sont aujourd’hui totalement consensuelles. Elles reflètent, désormais, simplement leur époque et sa vulgarité si répandue. Elles sont partie de la « doxa ».
La gaudriole, le « blasphème » semblent, d’ailleurs, de plus en plus lasser un certain public, toutes classes confondues… la « subversion » étant partout, celle-ci n’émeut plus une bonne part d’Occidentaux, parce que justement parfaitement conditionnés, accoutumés. De la lutte anti-cléricale de retard des gauchistes de Charlie Hebdo aux pièces scatophiles « blasphématoires » de Castellucci, rien de bien neuf. La même rengaine depuis plus de 100 ans en France, a fortiori depuis 40 ans. Servilité totale, sans retenue de ces « amuseurs » face au Système.
Sans doute, faudrait-il peut-être expliquer à ces personnes, s’ils leur arrivent de réfléchir et d’être en mesure de se remettre en cause (mais nous croyons faire preuve de trop d’optimisme) que les églises aujourd’hui en France sont vides, qu’une bonne part des citoyens français de moins de 40 ans n’ont jamais croisé un prêtre de leur vie et n’ont même pas idée de ce qu’est une religion organisée...
Il est un fait : les « libéraux-libertaires » ont gagné le combat culturel depuis environ 40 années. Si à l’origine, cet élan libertaire a pu apporter un peu de fraîcheur, d’insolence, d’irrévérence dans une société encore très marquée par un certain ordre conservateur, politiquement aussi bien défendu par un De Gaulle que par le Parti Communiste Français (i.e. le bipartisme issu du Conseil National de la Résistance), force est de constater, quatre décennies plus tard, que cette « libération des mœurs » n’était en réalité que le cache-sexe, le cheval de Troie d’un néo-capitalisme basé sur le désir, la séduction : un néo-fascisme, soit la collusion du libéral et du libertaire… Michel Clouscard l’avait compris dès 1968.

Il ne suffit plus de vouloir « bouffer du curé » pour prétendre bousculer l’ordre établi. Le travail est fait depuis des décennies. Les caricaturistes ou « humoristes » à la Charlie ou Canal Plus ne sont, plus aujourd’hui, que des relais d’une idéologie dominante, des valets aux ordres d’un pouvoir global qui demande une soumission, par la « séduction » (la publicité en est un des moyens) à ce néo-totalitarisme dont le « spectacle » (sens restreint) en est une des composantes. Un totalitarisme d’un genre nouveau qui impose la consommation transgressive (i-phone, écrans plats, pornographie, sport-télévisé, jeux vidéo, etc.), l’obligation d’hilarité devant des « comiques » à l’humour convenu, voire la fréquentation des « boîtes à partouzes » ou des « apéros Facebook »…

Ces « individus atomisés » –il n’est plus question de communauté nationale en France- que les médias dominants nous présentent comme « anticonformistes » sont pourtant doués d’un instinct grégaire fort dévéloppé. Apologistes de tout ce qu’ils prennent pour de la transgression. Qu’ils soient amateurs de pornographie gonzo ou qu’ils se passionnent pour la chanson française néo-réaliste des rebelles des beaux quartiers (Saez, Cali…), ils ne sont en réalité que de purs conformistes, des névrosés, soumis à ce « capitalisme de la séduction », autoritaire, totalitaire avec son obligation de jouissance (voir, par exemple, les récurrents articles sur les « clitoridiennes » dans la « presse » féminine-féministe).
Revenons sur un événement s’étant déroulé lors de l’une des représentations de la pièce de Castellucci « Sur le concept du visage de Dieu », très symptomatique de l’expression souvent autoritaire de ce « régime libéral-libertaire »… Nous avons alors vu des chrétiens catholiques romains être évacués par des policiers… « L’ordre libertaire » s’est révèlé « sécuritaire », botté et casqué.
C’est sous les applaudissements d’un public bourgeois (politiquement indifférencié/indifférenciable) que les quelques perturbateurs ont été sortis du théâtre pour que cette nouvelle aristocratie d’argent post-soixanthuitarde puisse continuer à déféquer sans être dérangée par ces « furieux réactionnaires », empêchant le spectacle libéral-libertaire de tourner en rond.
Le corollaire à cette mise en scène globale, c’est évidemment la « mauvaise éducation » qui devient une norme ; c’est le « citoyen » (terme aujourd’hui cuisiné à toutes les sauces) qui se sent obligé de se comporter « comme un con » (disparition des « civilités » élémentaires, langage relâché, cynisme, vulgarité et inculture revendiquées) pour coller à un air du temps et ne pas passer pour un « faible », un « soumis », c’est à dire simplement un être possédant des « qualités morales » (attention fascisme !!!), aux yeux du troupeau bêlant : « il est interdit d’interdire »…
Du fameux slogan affirmant que « le prof est une salope » https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjFqemiJGSI337dBgKlNh4SBf114X2pGkmWqfs9LtFLlzS6XJEepHAU-OMU8xXhJm-E10-EhaaeG9i5YpAV60K2dCxcYjGTs-O8kzuXH2sADXJptKvKHQRTkBu2QpSJ7n3i5NStr5vK1Ns/s1600/graffiti68_05.jpg
des gosses sorbonnards de la bourgeoisie de gauche en 1968 au « casse toi pauv’ con » d’un Président français « de droite » ce sont, en quelques décennies, toutes les valeurs de ce peuple de France qui ont été piétinées par ce rouleau compresseur de la bêtise libérale-gaucharde, du spontanéisme « facebookien », du « c’est mon choix », du « calcul » souvent, mais surtout de l’arrogance et de la suffisance d’une poignée d’inquisiteurs ayant imposé un nouvel ordre (a-)moral, dénué d’un minimum de finesse, mais incroyablement efficace dans sa capacité à coloniser les esprits…

Du mépris des enfants mal-élevés de la bourgeoisie dominante à l’égard des petites gens n’appartenant pas à leur caste, à la violence (considérée comme « légitime » par les trotsko-libéraux) des sous-prolétaires (aspirants-bourgeois) des « cités », c’est l’injonction de manquement au minimum de règles qui régissent le fonctionnement « normal » (attention contestation du relativisme !!!) d’une société qui est valorisée, donnée en exemple à des individus aujourd’hui isolés, obligés de s’adapter à ces codes de conduite sous peine d’être marginalisés socialement, voire professionnellement… « Tu seras un con, mon fils ! »
…Une absence de valeurs (permettant de « faire société ») ou plutôt la promotion de « non-valeurs » cautionnée et favorisée par les « libéraux-libertaires » (et leurs émules), pseudo-révolutionnaires alliés objectifs de la droite économique/patronale, dont l'unique but en 68 (le « mai ouvrier » n’avait rien à voir avec cela) était de « normaliser la baise », de « jouir sans entraves »…
…la bite à gauche, le portefeuille bien à droite... une norme absolue, indépassable (?) désormais…
Au passage rappelons, que ce sont, d’ailleurs, ces ex-anarcho-trotsko-maoistes devenus néo-cons' qui soutiennent aujourd’hui, les chrétiens évangéliques américains dans leurs « guerres contre la Terreur »…tout comme ils furent des acteurs décisifs dans la décision du gouvernement français d’intervenir militairement en Serbie en 1999 …

De nos jours, une simple critique de ces états de fait tels qu’exposés dans cet article vaudra à son auteur une généreuse volée de bois vert… Lecteurs, que l’insulte soit généreuse !
Le Roumain Constantin Toiu, décédé récemment, écrivait dans son excellent roman « l’exclu » que l’Homme est doté d’une colonne vertébrale qui lui permet de rester droit, debout mais aussi…fier…et seul s’il le faut, quand tous les autres se sont soumis à la dictature du « on », à la « pensée dominante » (ou pensée unique), forcément molle et paresseuse… Mais à quel prix l’ « être-là », i.e. chacun de nous (pour reprendre Heidegger) peut-il conserver son authenticité par rapport au groupe, s’extraire de cette tyrannie sans tyran, de ce « on », c’est à dire cette collectivité indistincte ?

  par Jean-Michel Lemonnier

lundi 8 octobre 2012

Serbie, 1999 : de la dislocation de la Yougoslavie au projet de « Grand Moyen-Orient » (deuxième partie)


Dans un premier temps, nous revenons sur les événements de la période 1999-2008, puis nous mettons ensuite en exergue les points communs qui existent à la fois entre la logique des « guerres humanitaires » des années 1990, celle des « guerres contre la terreur » menées depuis 2001 par les différentes administrations américaines et le « printemps arabe ».

Avons-nous besoin de faire ce détour (ou retour c’est au choix) historique sur la légitimité (au regard de l’histoire) des Serbes sur l’espace kosovar ? Nécessairement. L'idée d'un Kosovo, cœur historique, spirituel de la Serbie est loin de se justifier à des seules fins de propagande anti-Albanaise.
Nous dirons, simplement, que l’immense majorité des toponymes du territoire kosovar (98%) sont d’origine serbe. De cette géographie (une toponymie qui a du mal à mentir), aux faits historiques vérifiables par les écrits d’historiens byzantins qui remontent au IXe siècle affirmant l’autochtonie du peuple serbe dans cette région… de la bataille du Champ des Merles en 1389 qui marque le début de la domination ottomane (et son illégitimité de fait) dans les Balkans à la création ex-nihilo d’un État kosovar fantoche en l’an 2008, dont le territoire est recouvert d’églises, de monastères chrétiens orthodoxes, la légitimité du peuple serbe sur ces terres de Kosovo-et-métochie n’est même plus à prouver. « Aucun des peuples chrétiens n’a eu dans son histoire ce que les Serbes ont au Kosovo » déclarait l’évêque de Prizren au début des années 1990. Pec située au Kosovo pouvant être considérée comme « la Jérusalem serbe » est depuis 1346 le siège du Patriarcat de l’Eglise orthodoxe de Serbie.
La déclaration de Barack Obama, au début de son mandat, qui promettait, le soutien des Etats-Unis à un Kosovo « multiethnique, indépendant et démocratique » apparaît à la lumière des faits comme réellement grotesque, toute emprunte de cette arrogance étasunienne...
 
Les Albanais sont majoritaires au Kosovo ; ils l’étaient déjà depuis des décennies, contrairement ce que certains media ont pu déclarer au moment de l’agression anti-Serbes. L'histoire de ce territoire, depuis son occupation par les Turcomans, à partir du XVème siècle, est intimement liée à une volonté des différents régimes d'occupation, avec l'appui des populations albanaises locales, sinon d'éradiquer toute présence Serbe, au moins de la « contenir ». Les « ratonnades » anti-Serbes se perpétuent, par ailleurs, sous le régime Titiste. Tito le leader yougoslave a ,en effet, favorisé les migrations de populations venues de l’Albanie voisine du Kosovo. Par ailleurs, cette mise en minorité progressive des Serbes au Kossovo a été aussi largement favorisée par les crimes de masses des milices SS albano-kosovares de sinistre mémoire, formées par les Nazis en 1944 à Pristina (21e Waffen-Gebirgs-Division der SS Skanderbeg). Ces SS albanais tuèrent 10 000 Serbes, en expulsèrent 100 000 autres et les « remplacèrent » par 75 000 Albanais. Les dynamiques de peuplement du Kosovo ont donc fortement évolué en faveur des Albanais au XXe siècle. Il faut ajouter à ces faits, le taux de natalité élevé chez ces populations albanaises et enfin la fuite des Serbes après 1999, puis suite aux pogroms de 2004 qui ont fait des Serbes une minorité ethnique (menacée de disparition totale) dans une large partie du Kosovo. En mars 2004 sous l’œil impassible de la KFOR et de la MINUK, des nationalistes albanais assassinent plusieurs dizaines de Serbes, font environ 600 blessés. 30 églises et monastères sont brûlées, des villages incendiés ; des événements qui ont forcé, une nouvelle fois, depuis 1999, des milliers de serbes à fuir le Kosovo-et-Metochie.
Au vrai, depuis 1999, les Kosovars albanophones (dialecte guègue), musulmans « modérés » (sunnites) pour la plupart mènent une politique sur la « question ethnique » qui fait figure de réponse analogue à celle de la Serbie des années Milosevic, déclenchée suite aux bombardements de l'OTAN. Une grande part des 200000 Serbes (mais aussi des populations Rroms) qui résidaient au Kosovo ont été contraints à se réfugier en Serbie. Incendies, destructions de monastères chrétiens orthodoxes, intimidations et exécutions sommaires sont à mettre sur le compte des membres des milices albanaises.Les Etatsuniens, de par leur « ingérence » en Serbie/Kosovo, ont donc, dans le même temps, favorisé les persécutions envers les Serbes et d’autres minorités ethniques présentes sur le territoire Kosovar, et les revendications pan-albanaises soutenues par la Turquie « néo-ottomane ».
 
Il reste que le nord de cette ancienne province serbe échappe, cependant, encore aujourd’hui au contrôle du gouvernement kosovar. Les Serbes majoritaires sur cet espace-nord demandent leur rattachement à la Serbie, Belgrade refusant toujours de reconnaître ce nouvel Etat « protectorat américain ».
In fine, depuis, les bombardements de 1999, à Pec, siège du Patriarcat de l’Eglise orthodoxe serbe il n’y a plus de Serbes… En 13 ans, 150 lieux de culte chrétiens orthodoxes ont été profanés, saccagés ou ou totalement détruits selon l’agence de presse russe Ria Novosti. En outre, 350 000 chrétiens orthodoxes étaient présents au Kosovo jusuq’à la fin des années 1990. Seuls 100 000 chrétiens orthodoxes sont toujours présents au Kosovo « la Jérusalem serbe ». A Pristina, capitale du nouvel État Kosovar il reste quelques dizaines de Serbes… Une ville qui en comptait 40000 en 1999…
Il faut, évidemment, insister sur le fait que des Serbes ont été enlevés durant la période 1998-1999 dans le cadre d’un trafic d’organes organisé par les mafieux albano-kosovars. 2000 Serbes du Kosovo sont toujours portés disparus. Des disparitions avec lesquelles nous pouvons, raisonnablement, faire le lien avec l’économie mafieuse de cette ancienne province serbe. Nous pouvons nous poser effectivement la question de la viabilité, mais surtout de la nature, de l’ économie ce nouvel Etat, dont le revenu par habitant est proche de celui d'un pays comme l'Ethiopie, dont les infrastructures ont été détruites lors de la « guerre de libération » de 1999 et dont 45% de la population active est au chômage et...qui fait transiter de l'héroïne selon un axe Afghanistan-Turquie-Albanie-Kososo ; une économie de la drogue alimentant à hauteur de 70% les trafiquants d'Europe de l'Ouest...
L’Etat dont l’existence légale a été reconnue, à ce jour, par uniquement 91 pays membres de l’ONU sur les 193 que compte l’organisation. Le premier pays à avoir reconnu cet Etat est...l'Afghanistan. Au sein de l’Union européenne, 5 Etats refusent toujours d’établir des relations diplomatiques avec ce pays. La Roumanie, par exemple, s’oppose à sa reconnaissance, assurément du fait de la présence d’une minorité hongroise transylvaine (Sicules, Magyars), et de ses vélléités autonomistes-séparatistes, galvanisée d’ailleurs depuis des mois par les appels incantatoires ethno-nationalistes pantouraniens de Victor Orban (prêt à délivrer des passeports hongrois comme des prospectus aux minorités magyares de Roumanie et Slovaquie) (1)
Du fait de l’absence d’une majorité suffisante reconnaissant cet État comme légitime, le Kosovo n’est reconnu ni par l’ONU ni par l’Union européenne.
De la dislocation de Yougoslavie à la reconfiguration territoriale d’un « Grand Moyen Orient » sur des des bases ethno-religieuses : la même logique au final...
La République fédérale de Yougoslavie n’a à aucun moment menacé un Etat membre de l’OTAN. Pourquoi alors l’OTAN décide-t-elle d’intervenir contre la République Fédérale de Yougoslavie de Slobodan Milosevic ?
L’objectif géopolitique des Etats-Unis dans ce conflit est de profiter de l’affaiblissement évidente de la Russie de Boris Eltsine, dans ces années 90, en l’empêchant de conserver (ou renouer) avec sa zone d’influence traditionnelle. La question de la domination du « Heartland », i.e. le centre du monde (l’Eurasie), et du « Rimland » sont centrales dans les motivations américaines à intervenir militairement dans de nombreuses régions du monde (Spykman, Mackinder). La politique étrangère étatsunienne se réfère, effectivement, à cette phrase de Mackinder « Celui qui domine l’Europe de l’Est commande le Heartland. Celui qui domine le Heartland commande l’Ile-Monde. Celui qui domine l’Ile-Monde commande le Monde ». Nous savons désormais, tout à fait clairement, que la stratégie d’encerclement de la Russie, dont l’OTAN est un des moyens, mais pas le seul (nombre d’officines spécialisées sont des moyens de déstabilisation de régimes est-européens, sans avoir recours à la force armée) passe entre autres par la destruction de la Fédération yougoslave, dans ces années 1990.
La conquête et la soumission du Kossovo fut donc un moyen pour les Etats-Unis de s’étendre vers l’Est. L’indépendance (disons la mise sous tutelle par les Américains) du Kosovo avait essentiellement pour but de s’installer dans les Balkans et donc d’étendre une zone influence sur un espace laissé vacant par des Russes.
Le soutien aux séparatistes kosovars et la construction camp américain de Bondsteel (7000 hommes) au Kossovo, qui s’étend sur plus de 55O hectares, a permis le déplacement de troupes américaines sur l’espace balkanique pour se rapprocher du Moyen-Orient. Bondsteel est une des deux plus grandes bases militaires américaines situées en dehors du territoire des Etats-Unis d’Amérique. En Bosnie-Herzégovine une autre base similaire (Tuzla) a été créée en 1995. Nous retrouvons, par ailleurs, dans les anciennes « démocraties populaires » cette même implantation de bases militaires. Leur installation démontre bien, s’il était encore nécessaire, la désastreuse soumission des gouvernements des Etats post-communistes d’Europe de l’Est à la politique étrangère étatsunienne. Cette vassalisation de pays comme la Roumanie ou la Bulgarie a été d’autant plus facile que, pour une bonne part des opinions publiques est-européennes, les Etats-Unis sont apparus dans les années 1980 comme les « grands libérateurs » des peuples soumis aux régimes autoritaires des Ceausescu et autres Jivkov.
Le camp Bondsteel (premier employeur du Kosovo !) a servi, sert et servira, de base arrière (ou avancée c'est au choix) pour les opérations de « guerres de terreur » de l’Armée étatsunienne et de ses alliés en Afghanistan, Irak, Syrie, Iran… ou dans le Caucase ou « Balkans caucasiens », le « ventre mou » de la Russie selon l’expression du trop célèbre Zbigniew Brzeziński (3), politologue américain, qui dans son livre « Le Grand Échiquier » (1997) prône le soutien de l’administration américaine aux moudjahidines, par pure pragmatisme, contre quiconque menacerait l’hégémonie américaine. Si l’Islam radical est depuis 2001, un ennemi, un adversaire militaire, il reste un allié politique pour l’Administration américaine, un moyen de déstabiliser des États réfractaires à l’hégémonie anglo-américaine.
Au passage, signalons la « naïveté » (ou le cynisme, toujours la même interrogation) de certains universitaires et leurs amis politiques (Cohn-Bendit par exemple) ayant vu dans l’intervention euro-américaine de 1999, une défense d’un islam autochtone qui aurait été victime de la « barbarie nationaliste » chrétienne orthodoxe serbe. Les mêmes qui, aujourd’hui, applaudissent à la destruction des États arabes laïcs…

En outre, il existe d’autres raisons, quant à cette intervention militaire contre la Serbie en 1999 et à la création de l’Etat kosovar.
L’une d’elles tient à la question énergétique. Si le pétrole est absent du sous-sol du Kosovo, le projet AMBO (Albanian Macedonian Bulgarian Oil) de pipeline associant Albanais, Bulgares, Macédoniens et Etasuniens, transportant du pétrole de la mer Caspienne à l’Adriatique, devait conduire à écarter les Serbes (donc les Russes) de cette partie de l’espace balkanique. Ajoutons que si le Kosovo n’a pas de pétrole, ses ressources minérales (lignite, or, argent, etc.) sont conséquentes…
Or donc, nous voyons désormais, assez facilement, le lien existant entre cette « ingérence balkanique » des années 90 et la liquidation systématique des gouvernements des États du « Grand Moyen-Orient », couvrant ce vaste espace de la Tunisie à l’Asie centrale. Nous évoquions -de manière très elliptique- en conclusion d’un précédent article cette stratégie américaine du « Nation Building », celle-là même qui sous-tend les bouleversements géopolitiques liés à ce « printemps arabe » devant mener à l’émergence d’un nouveau « Grand Moyen-Orient », c'est-à-dire, en réalité, à une reconfiguration de cet espace amenant à la création d’entités territoriales sur des bases ethno-religieuses… pour le plus grand plaisir de l’ami israélien. Nous laissons au lecteur le soin de prendre le temps de bien analyser la carte, s’il ne la connaît pas encore, au regard des événements actuels se déroulant de la Tunisie à l’Asie centrale, en passant par les « fameux » « Balkans caucasiens » de Brzeziński. http://lejournaldusiecle.files.wordpress.com/2012/08/project-for-the-new-middle-east.jpg?w=600&h=430 (Carte sous Copyright 2006 du Lieutenant-colonel Ralph Peters).
De la destruction de la Yougoslavie sous prétextes humanitaires à ces guerres d’agressions (Guerres contre la Terreur) de l’Irak à la Libye, ayant abouti à la disparition de ces Etat laïcs, socialistes et nationalistes qui avaient réussi à contenir les fondamentalismes religieux, l’impérialisme anglo-américain a favorisé la montée en puissance d’islamistes dans les Etats pré-cités. Hier, la partition de la Yougoslavie, celle aujourd'hui en cours de la Libye et de l'Irak et de d'autres États encore permettront la prise de contrôle définitive de l'Heartland et du Rimland...donc du monde.
Nous retrouvons cette même logique du « diviser pour mieux régner ». Qu’un terrorisme de basse intensité, des conflits larvés, des assassinats, des destructions de lieux de cultes persistent sur ces territoires violés (volés) après le passage de la monstrueuse machine de guerre anglo-américaine n’empêchent pas de « faire des affaires » ou de s’approprier les ressources du sous-sol, par exemple. Au contraire ces phénomènes participent à empêcher la réalisation du cauchemar américain : l’avènement d’un monde multipolaire…
 
Mais des puissances comme la Russie ou la Chine se contenteront-elles de regarder encore longtemps la mise en place progressive de ce nouvel ordre global unipolaire ? La réponse est évidemment : non... Très fermes sur le « dossier syrien » et menaçantes envers les États-Unis et leurs alliés en cas d'intervention militaire contre le régime Assad, le rêve d'hégémonie globale étasunien est loin d'être concrétisé...

(1) Orban appelant ces « Hongrois de l’extérieur » (les Magyars, peuple « semi-asiatique », descendants des Huns (sic)), à rejoindre la mère patrie en revisitant au passage l’Histoire récente par la remise en cause de la légitimité du Traité de Trianon (1920), ayant permis à la Roumanie de récupérer cette Transylvanie qui lui revenait pour des raisons historiques évidentes...
(2) « OTPOR » soutenue par la CIA présente en Serbie, également derrière l’opération « Pussy Riot » est un de ces nombreux vecteurs de déstabilisation. Voir un de nos articles précédents : "De l'idéologie dominaante..."
(3) Brzeziński inventeur du concept de « tittytainment ».

par Jean-Michel Lemonnier
http://jean-michellemonnier.blog.fr/2012/06/11/serbie-1999-de-la-dislocation-de-la-yougoslavie-au-projet-de-grand-moyen-orient-deuxieme-partie-16306000/