: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes

mercredi 29 janvier 2014

Point de vue des marxistes orthodoxes sur un ensemble de questions sociétales

Etincelles, revue théorique du PRCF (Pôle de Renaissance Communiste en France), numéro 25- Mai 2013
Le point de vue du PRCF (pas du Parti Communiste Français) sur les évolutions/réformes sociétales souhaitées ou/et imposées par le gouvernement social-démocrate actuel (p. 19 à 34). 

Signalons d'abord que le PRCF, marxiste-orthodoxe dit oui au mariage civil (s'il est souhaité bien sûr/ critique implicite de l'intitulé maladroit "mariage pour tous") entre époux ou épouses avec les mêmes droits que les couples hétérosexuels. Oui à l'adoption par TOUS  les couples et...  Non à l'homophobie, évidemment. 
Et tout cela sur la base de "Marx, sans s'intéresser à 'la question homosexuelle' semble dire que" ou "Lénine écrit... concernant l'amour libre"...et en mentionnant le "Deuxième sexe" jugé "globalement émancipateur" (on se demande, cependant, émancipateur pour qui...Pour la bourgeoise bisexuelle rentière oisive certainement, beaucoup moins pour la femme ouvrière ou employée à bas salaire et hétérosexuelle par exemple).
On pourrait prendre cela pour un discours de "gauche normale" pour laquelle les références théoriques/idéologiques ne sont, cependant, pas à chercher du côté de chez Marx, ni chez Lénine, ou alors de manière tout à fait résiduelle. 

Mais, le PRCF refuse le confusionnisme sur un ensemble de problématiques sociétales ce qui le différencie assez nettement des autres partis de gauche ou considérés comme tels. Etre sceptique vis-à-vis de certaines innovations sociétales ne signifie pas faire le jeu de ce ce que ces marxistes appellent la "réaction". Autrement dit, on peut soupçonner (à défaut d'être certains) que certaines mesures présentées comme "progressistes" ne sont que les chevaux de Troie du capitalisme ou qu'elles n'ont pas à être acceptées comme telles parce que simplement présentées (sans "preuves" à et en l'absence d'un débat de fond) comme un "incontestable progrès". Le PRCF refuse donc le "chantage à la réaction" des sociaux-démocrates et autres libéraux-libertaires envers ceux qui "doutent" du bien fondé de certaines lois, "directives" ou projets de lois. 


Ainsi donc, faut-il refuser une "tenaille idéologique" et de choisir entre un  de ces deux camps :
-Celui des beaufs (qui dans leur imaginaire barbare se font gloire de casser du pédé)", de la "réaction" et du bloc "UM'Pen"en gestation (UMP'en est une formulation des théoriciens du PRCF convaincus d'un rapprochement partiel ou total (fusion) en cours des deux partis UMP-FN)

-Celui des Bobos, clientèle du PMU (Parti Maastrichien Unique-UMP et PS et partis satellites) voire des petits partis gauchistes (parti de Gauche, NPA), qui dans le cadre de l'idéologie capitaliste actuelle de la transgression, de la déréglementation, de la dénationalisation, de la "nomadisation", se fantasment sans classe sociale, sans patrie, sans sexe, sans couple, sans identité, "sans qualités" comme eût dit Robert Musil, en portant aux nues le mythe d'une pseudo-'liberté transcendante' qui n'est que la couverture mythifiée de la totale fluidité du capital et de sa devise managériale bien connue : "ne pas s'attacher aux pays, ne pas s'attacher aux produits, ne pas s'attacher aux hommes" (et dans la foulée, ne pas s'attacher aux couples, aux enfants, à son propre sexe, etc. et avoir pour seule identité stable la monstrueuse déclaration de Parisot : 'l'amour est précaire, la vie est précaire, pourquoi le travail ne serait-il pas précaire?')

On ajoutera qu'il faut être profondément stupide pour croire que critiquer la gauche c'est être forcément de droite. A considérer que ce clivage a encore un sens en France...

En outre, on  sait à quel point, pour certain(e)s, le fait d'afficher des "convictions de gauche" à leur boutonnière suffit à les convaincre d'être dans le "camp du Bien", voire d'incarner personnellement ce "Bien"...même dans le cas où on serait une ordure finie, moralement parlant...Mais c'est vrai qu'à gauche, on n'aime trop pas la morale...On ignore même jusqu'au sens du mot parfois...

Or donc, on va faire appel ici à l'anthropologie marxiste, qui s'intéresse donc à l'histoire sur des temporalités longues, pour prendre de la hauteur et comprendre les "conditions de l'autoformation du genre humain". S'en suivent les considérations habituelles sur le mépris des femmes par les institutions religieuses (de ce côté là rien de nouveau, c'est du marxisme pur et dur dans le texte...On continue à vouloir bouffer du curé), mais surtout entre autres (on ne fera pas un résumé complet des analyses présentées dans le numéro de cette revue), une critique de la "théorie du genre" (1) 

Une critique suivant deux axes complémentaires donc :

Une théorie (d'autres diront qu'il n'en existe pas/cf. : études sur le genre) jugée "dangereuse" par des marxistes (donc des progressistes) que seraient bien avisés d'écouter  les "gauchistes" et autres petits-bourgeois radicaux de gauche toujours prompts à choper tous les courants...d'air du temps.  Les mêmes petits et moyens bourgeois, totalement étrangers au monde ouvrier, toujours prêts à donner des leçons d'ouvriérisme à... des enfants d'ouvriers, d'ailleurs...

En somme, l'attitude réellement "progressiste" consiste à faire preuve de la plus grande prudence à l'égard d'un ensemble de mesures et de postures idéologisées et à mettre en avant le principe de précaution. Car, il existe indéniablement des constantes anthropologiques (la position des marxistes n'est pas d'affirmer que rien ne doit "évoluer"/ l'homme est un produit de la nature ET de la culture) et la théorie du genre pourrait être dévastatrice dans la construction de la personnalité de sujets déjà aliénés par le mode de production capitaliste. 


En outre, il n'existe pas de "droit à l'enfant". Les mères porteuses (pauvres forcément?) ne seraient finalement que des "machines à pondre" des enfants contre de l'argent pour de riches parents homosexuels (voir GPA). L'enfant-marchandise est une abjection totale ! Le sous-entendu idéologique relatif à ce "droit à l'enfant" c'est, qu'au final, un morceau de sucre, un gamin ou une bagnole c'est pareil. Soit le cynisme libéral le plus complet, le plus "achevé".  

A travers ses propositions (qu'elles aboutissent ou non à des lois), la "gauche" se révèle être, donc une nouvelle fois, le meilleur V.R.P. ou la meilleure caution morale (-> le "Progrès") -si l'on veut- des "avancées" du capitalisme total. 


(1) Voir Judith ButlerJohn Money. Mais les chantres des "gender studies" qui récusent l'appelation "théorie du genre" diront que ces deux là n'ont rien à voir ensemble et préféreront vous parler hypocritement de l'anthropologue Margaret Mead...Cet article démontre pourtant la continuité idéologique entre Money et Butler : http://www.nerve.com/content/mythbuster : "Judith Butler and others were all very supportive of John Money because he was saying what they wanted to hear. He was saying that, if you start early enough, a boy can be socialized as a girl."
Il faut reconnaître, aussi, une évolution de l'utilisation du terme "genre". Les "penseurs du genre" vont s'appuyer sur une distinction originelle  faite par des médecins étasuniens dans les années 50.  On passe alors en quelques décennies au "combat" de Butler sous l'influence des travaux charniers de Foucault et de Bourdieu et bien évidemment du "Deuxième sexe" du Castor bourgeois. Nous ne sommes alors plus dans la lutte traditionnelle féministe contre le sexisme (le déterminisme social lié au sexe biologique), mais dans la dénonciation d'une soi-disant "norme sociale hétérosexuelle". Ces "penseurs" affirmeront la non-universalité de la division masculin/féminin en se référant, d'ailleurs, à des cas marginaux existant dans certaines sociétés non-européennes.

On arrive alors aux travaux (parmi d'autres) des Rachele Borghi, géographe (sic) (l"anus comme espace indifférencié, car "non-discriminant") et des Beatriz Preciado "philosophe", toutes deux activistes post-porn queer. A leur lecture, on comprend alors "l'état d'esprit" de cette "gauche pathogène" genriste. Preciado, universitaire, écrit dans un article pour un journal français : "Depuis cette modeste tribune, j’invite tous les corps à faire la grève de l’utérus. Affirmons-nous en tant que citoyens entiers et non plus comme utérus reproductifs. Par l’abstinence et par l’homosexualité, mais aussi par la masturbation, la sodomie, le fétichisme, la coprophagie, la zoophilie… et l’avortement." (Libération, 17 janvier 2014).

A la suite des Judith Butler et autres fanatiques féministes lesbiennes post-porn queer..."chercheurs" en sciences humaines et sociales, B. Preciado propose de libérer l'individu par la négation de toute identité sexuelle et par la mise en place d'une société alternative "contra-sexuelle", de remplacer" le pénis et le vagin par l'anus ("centre universel contra-sexuel") et le godemichet (!). Refuser de faire des enfants pour déconstruire l'Etat-nation (espagnol dans ce cas) etc. Les foutaises derrido-deleuzo-foucaldo-althusseriennes habituelles adaptées aux luttes LGBT...Par ailleurs, en tant qu'homosexuelle, on ne voit pas en quoi ces questions de procré-n-ation la concernent...

Soit le crétinisme de l'idéologie de la transgression systématique propre à cette "gauche" qui ne se soucie guère de savoir à qui servent réellement ces postures outrancières... Haine de soi, refus de l'altérité. Bref. De la merde, des animaux objets sexuels pour ces dames et du plastique comme projet de civilisation...

Annihiler toutes les forces de vie au nom d'une lutte contre la "réaction". Ces "penseurs" veulent nous vendre une idéologie de mort sous couvert d'émancipation des "minorités sexuelles", de soi-disant tolérance plus généralement... Et, tout cela en dit long, également, sur l'état des sciences sociales dans le monde euro-étasunien (l'Europe centrale et orientale semble relativement épargnée jusqu'à présent par cette dérive narcissique et  autoritaire des SHS). Des laboratoires en SHS devenus pour certains les bas-fonds de la pensée humaine...remplis d'"intellectuels" coprophages (c'est Preciado qui l'écrit finalement...) et autres névrosé(e)s profonds, produisant des travaux à prétention scienfitique subordonnés à diverses idéologies mortifères.


samedi 11 janvier 2014

Dieu de Voltaire, Dieu de st Thomas et d'Aristote : dieu bourgeois, dieu mesquin. Mort de Dieu, mort de l'homme


A partir du moment où le dieu des philosophes se retire de la Création, il laisse aux hommes le soin de diriger leurs affaires eux-mêmes. Dieu de commerçants, de bourgeois médiocres et pragmatiques, de l'ordre établi. Il ne s'agit pas, pour autant, de défendre le dieu "comptable" tout aussi terne de st Thomas d'Aquin ("et d'Aristote") tout aussi détestable que celui de Voltaire. Ce dernier quand il déclare que Dieu est supérieur à la petitesse des hommes, justifie, à vrai dire l'existence d'un dieu de "marchands". L'homme est fait de bas instincts (mais peut-être sommes nous aussi trompés par le discours libéral) comme Voltaire... Il fallait à celui-ci un dieu mesquin et lâche, un dieu à son image. Construire l'image d'un dieu étranger aux affaires terrestres pour mieux le liquider ensuite...

Ce sera le rôle d'un Nietzsche, par exemple, de proclamer, plus tard, la "mort de Dieu", d'annoncer le déicide, (son inexistence en réalité). Un Nietzsche qui attribuera pourtant une volonté de puissance à un univers supposé inerte. Assez peu conséquent comme aboutissement d'un raisonnement pour un athée, cela-dit...Pour Marx, la religion telle qu'il la conçoit : une pathologie, une consolation, un besoin face à la misère sociale. 
En somme, ces deux philosophes ont présenté des propos de peu d'intérêt, relatifs à cet objet mal indentifié qu'est Dieu, mais parfaitement conformes au "zeigeist" du XIXe s. Les thèses de Marx ne sont  pourtant pas étrangères à des formes de religiosité : promesse millénariste d'un monde meilleur, messianisme, fin de l'histoire ("eschatologie marxiste") ou encore la fonction sotériologique du prolétariat... Le marxisme (ou plutôt l'interprétation erronée des thèses de Marx) a bien été un opium des peuples au XXe siècle...  On n'évoquera pas très longuement Sade, dans la mesure, où son discours "immoral", prônant un retournement de toutes valeurs (chrétiennes) est flagrant dans la pensée libérale, capitaliste, contemporaine.

Tardivement, une des manifestations de cette volonté de créer des succédanés modernes de Dieu ou des dieux (qui témoigne aussi de l'incapacité de l'homme à se débarasser de l'existence d'un phénomène qui échappe à sa vie consciente, qu'il ne contrôle pas) sera l'invention d'un "inconscient structural", commun à tous, "modernes" comme "archaïques", mais  également invention du surmoi (autorité morale). Vaguement révolutionnaire, assez génial et... tellement pratique...

En outre, on ne dira jamais assez l'influence déterminante que les "théologiens de la mort de Dieu" (de Voltaire à Nietzsche, certes, malgré eux) ont pu avoir sur la naissance des fanatismes qui ont mené aux massacres de masses de 1793 à aujourd'hui. Accepter de vivre dans un monde sans dieu pour que naisse l'homme, nous dirent-ils. Pour quels résultats ? Des génocides, des guerres d'une violence inouïe inconnue jusqu'alors...Que l'on regarde l'histoire du XXe s. sans aveuglement, et l'on verra que ce sont bien des élites soi-disant "positives" et "rationnelles" qui ont plongé le monde dans les guerres les plus atroces qu'ait connue l'histoire de l'humanité, mais aussi créé les conditions du mal-être de l'homme moderne et post-moderne (destruction de l'environnement, pathologies physiques et mentales...), malgré quelques innovations dont on reconnaîtra le grand intérêt (médecine...). Mais, constatons objectivement que la "grille d'analyse" qui constiste à lire l'histoire comme une marche continuelle vers le progrès ne fait plus l'unanimité chez les "modernes". Ces désillusions face à la "religion du progrès" entraînent ce formidable pessimisme actuel face à l'histoire, malgré les appels incantatoires réguliers au rassemblement -sur le plan politique- du "camp des progressistes" contre celui de la "réaction". Eructations sur le mode de l'opposition binaire qui apparaissent de plus en plus pathétiques et ridicules pour l'homme moderne qui possède encore une vague conscience/connaissance historique...

Or donc, face au dieu vengeur, bourreau, aigri et calculateur n'aimant pas les hommes et qui consigne sur un cahier comme un vulgaire épicier  les "péchés" de ses créatures, comme face au dieu de l'hypothèse déiste tel qu'imaginé par un Voltaire, "nous" devons avoir la même attitude : rejet et mépris.

Seule, cette extraordinaire puissance miséricordieuse manifestée à l'échelle du cosmos tout entier qui gênait mais  aussi effrayait ces philosophes-bourgeois du XVIIIe s. est digne d'être appelée Dieu. Ces misérables dieux "thomiste" et "voltairien" doivent mourir "en nous" et à l'extérieur de "nous" et laisser leur place à cette incommensurable force cosmique faite d'un amour indicible, puissance à la fois terrifiante et fascinante...

(1989)
Dead - your god is dead
Fools - your god is dead
[...]
God hear my death call


Pour que l'homme se fasse dieu à son tour !
(1989)




dimanche 15 décembre 2013

Abolition du temps historique : fin d'année et fin du temps...


Pour l'homme traditionnel, archaïque (1), les derniers jours de la fin de l'année sont identifiés au chaos d'avant la création. Cette période du passage de l'ancienne à la nouvelle année doit être considérée comme une abolition du temps et une répétition de la création. C'est à la fois le monde et l'homme qui sont est anéantis pour renaître à nouveau. Par la régression ab origine, l'homme devient alors contemporain des dieux. Le nouvel an a donc une fonction eschato-cosmologique. Traditionnellement, c'est dans cette période que se manifeste le monde suprahumain., comme par exemple, lors de la fête de Samonios ou Samain qui marque l'entrée dans la nouvelle année chez les Celtes antiques (Novembre). La dernière nuit de l'année est marquée par l'apparition des animaux funéraires comme le cheval (Nubie, septentrion européen...), animal psychopompe accompagnant les âmes des défunts et assurant le lien entre les différents "niveaux cosmiques". Durant ce temps de transition et d'abolition du temps ordinaire, les âmes des morts et surtout les dieux et des déesses tellurico ou chtonico-funéraires qui viennent des entrailles de la terre, de l'Enfer, selon une conception traditionnelle (grecque par exemple) se manifestent aux vivants. L' invasion du monde des vivants par les morts et les dieux annule la "loi du temps", la confusion sociale est grande, les orgies se multiplient, etc. A Babylone, la récitation rituelle du "poème de la création" (Enuma Elish) se faisait à cette époque de fin d'année donc de fin du monde. Ce récit cosmogonique, narrait le combat mythique entre dieu Marduk et le monstre marin Tiamat dont le corps déchiqueté servit à créer le monde, soit la victoire de l'ordre cosmique sur le chaos. Pour l'homme babylonien d'existence traditionnelle chaque fin d'année considérée comme une période chaotique, était le moment de la renaissance de Tiamat. La nouvelle année -qui correspond donc à un événement mythique qui eut lieu ab origine : la création- marquait la victoire de Marduk sur Tiamat. Au risque de nous répéter, nous signalerons qu'on trouvera trace de ces idées dans les toutes dernières sociétés agro-pastorales d'Europe centrale et orientale pourtant chrétiennes mais marquées par des formes religieuses archaïques.
Cet intérêt pour le  renouvellement périodique du monde et sa réalité qui s'inscrivent dans une conception cosmogonico-eschatologique souvent indéchiffrables pour le moderne  sont communs à de nombreuses sociétés et courants philosophiques : Mésopotamiens, peuples amazoniens, Grecs (stoïciens, platoniciens...) néo-pythagoriciens ("Grande année" et cyclicité du temps), Indiens hindouistes...L'idée d'une régénération du monde (palingénésie) succédant à sa destruction est assez commune à travers le temps et l'espace. Cette compréhension du passage de l'année révolue au  nouvel an comme événement purificateur et régénérateur  n'est qu'un aspect de la conception cyclique du temps pour de nombreuses sociétés. Mais les juifs et les chrétiens sont loin d'être étrangers à cette approche cyclique du temps (cyclicité de l'année liturgique). (2)

En outre, il est peut-être possible d'observer dans les "beuveries" et excès inhérents à ces fêtes de fins d'années chez les "modernes" (3), la permanence de cette volonté de s'affranchir pendant la durée des festivités, du temps continu, profane. On pourrait affirmer que la prise de substances (alcool, drogues...) à des doses permettant de modifier son état de conscience, dans ce "monde moderne" n'est que la persistance d'une volonté recréatrice d'une expérience religieuse -renouer avec un monde originaire, chaotique appelé à être transformé en cosmos- sans cesse renouvelée mais parfaitement vaine ; l'homme d'attitude moderne, c'est-à-dire l'homme de l'avoir et du paraître, ayant totalement rompu avec le religieux sacré et n'en n'ayant plus aucune clé de compréhension...Là où l'homme archaïque fêtait les dieux ou le Dieu (son corps appartenait aux dieux ou au Dieu) et se solidarisait avec le monde suprahumain à travers une pratique rituelle, le "moderne" (son corps lui appartient) ne va que vers sa néantisation. D'une manière certaine, écrivons que ce dernier cherche à s'abrutir, pour effectivement échapper à une histoire (individuelle ou collective) tout comme l'homme archaïque mais au contraire de ce dernier ses "abus" ne s’inscrivent en rien dans une perspective religieuse, cosmique et/ou "transcendante". En effet, tous les excès du "moderne areligieux" (états d'ébriétés répétés, orgies et intoxications sexuelles chnotiques, gavages divers : sons, images, nourriture...) relèvent du "pathologique". (Post-)Modernité et fabrique d' "abrutis"...

Il faut donc aussi comprendre que par rapport à l'homme archaïque, l'homme moderne areligieux n'est en aucun cas "libre". Le premier contrairement au second est le seul à pouvoir réellement "abolir l'histoire" pour un temps donné. Les techniques orientales menant au dépassement de sa simple condition d'être humain, du yogi ou du méditant à titre d'exemples, tiennent de cette volonté de s'affranchir de l'histoire momentanément puis définitivement (la "répétition", le temps cyclique, le cercle des existences étant un "piège" dont il faut se sortir pour les "Orientaux" traditionalistes). C'est parce que dans ce cas, le temps cyclique (des hindouistes ou des bouddhistes) est désacralisé, donc parfaitement terrifiant, effroyable. 

La "terreur de l'histoire" dans une "existence traditionnelle" conduit ou oblige l'être humain à abolir périodiquement le temps. Le caractère insupportable de certains événements historiques mais aussi des catastrophes cosmiques le mène à adopter ce comportement mythique.

 Que reste-t-il au moderne areligieux pour définitivement s'affranchir, quant à lui, de cette "terreur de l'histoire" ? Le marxisme et sa promesse d'un hypothétique âge d'or qui viendra à la fin de l'histoire une fois les "conditions réunies" ? Le délire techno-scientiste et transhumaniste et autres philosophies prométhéennes qui verraient émerger  un homme nouveau ? La recherche de l'immortalité du corps biologique ? d'une "terre sans mal" ?
Enfin, il est inutile d'évoquer une autre réponse radicale possible -et  individuelle cette fois- face à cette angoisse du moderne et son désir de mettre fin à son histoire personnelle, tellement elle est "évidente"... 

(1) le terme n'étant pas utilisé dans un but  dépréciatif, entendre "archaïque" au sens de "début", de "commencement" ou d'antique voire encore de "principe" (arkhế). C'est une catégorie générique qui renvoie autant à l'individu d'une époque pré-capitaliste (domination formelle), une société de type féodal le plus souvent sinon exclusivement, qu'aux individus qui peuplent ces espaces ruraux qui dominent l'espace eurasiatique durant des millénaires. Il n'est pas question d'essentialiser l'homme des sociétés dites traditionnelles mais de considérer (hypothèse) qu'un mode de production associé à une organisation particulière de la société (on pense au tripartisme identifié par G. Dumézil) produit un type d'homme particulier.

(2) savoir également que les "penseurs de la modernité" ont mis en évidence des conceptions cycliques  du temps  :
-  Kondratiev "rectifié" par  Shumpeter :
cycles économiques : deux phases expansion-(innovation) puis récession(baisse de la consommation)-dépression
- Clouscard :
 répétition de trois "moments", trois modalités du capitalisme : libéralisme, fascisme, "société de consommation" qui interviennent à des moments opportuns, soit une autorégulation du système capitalisme. Chaque nouvelle modalité sauve la précédente
 
(3)  à différencier du "moderne" croyant strictement monothéiste qui lutte contre l’histoire par la croyance, la méditation/contemplation/prière même si le moderne areligieux s’inscrit comme le premier dans l'histoire, le linéaire judéo-chrétien


 

dimanche 1 décembre 2013

1er décembre-Fête nationale de la Roumanie



Ardeal=principauté de Transylvanie (historique)
 "Bataillons roumains, traversez les Carpates. La Transylvanie nous appelle !"

La Roumanie avant et après 1918 

De la "Regele playboy" la "Caînele rosu" -Pierderea Romaniei Mari  
 Du "roi playboy" (NDA : le roi Carol/Charles II, coureur de jupons) au "chien rouge" (NDA : Ceausescu) -La perte de la Grande Roumanie

"Cei 22 de ani de existenţă ai României Mari (1918-1940) reprezintă, probabil, cea mai fastă perioadă a istoriei noastre."
"Ces 22 années d'existence de la "Grande Roumanie (1918-1940) représentent, probablement, la période la plus faste de notre histoire"

România interbelica  

Extension maximale du territoire roumain



Hymne national roumain
Desteapta-Te, Române ! Eveille-Toi, Roumain !

Éveille-toi, Roumain, du sommeil de la mort
Dans lequel t'ont plongé les barbares tyrans.
Maintenant ou jamais construis-toi un autre destin
Devant lequel se prosterneront aussi tes cruels ennemis.


Maintenant ou jamais montrons au monde
Que dans ces veines coule toujours un sang romain
 Et que dans nos cœurs nous gardons avec fierté un nom
Triomphant dans les batailles, le nom de  Trajan !


Regardez, ombres grandioses, Michel (1), Étienne (2), Corvin (3)
La nation roumaine, vos descendants,
Avec les bras armés, avec votre feu dans les veines,
Tous crient : "Vivre libres ou mourir!".


Prêtres, avec la croix devant ! car l'armée est chrétienne,
Sa devise est liberté et son but est sacré,
Mieux vaut mourir glorieusement en combattant,
Que d'être encore des esclaves sur notre terre ancienne !
 
(quatre strophes chantées lors des événements officiels)

Très beau chant romantique et patriotique écrit en 1848, accompagnant le mouvement d'émancipation national roumain. Les "barbares tyrans" sont les différents envahisseurs qui occupèrent les pays roumains au fil des siècles : Ottomans, Austro-Hongrois, Russes...

montage Lemonnier 
Les vers du poème ("un rasunet", un retentissement) d'Andrei Muresanu  qui deviendra chant révolutionnaire puis hymne national. La "Marseillaise roumaine" selon l'historien N. Balcescu. La Marseillaise
Interdit par le pouvoir communiste à partir de 1947->1948. Ceausescu lèvera l'interdiction et la composition (uniquement la mélodie) pourra être jouée en public durant son règne, sans pour autant devenir l’hymne de la République socialiste.
Plusieurs hymnes durant la période socialiste : de 1948 à 1953 "Zdrobite cătuşe", puis  "Te slăvim, Românie!" jusqu'en 1977, qui sera finalement remplacé par "Trei culori". "Desteapta-te, române"  est adopté comme hymne national par le "nouveau" pouvoir après la contre-révolution de 1989.  "Trăiască Regele" fut l'hymne (de 1866 à 1948) de l'union des principautés de Valachie et de Moldavie (Principautés unies de Moldavie-Valachie, des "deux" principautés de Roumanie ->1862-1866 et 1866-1881) réalisée grâce au prince Cuza, fondateur de l’État roumain moderne (1859), puis hymne du royaume de Roumanie (1881-1948).  

(1) Mihai Viteazul-Michel le Brave  (2) Stefan cel Mare-Etienne le Grand (3) Matei Corvin-Mathieu Corvin

vendredi 29 novembre 2013

Les chrétiens avec Gaza

   

  "Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !"

Évangile de Mathieu 





vendredi 22 novembre 2013

Stefan Hrusca - Isus s-a nascut in seara de Craciun (Colinde-Chanson de Noël) - Roumanie




Depuis quelques jours, nous sommes entrés dans la période de "carême de Noël" (40 jours avant la fête de la nativité) (1) chez les chrétiens orthodoxes roumains, bulgares, ou encore (parmi d'autres) chez ceux, qui en France, sont rattachés à la Métropole (Mitropolia) Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale, diocèse de l’Église orthodoxe roumaine (le patriarcat de Roumanie). Pour déterminer les dates fixes de l'année liturgique, c'est le calendrier grégorien qui est utilisé, en ce qui concerne la date de la fête de Pâques, on utilise le calendrier julien. En somme, Roumains, Bulgares, Grecs et d'autres croyants résidant dans des États où l'orthodoxie n'est pas majoritaire comme en Pologne, Turquie, Égypte etc. fêtent Noël le 25 décembre contrairement à d'autres orthodoxes comme les Russes ou les Serbes qui célébreront la naissance de Jésus-Christ le 7 janvier.

(1) Diffère de l'Avent (c'est-à-dire la "venue") des catholiques romains qui débute 4 semaines  avant Noël, le premier dimanche du mois de décembre.

lundi 18 novembre 2013

Plus-de-jouir et néo-capitalisme. Dressage à la consommation ludique, libidinale, marginale. Narcissisme et capitalisme. Marché du désir.

La partie de l'œuvre de Clouscard, consacrée au Mai 68 libertaire -révolte petite-bourgeoise- expliquée à partir de l'évolution du mode de production (répression du producteur/permissivité pour le consommateur) est incompréhensible, irrecevable  pour le "gauchiste", dispensé de l'impératif de production, qui hurle au fascisme, à la "Réaction", à un  retour à un prétendu ordre moral ante-1968 (1) à chaque évocation du surmoi et à chaque critique des injonctions au plus-de-jouir dictées par un "marché du désir" qu'il prend comme étant une somme de "libertés authentiques". Libertés qui ne sont, la plupart du temps (cf. infra) pas autres choses, qu'aliénations, qu'un impitoyable conditionnement et une soumission aux codes de ce système  néo-capitaliste qui émerge dans les années 1960. 


 "Pour une consommation ultra-rapide, immédiate, brutale. Il faut en prendre pour la semaine. Une bonne et grosse soupe pour les rustauds du mondain. Dressage sommaire : boum-boum et pam-pam. Le rythme et la "violence" et allez vous coucher. Les deux animations essentielles de la mondanité capitaliste, la bande et le rythme, sont réduites à leur plus simple expression. (...) C'est qu'on n'a plus besoin de raffiner [on s'adresse] au tout venant, aux incultes du mondain. (...) Il faut enrégimenter la populace, les troupiers du mondain, ses bidasses. On doit les amener (...) à un gestuel si élémentaire qu'à côté le salut militaire peut paraître un raffinement. [Ce ne sont] que les restes du festin de la consommation mondaine, du néo-capitalisme. (...)
Cette consommation mondaine, la part du vulgaire, doit permettre trois opérations idéologiques. D'abord fixer les sensibilités aux symboles de la consommation mondaine du capitalisme. Et selon les figures les plus pauvres. Pour empêcher ces jeunes d'accéder à une conscience politique. Pour fabriquer des abrutis. Verrouiller les âmes et les cœurs. La sono et les coups. Ensuite créer le besoin, du ludique, du marginal. Sans le satisfaire réellement. Exaspérer l'envie et ne pas laisser accéder au festin. (...) Exciter la concupiscence et ne laisser que les miettes. Ainsi conditionner une immense clientèle au marché du désir. Et préparer une certaine intégration des masses à la social-démocratie libertaire du loisir et du plaisir."

Michel Clouscard, 1981/Ed. sociales, rééd. 2012, Le capitalisme de la séduction : critique de la social-démocratie libertaire, Delga, pages 291-293 (Chapitre "Le prosaïsme du mondain : les nouvelles coutumes de masse et la cascade des snobismes")






Passage intéressant sur le paganisme. Où on lit (mais Clouscard n'est pas le seul à écrire cela, nous l'écrivons à peine différemment) que le paganisme, contrairement à ce qu'avancent les benêts béats chantres de la (post-)modernité "festive", n'a rien à voir avec cette désinhibition libertaire mais bien avec une "civilisation du sacré", interdisant le "permissif" libéral. C'est donc uniquement la dégénérescence du monde païen antique (gréco-romain a priori) qui entraîne le déchainement du libidinal et du permissif que l'on retrouve dans notre société désacralisée du "capitalisme total". La levée de tous les interdits est la condition du triomphe de ce dernier.

A noter que Clouscard -même s'il est évidemment rationaliste et matérialiste- fait partie de ces rares penseurs marxistes de haut niveau qui ne tient pas de propos caricaturaux de crétin gauchisant quand il évoque les religions (sans les idéaliser, essentiellement le christianisme/les références sont du début des années 1980 concernant ce livre). Il ne défend pas un système métaphysique, ni bien sûr un "clergé", ni un "c'était mieux avant" réactionnaire, mais une conception du temps, de l'espace (sur ce plan, un penseur comme Eliade aux antipodes de la pensée clouscardienne  ne dit pas autre chose au final) et des valeurs particulières incompatibles avec le capitalisme. Les sociétés pré-capitalistes (ou celles qui en étaient les héritières, jusqu'aux années 50 et 60 en France) païennes et/ou chrétiennes étaient construites sur des temporalités, des "rythmes" particuliers, cycliques, des réseaux de solidarités, des "valeurs", des "garde-fous"  qui protégeaient les personnes, les communautés de l’émergence d'un capitalisme total et du rythme pathologique de la modernité. Dans ces sociétés pré-industrielles ou celles qui en présentaient encore certaines caractéristiques, pas de superpositions ou juxtapositions des temporalités/des rythmes, pas d'arythmie sociale. 

La modernité d'après-guerre puis la contre-révolution capitaliste que constitue "Mai 68" entraînent la disparition définitive de ces conceptions du temps et de l'espace en France. Ces bouleversements spatio-temporels d'une brutalité incroyable génèrent alors des pathologies mentales à une échelle encore inédite dans l'histoire de l'humanité. Ce constat rejoint celui de Pier Paolo Pasolini, par exemple, quand il affirme que cette modernité ou plutôt post-modernité (il ne dit pas autre chose quand il  pointe  du doigt le néo-fascisme démocrate-chrétien) transforme l'individu (contre la personne) jusqu'au plus profond de son âme.

 Seuls des abrutis finis (prétendument anti-capitalistes, d'ailleurs, c'est l'histoire du mai 68 sociétal, des naïfs conduits par des agents parfaitement conscients de la perversité de la "manipulation") peuvent se féliciter de la disparition de ces structures et modes de vie. Ajoutons que la planification gaullienne, l'urbanisme de grands ensembles -habitat concentrationnaire- la désertification/modernisation des campagnes qui l'accompagne considérés comme des progrès (contexte de reconstruction, migrations vers  la ville des années 50 à 70, ruraux partant travailler à l'usine, etc.) jouent un rôle fondamental dans cette disparition de ces façons d'être au monde en France (2) A décharge pour les gaullo-communistes, les choix concernant les questions d’aménagement du territoire dans l'immédiat après-guerre ont été guidés par un impératif d'urgence.

De plus, contrairement à Baudrillard ou Pasolini,  Clouscard ne produit pas une critique de la "société de consommation" en général, mais fustige uniquement la part cette société de consommation (ou soi-disant telle) qui relève du "ludique", du "libidinal", i.e. le "marché du désir". Il établit une distinction entre accession à des "biens d'équipements" et "consommation mondaine", "culture de l'incivisme", "rebellitude" qui ne sont que respects et adhésions aux principes du néo-capitalisme. Les classes moyennes récupèrent les surplus, les signes de la consommation mondaine et bourgeoise (cf. premier extrait).
Enfin, ajoutons que cette critique clouscardienne du "marché du désir" et... du "gauchisme", est -culture politique/économique déficiente généralisée aidant- souvent perçue comme étant de droite ou d'extrême-droite. Rien de plus faux et pourtant terrible récupération actuelle de Clouscard dans certains milieux droitiers ! Les premiers à parler du "gauchisme" comme maladie infantile du communisme sont les... communistes eux-mêmes (Lénine) et la pensée clouscardienne (non ou anti-stalinienne d'ailleurs) c'est le remède radical aux prurits populistes. Seulement, Mai 68 et son "tas de chair libertaire qui sert de présentoir au marché du désir, Cohn-Bendit" sont passés par là, brouillant les cartes idéologiques... 
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(1)  un ordre moral qui n'a jamais réellement existé autre part  que dans l'imaginaire d'une certaine gauche mais aussi dans celui de certains dextristes, d'ailleurs...Le Mai sociétal n'a "libéré" que ceux qui étaient déjà "libérés" et le laxisme post-68 n'est en rien une émancipation vis-à-vis de mœurs rigoristes, mais une hystérie individualiste à l'échelle de la société française, "occidentale" plus généralement, accompagnant la mutation du capitalisme. Régression anale et coprolalie...

(2) lire dans ce même ouvrage, le passage sur la "maison de campagne" et les modalités de son acquisition par les parvenus de la nouvelle bourgeoisie -hippies inclus- s'installant dans la misère rurale et profitant de la désertification des campagnes post-1945...Trois étapes : le départ vers la ville des néo-prolétaires, l'acquisition pour trois fois rien du bâti et des terrains "abandonnés", puis spéculation, entre-soi choisi et mise à distance d'autres (trop tard) parvenus, pour les empêcher d'accéder au "festin" ("ségrégation" par le prix du foncier)...

Testament Powerslave (reprise)


TESTAMENT-POWERSLAVE à 2m36s : Interlude, le chant n'ayant pas grand intérêt

IRON MAIDEN-POWERSLAVE Interlude, à 2m36s (VERSION ORIGINALE)