: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes

lundi 25 juillet 2016

Les menaces intérieures en Russie

Les menaces intérieures en Russie

L'islam wahhabo-salafiste

L'islam fait partie du paysage religieux russe depuis le Moyen Âge. Cette religion s'implante sur le territoire de l'actuelle Russie au VIIe siècle au moment de l'expansion du Califat. C'est d'abord le Caucase Nord puis la Volga, par l'intermédiaire des Tatars et des Kazhars, qui voient s'implanter la nouvelle religion. Le conflit entre christianisme orthodoxe et islam connaît une explosion paroxystique au moment de l'affrontement entre l'Empire russe et l'Empire ottoman. Accusés d'avoir collaboré avec l'Allemagne nazie  durant la Deuxième Guerre mondiale, nombre de musulmans sont persécutés sous Staline. La plupart des musulmans, majoritairement sunnites-hanafites, cohabitent cependant généralement sans heurts avec les autres communautés religieuses du pays. La réussite du "modèle de Kazan" au Tatarstan permis, notamment, par les réformes de Catherine II ayant mené à la création d'un islam "libéral", est la preuve de la réussite du modèle pluriethnique et plurireligieux russe. Malgré cette entente cordiale entre différents groupes religieux, des musulmans refusant le pouvoir central russe ont toujours existé. Depuis l'implantation de l'idéologie wahhabo-salafiste après la dislocation de l'URSS cet affrontement a pris une nouvelle tournure. Des réseaux relevant de l'islam radical, liés à l'Arabie saoudite, au Qatar et à la Turquie ont été déployés en Russie durant plusieurs décennies, tout autant dans le Caucase du Nord (Ciscaucasie) que dans d'autres régions de Russie. A mesure qu'augmentent les flux migratoires des populations musulmanes vers les grandes villes russes, les réseaux islamistes se développent et finissent par quadriller une large part du territoire russe. Cette assertion ne devrait choquer personne, puisque ce sont bien chez les immigrés et/ou les naturalisés russes, en provenance du monde musulman - qui ne se réduit pas au monde arabe - que se recrutent principalement les nouveaux jihadistes. L'islam radical sunnite est devenu très populaire au sein des populations qui ne se retrouvent pas dans la vision géopolitique (interne et externe) du pouvoir central et de ses représentants dans les différentes régions du pays. Peu à peu se sont donc créés, dans toute la Russie, des réseaux terroristes bien structurés liés à l'Etat islamique et ce bien avant la création de l'EIIL. Car en effet, cet affrontement entre le pouvoir central et les islamistes sunnites salafistes donne lieu aux terribles combats de la première et la seconde guerre de Tchétchénie, qui se déroulent respectivement de 1994 à 1996 et de 1999 à l'année 2000. Des jihadistes combattent à la fois le pouvoir central mais aussi les musulmans sunnites-soufis du Caucase Nord ou Ciscaucasie (les musulmans du sud du Caucase ou Transcaucasie sont majoritairement chiites comme en Azerbaïdjan, pays limitrophe de l'Iran, ou en Géorgie où la minorité musulmane est principalement chiite). C'est donc une lutte entre islam wahhabite-salafiste d'importation voulant imposer la Charia dans le Caucase sous influence russe et un islam dit traditionnel, le soufisme rempart à la barbarie, qui fait rage dans cette région.

Or donc dans les années 90, après une période de flottement, Moscou prend conscience qu'une indépendance de la Tchétchénie donnerait des idées à d'autres régions de Russie et intervient militairement dans le Caucase. La Turquie héritière de l'empire ottoman qui eut toujours des visées sur le Caucase, l'Arabie Séoudite et d'autres pays du Golfe arabo-persique, quant à eux, conscients de la fragilité du pouvoir russe et de l'intérêt qu'ils pourraient tirer d'un Caucase formé d'Etats chariatiques prennent contacts avec les rebelles tchétchènes et daghestanais. Les islamistes et nationalistes turcs, à l'instar des "Loups Gris" (Bozkurtlar), organisation paramilitaire d'extrême-droite qui opère aujourd'hui en Syrie, ont fourni leurs contingents de combattants pour la guerre en Tchétchénie. Les Bozkurtlar ont également formé des milices dans d'autres zones du Caucase et notamment en Azerbaïdjan lors de la guerre pour le contrôle du Haut-Karabagh dans les années 1990 (Avioutskii, 2005 : p. 248). Un conflit en plein cœur de la Transcaucasie qui n'a pas cessé depuis des décennies mais qui s'est durcit en avril 2016. Le Séoudien Ibn al- Khattab, dit l'émir Khattab, mort en 2002 en Tchéthénie, vétéran de la première guerre d'Afghanistan, a combattu au Tadjikistan, en Azerbaïdjan puis en Tchétchénie où il a formé et converti des combattants à la doctrine salafiste-wahhabite. Il crée avec Chamil Bassaïev, indépendantiste tchétchène qui s'engage au début des années 90 aux côté des rebelles de Ciscaucasie (Caucase du Nord), la Brigade islamique internationale du maintien de la paix responsable du déclenchement de la deuxième guerre de Tchétchénie.  En avril 1998, Katthab déclare : "Avec l'aide d'Allah Nous allons plongé la Russie dans l'état dans lequel la Tchétchénie actuelle se trouve...nous allons continuer jusqu'à ce que le drapeau noir victorieux du jihad se déploie sur le Kremlin"[1]. C'est à cette époque qu'Oussama Ben Laden fonde "le Front mondial du Jihad contre les Juifs et les Croisés" avec l'objectif de créer un califat mondial. L'EIIL reprendra cette idée dans les années 2000...

 Cependant le conflit qui oppose les islamo-nationalistes tchétchènes aux  légalistes tchétchènes fidèles à Moscou et au pouvoir central russe ne se limite pas, strictement, à ces deux guerres. De la dislocation de l'Union soviétique et l'apparition des mouvements séparatistes tchétchènes postcommunistes largement soutenus par l'Arabie saoudite, les Etats-Unis, le Pakistan jusqu'aux années 2010, une série d'attentats, de prise d'otages vont réorienter la politique intérieure russe vers une ligne patriotique intransigeante envers les sécessionnistes du Caucase à partir de la seconde (ou deuxième ?) guerre de Tchétchénie. Le bilan des actions meurtrières visant des civils et attribuées aux wahhabo-salafistes du Caucase est extrêmement lourd. En 1995, la prise d'un hôpital à Boudennovsk fait 150 morts. En 1996, une prise d'otage à Kizliar au Daghestan fait au moins 80 morts. Entre le 31 août et le 13 septembre 1999, 300 personnes succombent à des attaques terroristes tchétchènes en Russie. En 2002, la prise du théâtre Dobrouvka de Moscou fait 128 morts parmi les otages. Le 9 mai 2004 alors qu'il assiste à une célébration officielle à la mémoire des combattants de la Deuxième Guerre mondiale, le président tchétchène Akhmad Kadyrov est assassiné à Grozny. C'est son fils Ramzan Kadyrov, ennemi tout comme son père des wahhabo-salafistes, qui lui succèdera des années plus tard en 2007 après avoir été vice-premier ministre puis premier ministre de la République de Tchétchénie. Du 1er au 3 septembre 2004, une prise d'otage se déroule à Beslan. 1000 personnes sont retenues dans une école en Ossétie du Nord par les séparatistes tchétchènes. 331 civils dont 186 enfants périront au terme de celle-ci. En 2011, un attentat-suicide à l'aéroport de Domodedovo à Moscou fait 37 morts. La liste est encore longue...

Il est, cependant, très difficile de dire quelle est véritablement la dimension du problème de l'islam radical, essentiellement sunnite, en Russie. Il apparaît évident que nombre d'attentats ont été déjoués depuis des années par les services de renseignements russes. Néanmoins étant donné que le soutien financier en provenance des Etats voyous de la péninsule arabique et de la Turquie n'a toujours pas cessé (les derniers événements en Turquie/ coup d'ETAT étasunien (?) avorté de juillet et rapprochement avec la Russie, changeront-ils la donne?), il est fort probable que de nouvelles attaques suicides aient lieu, voire une nouvelle guerre dans le Caucase, région qui jouxte toute la zone de conflit proche et moyen-orientale actuelle, finisse par éclater. Une part des membres de l'Emirat du Caucase créée en 2007, dont l'objectif est d'instaurer la charia dans le Caucase, a prêté allégeance à l'Etat islamique en 2015. "L'islam étasunien" du Caucase est donc une source de préoccupations majeures pour le pouvoir russe. Il est à noter que les réseaux islamistes des Balkans, de Bosnie et du Kosovo qui n'ont cessé d'être opérationnels depuis les guerres yougoslaves des années 1990 sont financés et armés par les mêmes autorités qui appuient la déstabilisation du Caucase.  Les liens idéologiques entre les jihadistes du Caucase et ceux du Moyen-Orient sont de plus en plus forts. Pour les Russes, perdre le contrôle du Caucase c'est évidemment laisser échapper un accès à la mer Caspienne et à ses ressources en hydrocarbures. Un tel renoncement est inimaginable. La Russie doit donc faire face à cette menace permanente qui pèse sur la sécurité nationale. L'intervention militaire de la Russie en Syrie mais aussi le dispositif sécuritaire-militaire mis en place par Moscou dans le Caucase et en Asie centrale doivent permettre de la repousser.

Une "cinquième colonne" et une "sixième colonne"

Ce qui est appelé "Cinquième colonne" est un réseau de forces d'opposition à la Russie poutinienne dont le noyau dur est constitué par des libéraux pro-étasuniens, pro-BAO qui rêvent, sans doute, de faire régresser la Russie à la situation dans laquelle elle se trouvait dans les années 1990, c'est-à-dire la période Eltsine de mise à sac de la Russie, du pillage du pays par l'étranger, de l'avènement du capitalisme sauvage. Les libéraux seuls sont dans l'incapacité d'organiser une contestation du pouvoir poutinien à grande échelle. Le soutien que leur apporte Washington est donc essentiel. Les manifestations régulières, organisées par les prétendues "forces démocratiques" anti-Poutine, qui se déroulent à Moscou sont ainsi soutenues par l'administration étsaunienne. En mai 2012, par exemple, a lieu la "marche des millions" durant laquelle les manifestants réunis sur la place Bolotnaïa ont scandé des slogans comme "Le pouvoir des millions, non pas des millionnaires!", "Poutine voleur! Poutine voleur! Poutine voleur!", "À bas le tsar!", "À bas l’autocratie!". Réunissant des personnalités dissidentes du Parti communiste de Russie, du Parti socialiste, du Front de gauche,  du Parti social-démocrate, du Parti Solidarnost, mais aussi des nationalistes nostalgiques de la Russie tsariste ou en encore des anarchistes et des militants pour la "cause homosexuelle", ce défilé a mobilisé quelques milliers de citoyens russes. Cette expression de mécontentement peu spontanée a vite tourné à l'émeute. Des subversifs téléguidés, pour une bonne part, par des officines spécialisées dans les opérations de déstabilisation de gouvernements non-alignés sur le Bloc Américano-Occidental ont alors été arrêtés. On sait que l'ONG russe Public Verdict Fundation dirigée par Natalia Taubina luttant pour le "respect des droits de l'homme" et impliquée dans les émeutes de mai 2012, n'a rien d'exclusivement russe si l'on considère ses soutiens. Ainsi peut-on lire sur le site de l'organisation : "In 2011, the Public Verdict Foundation was supported by The John D. and Catherine T. MacArthur Foundation, the Open Society Institute Assistance Foundation, Oak Foundation, the European Commission, the UN Voluntary Fund for Victims of Torture, the National Endowment for Democracy, the Norwegian Helsinki Committee, and by private donors"[2]. On reconnaît, par exemple, dans cette liste de soutiens, The National Endowment for Democracy (NED), d'orientation essentiellement néo-conservatrice, fondée en 1983, qui reçoit des fonds du Ministère des affaires étrangères étasunien mais aussi de monstres capitalistes comme Coca-Cola, Google, Microsoft ou bien encore la banque Goldman Sachs. Depuis 2012, le NED ne communique plus d'informations sur ses activités avec les ONG "russes". Cette cinquième colonne, cheval de Troie de l'anglosphère, pourrait jouer un rôle de premier plan, dans la déstabilisation de la Russie. Le projet de l'Etat étasunien profond, autrement dit celui qui associe lobby militaro-industriel et banque, capitalisme financier et idéologie messianique judéo-protestante, reste stable, inchangé, élections après élections des présidents quelle que soit leur couleur politique. Si certaines opérations d'Agit-prop n'aboutissent pas, d'autres suivent irrémédiablement.

La sixième colonne est, quant à elle, constituée d'un groupe de personnes agissant ouvertement au sein même du pouvoir central russe. Il s'agir des libéraux pro-occidentaux (pro-BAO) qui sont arrivés au pouvoir durant la première décennie du XXIe s. ou qui s'y sont maintenus depuis les années 90, adoptant depuis les années 2000 un nouveau rôle dans le jeu politique. Ce qui différencie la cinquième de la sixième colonne c'est le fait que cette dernière est liée au pouvoir. Rien cependant ne distingue idéologiquement la cinquième de la sixième colonne. Cette sixième colonne comme la cinquième est évidemment favorable au Bloc Américano-Occidental et se pose en défenseur des valeurs humanistes libérales. Essentiellement composée de riches hommes d'affaires, d'oligarques, elle reste dans la légalité, défend des valeurs patriotiques mais œuvre, néanmoins, en faveur d'autres intérêts qui nuisent à la souveraineté nationale russe, à l'idéologie d'Etat même si à Moscou parfois le pragmatisme l'emporte sur celle-ci. Ce réseau politique et économique contribue à diffuser des idées libérales et participe à la conversion de la populations à celles-ci. Parmi les figures importantes de ce réseau de libéraux pro-BAO on peut citer l'actuel Premier ministre Dmitri Medvedev,  la gouverneure de la Banque centrale de Russie Elvira Nabiullina, l'oligarque Anatoly Chubais homme politique et homme d'affaires richissime, un des principaux responsables de la vague de privatisation en Russie sous l'ère Eltsine dans les années 1990 ou encore parmi d'autres, l'ancien ministre des finances Alexeï Koudrine (2000-2011) ainsi que l'actuel ministre en fonction en 2016, Anton Silouanov. Malgré les réussites de Poutine, successeur de Boris Eltsine à la toute fin de l'année 1999, qui a réussi à redresser économiquement la Russie et à redonner une place à son pays dans le grand jeu géopolitique mondial, cette sixième colonne continue à jouer son rôle d'ennemi de l'intérieur. Une crise politique en Russie provoquée par la collusion entre la cinquième et sixième colonne remettrait radicalement en cause le travail effectué par Poutine. A moins que ce dernier n'agisse à temps en limogeant les subversifs de la sixième colonne atlantiste, sorte de "bourgeoisie comprador" véritable menace permanente pour une Russie souveraine patriotique et eurasiatique. Un certain nombre d'indices militent en faveur d'une refonte du système politique, économique et financier russe par les patriotes russes. Les principaux sont la critique récurrente (2015-début 2016) de la politique du gouvernement de Medvedev ou encore la remise en cause de l'action de la Banque centrale de Russie. Sans entrer dans les détails techniques, la cause de la crise économique russe n'a, au vrai, que peu de liens avec les sanctions économiques du BAO envers la Russie - la France de François Hollande ayant fait preuve d'un grand zèle dans cette affaire - ni avec la baisse du prix du pétrole mais avec la politique monétaire de la banque centrale russe. Poutine a les "moyens matériels" d'en finir avec cette sixième colonne ? Mais, le risque est considérable. Une telle option susciterait des réactions radicales tant en Russie de la part des oligarques fidèles à la ligne collaboratrice euro-atlantique de type Eltsine qu'à l'international. Poutine a pu être perçu comme attentiste lors de différentes crises graves que ce soit en Tchétchénie où il a attendu que les wahabbo-salafistes attaquent le Daghestan avant de lancer son armée contre les terroristes, en Géorgie en 2008 alors que Mikheil Saakachvili avait déjà planifié l'assaut sur l'Ossétie du Sud avant que l'armée russe ne pulvérise avec une puissance de feu terrible l'armée de l'agent de l'anglosphère. Nous pouvons alors supposer que le président russe n'agisse pas contre les infiltrés au cœur du pouvoir  politico-économique russe et laisse la colère populaire monter car il sait qu'elle sera dirigée contre Medvedev et son gouvernement. De cette manière, Poutine n'aura plus qu'à prendre des mesures visant à écarter les éléments qui travaillent de toute évidence plus pour l'étranger que pour une Russie souveraine. De la sorte, le président russe Poutine n'aurait pas besoin d'avoir recours à la force ou aux arrestations musclées.


 Pour comprendre la situation et effectuer un travail de prospective permettant d'envisager des scénarios géopolitiques sur cet espace centre-oriental européen, il faut continuer, comme nous l'avons fait auparavant dans notre étude, à la fois à considérer les acteurs internes aux Etats, les relations et les rivalités entre les puissances régionales en même temps que le "jeu" des grandes puissances sur cet espace où à des question de litiges territoriaux et de réaffirmations identitaires se mêlent des problématiques d'ordre économique et énergétique. Il s'agit de conserver à l'esprit qu'à des querelles interétatiques locales qui ne sont pas neuves - on peut donc parler de "conflits gelés" - mais aussi à des questions de politique intérieure viennent s'ajouter des enjeux globaux où l'on retrouve cette opposition entre le BAO, la puissance thalassocratique et la Russie, puissance de la Terre et que ces dernières n'hésitent pas à manipuler ou favoriser telle ou telle "cause" pour défendre leurs propres intérêts.
(court extrait de chapitre d'un livre, Jean-Michel Lemonnier, 2016, non publié par des éditeurs analphabètes certainement)




[1] Entretien au journal Al-Kaf, repris par Dobaev I. Radicalisme islamique dans le contexte du problème de sécurité politico-militaire dans le Nord-Caucase. Naoutchnaïa Mysl Kavkasa, Rostov-sur-le-Don n°1, 1999, p. 57, cité par Avioutskii, 2005 : p. 263
[2] source : http://en.publicverdict.org/topics/library/7394.html, mis en ligne le 11/05/2012, consulté le 28/01/2016
Avioutskii, V. (2005). Géopolitique du Caucase. Editions Armand Colin

mots clés : anglosphère, Balkans eurasiens, BAO, Califat, Caucase, Eurasie, géographie, géopolitique, islam, islamisme, Poutine, Qatar, Russie, sunnites, Tchétchénie, tellurocratie, thalassocratie, Turquie, Россия, Azerbaïdjan, Haut-Karabagh, "Loups Gris" (Bozkurtlar), Transcaucasie

jeudi 21 juillet 2016

Publication scientifique : Un dialogue fécond entre société archaïque et monde moderne : Brânduş et Agrippine dans la nouvelle « La fille du capitaine » de Mircea Eliade



  • Author(s): JEAN-MICHEL LEMONNIER
  • Language: French
  • Subject(s): Language and Literature Studies
  • Issue: 2/16/2015
  • Page Range: 24-49
  • No. of Pages: 26
  • Keywords: modernity; archaic societies; Mircea Eliade; globalization; archetypes; historicism; education
  • LIEN : https://www.ceeol.com/search/article-detail?id=414580
  • Summary/Abstract: In the last chapter of "The Myth of the Eternal Return", Mircea Eliade confronts two types of conceptions of the existence peculiar to two categories of human being: the modern man who claims to make history and the archaic man, anhistorical who complies with archetypes, sacred prototypes, for whom this is the only reality. We hypothesize that the Roman scientist imagined a meeting between these two persons in the novel "The Captain's Daughter". We will see that the discussion between Brânduş and Agrippine which may appear senseless, to the point that we could consider we are reading a "dialogue of the deaf", a inapprehensible fictional narrative -the postmodern writing serving this impression- is at the same time an opposition and a fertile confrontation revealing the coexistence of two worlds, in prima facie, apart from each other. Mythos against logos, holistic education and respect for biocosmic rhythms against academic culture, etc. are all antagonisms that the conversation between the two protagonists puts into perspective, notably according to the Philippe Descola's ontological scheme. So, if the characters don't get along well, their disagreements allow to discover the criticism that archaic man would make to the modern man and vice versa. Consequently, if at the end of the conversation between Brânduş and Agrippine, the apparent lack of comprehension seems reciprocal, the finding of such disagreement gives us the opportunity to progress in the understanding of two worlds and what one should or can bring to the other. After having raised the realistic elements of the story, we will explore the hypotheses which seem to us the less complete but nevertheless interesting concerning the nature of the two characters (psychoanalytic approach of the behaviours, mythocriticism, comparison with historical and literary figures, similarity between Brândus with the primordial child or the puer aeternus and l'Emile of Jean-Jacques Rousseau...) then propose an analysis to bring us to answer this question : Does Eliade try to show, through this novel, that there is no solution of continuity between the world of the tradition of the archaic man and the modern world, as in his academic work ? Moreover, reading the "Captain's Daugther" gives us a awfully basis for reflection in our time of the reign of increasingly weighing of standardization of individuals, and allows to envisage a possible archeomodern human existence transcending the ontological cleavage between archaism and modernity. 
  • samedi 25 juin 2016

    Fin du pentecostaire - Dimanche de tous les saints : appel au retour à l'état naturel de l'homme

    Dans l'Orient chrétien (1), les périodes liturgiques sont désignées selon le nom donné aux livres liturgiques. Durant la période s'étalant de la veillée pascale jusqu'au dimanche de tous les saints autrement appelé premier dimanche après la Pentecôte qui tombe cette année le 26 juin 2016, nous sommes dans le Pentecostaire qui inclut les fêtes mobiles (Pâques, fêtée en sept dimanches, le septième étant la Pentecôte, Ascension, Pentecôte cinquante jours après Pâques, dimanche de tous les saints). On inclut dans le pentecotsaire le dimanche de tous les saints par cohérence théologico-liturgique même si la période de Pâques à la Pentecôte est réellement la période des 50 jours. Or donc, le pentecostaire succède au Triode de carême qui comprend le précarême, le grand carême, la résurrection de Lazare, l'Entrée à Jérusalem, la semaine de la Passion. Ainsi, de Pâques, réactualisant la Résurrection du Seigneur Jésus-Christ au dimanche suivant la Pentecôté, il y a unité. La Pentecôte est en quelque sorte l'acmé d'un processus initié au moment de la Résurrection du Christ et correspond à la glorieuse descente de l'Esprit-Saint. Elle est achèvement et début. Achèvement de la période de cinquante jours, qui est préparation à recevoir l'Esprit et début car elle annonce un changement de régime existentiel pour les chrétiens, selon le modèle archétypique     des disciples. La Pentecôte réactualise la genèse ou la fondation de l'Eglise et doit s'entendre comme l'accomplissement de la mission du Christ mais aussi le commencement de l'ère messianique du Royaume qui est mystiquement présent dans l'Eglise chrétienne en ce monde. Lors de cette réactualisation rituelle de cet événement central de l'année liturgique, les chrétiens sont invités à redécouvrir, à en prendre réellement conscience de la présence du Saint-Esprit qui agit en eux depuis leur baptême. Les disciples durent attendre la descente de l'Esprit pour avoir la force d'accomplir leur mission : "Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit", Evangile de Jésus-Christ selon Matthieu. Le saint Esprit qui vînt dans le coeur des disciples en y incrivant une loi nouvelle, de fait une mission, réalise ainsi le mystère de l’Église en tant que sacrement de la présence christique dans son Corps, mais également dans ses membres  forcément baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.  Voir le topaire, ton 8 dans le Pentecostaire (à la Pentecôte).
    Le premier dimanche après la Pentecôte est dédié à la commémoration de tous les saints. Dans l'Église catholique romaine, cette fête est célébrée le premier novembre. La fête du premier dimanche est originairement une fête de tous les martyrs. Les autres saints ont été ajoutés peu-à-peu.Elle a commencé à être célébrée à Antioche, au IVe siècle. Saint Éphrem le Syrien ou encore saint Jean Chrysostome ont écrit à propos de cette fête. Pentecôte et dimanche de tous les saints sont intimement liés. Sans aucun doute, ne faut-il pas seulement comprendre cette fête comme étant celle célébrant la sainteté d'hommes de haute réalisation spirituelle. Cette fête nous invite plutôt à la métanoia, à envisager et comprendre que l'état d’union avec Dieu existe chez tous les chrétiens que le péché n'a pas séparé de Dieu. Car, selon l'authentique tradition chrétienne, la sainteté est l’état normal du chrétien. Cette célébration de tous les saints est donc avant tout et surtout, sinon exclusivement, un appel à la sainteté adressé à tous les chrétiens. L'état naturel de l'homme n'a rien à voir à ce que les matéralistes (souvent de pseudo-jouisseurs névropathes) veulent laissert croire, soit un état dans lequel l'homme se laisse aller à satisfaire tous ses bas instincts, toutes ses pulsions, tous ses fantasmes. Et c'est pour cela que notre époque n'aime pas les chrétiens, car ces derniers, aussi médiocres soient-ils parfois, sont le témoignage vivant, les porteurs d'un message qui dit que Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu à son tour. Autrement dit, la sanctification, plus encore la déification est l'état naturel de l'homme. Ce ne sont, évidemment, pas nos bondieusards laicards, nos athées du néo-clergé gestionnaires de l'aliénation spectaculaire marchande qui pourront entendre cela...

    (1) Les expressions "Orient chrétien" ou "christianisme oriental" prêtent à confusion; On aurait tendance à l'utiliser pour désigner les Eglises orthodoxes dans leur grande diversité (Eglises des trois conciles ou pré-chalcédoniennes, Eglises des 7 conciles)  or dans ces Eglises chrétiennes on compte aussi des Eglises rattachées à Rome.

    dimanche 12 juin 2016

    Quand les expériences mystiques valident la théologie orthodoxe (à partir d'un témoignage extrait du livre du Père Brune, "Les morts nous parlent" )

    Dans son ouvrage "Les morts nous parlent, Tome 2" (rééd. 2005), le Père Françaois Brune relate une expérience mystique particulièrement intéressante confirmant la théologie orthodoxe comme la plus authentique. Il y en a eu d'autres durant des siècles, celle-ci date 1985 et concerne Vassula Ryden une grecque, orthodoxe, non "pratiquante" ou disons non messalisante. Cette femme raconte qu'un jour une force s'empare d'elle. Cette force se présente comme étant son ange gardien et se fait appeler Daniel. Plus tard, Mme Ryden affirme que qu'à nouveau une force suprahumaine vient en elle ou entre en elle (ou qu'elle entre dans cette "force"), mais cette fois il s'agit du Christ...Celui-ci lui apprend alors qu'elle ne doit plus se penser comme une personne séparée de LUI, autrement dit de Dieu, mais bien comme faisant partie de LUI ou inversement que le Christ fait partie d'elle. Mme Ryden rapporte, alors qu'elle achète un ticket de bus, que le Christ "proteste" et lui dit : "On est un, on est un seul". 
    La mystique ira raconter cette expérience au Père Laurentin. Et dans l'attitude du Père Laurentin, catholique romain, théologien et spécialiste des mystiques, il y a quelque chose de tout à fait symptomatique (sinon pathologique) dans le comportement et la compréhension de Dieu et du but final de l'existence chrétienne chez les théologiens catholiques romains. En effet, face au récit de la femme qui lui rapporte la Parole du Christ ("On est un, on est un seul"), le Père Laurentin a cette question : "Unis ou un" ? Vassula Ryden répond alors très justement : "Unis et un". Si le Père Laurentin pose cette question c'est qu'il est totalement imprégné de cette désastreuse théologie catholique directement issue des écrits de saint Thomas d'Aquin, de saint Augustin mais aussi de la métaphysique d'Aristote dans lesquelles l'homme en son ultime accomplissement reste séparé de Dieu et le...contemple simplement...Une telle réponse de la part de la mystique grecque est donc considérée comme du panthéisme (le "Grand Tout") ou du panchristisme, finalement de l'hérésie, donc du mensonge par des catholiques de l'Eglise latine. C'est, sans doute, cela qui fait enrager nombre de catholiques romains traditionalistes ou modernistes (voir plus en avant)...
    Nous pouvons donc sérieusement conclure que le Père Laurentin ne saisit tout simplement pas l'expérience dernière à laquelle est appelé à participer le chrétien. Et, il y a là quelque chose de tout simplement monstrueux...Laurentin - comme tant d'autres traditionalistes ET modernistes dans l’Église catholique romaine - ignore purement et simplement la parole des Pères de l’Église : "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu à son tour". Dans le même temps, l'expérience de Vassula Ryden prouve la véracité des écrits patristiques affirmant que le but ultime, dernier, de la vie chrétienne est la divinisation, la déification de l'homme et non pas, donc, la seule contemplation de la Face de Dieu. 
    A travers cette expérience, nous avons également et nécessairement la confirmation de la réalité et de la possibilité de l'union hypostatique de deux natures, humaine et divine sans séparation mais sans mélange ou confusion, en une seule personne, union dont le modèle exemplaire est bien sûr celui du Christ...
    Il faut signaler, cependant, que de nombreuses polémiques concernent la mystique. Nous ne jugeons pas ces prises de positions. Seulement, il faut noter (voir lien : http://www.pseudomystica.info/tliginterviewdermine_fr.htm) que l'autorité du Père Laurentin est évoquée (invoquée) ici. Or, nous avons montré dans ce petit article que celui-ci n'est pas en mesure de juger  "l'expérience Vassula" et, à l'évidence, d'autres expériences mystiques à l'aune de sa théologie. Le lecteur est bien sûr totalement libre de rejeter le témoignage de Vassula Ryden concernant "sa vraie vie en Dieu". Nous avons seulement montré ici que la théologie catholique est inapte à saisir complètement certaines expériences ayant rapport avec le monde suprahumain. Rappelons, par ailleurs, à tout hasard pour ceux qui l'ignoreraient, que l’Église orthodoxe ne fait pas la distinction entre nature et surnature, et que, pour ce qui nous concerne ici, nombre de membres des Églises orthodoxes accordent du crédit à l'expérience de Mme Ryden...