: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: Moldavie
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mardi 26 avril 2022

Guerres de et pour l'Eurasie (introduction).

N.B. : Ma condamnation de l'"opération spéciale", sans novlangue la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine est définitive et absolue. Bien malin celui qui allait prévoir que la Russie frapperait en premier. Mais (ce n'est rien excuser pour les grincheux qui liraient), il est nécessaire de remettre les choses en perspective. Les quelques articles présents sur ce blogue aident à comprendre cette situation. 

Même si j'ai écrit dans une poignée d'articles mon intérêt pour le "soft power" russe,  LA GUERRE EST PURE DEMONIE. UNE ABOMINATION. POINT FINAL. Pour que les choses soient claires. Je n'ai jamais été un admirateur de Poutine contrairement à d'autres. Le personnage ne m'inspire aucune fascination. Il est toujours utile de le préciser quand certains confondent cyniquement volonté de construction d'un "Grand continent" politique (Eurasie politique) avec un culte de la personnalité..."Pas de blanc-seing à Poutine" écrivais-je il y a quelques années...

Par contre, la Russie redevenue une grande puissance a été une bonne nouvelle pour ceux qui souhaitent un monde multipolaire. C'était sans compter sur l'Hubris de ses dirigeants.

Il faut continuer d'espérer que dirigeants du monde euro-américain, ukrainiens et russes trouveront une solution diplomatique à ce conflit. La France et l'Allemagne doivent construire l'axe Paris-Berlin-Moscou et proposer une voie différente de celle des Anglo-Américains peu aptes à la diplomatie. La voie du BLOC CONTINENTAL construite par/sur des alliances économiques, militaires (dissuasion), liens culturels bien différente de celle l'Europe Atlantique qui ne soucie guère des peuples européens est une solution de paix durable. J'en ai parlé à de nombreuses reprises.

Introduction d'un manuscrit de 2015/2016. Un livre non publié envoyé à 1 dizaine d'éditeurs (j'ai réussi à en faire publier 2 auparavant, j'ai écrit 6 articles scientifiques, 1 flopée d'articles "grands public" et soutenu avec succès une thèse de doctorat en géographie humaine récemment).  

La tragique actualité donne malheureusement raison aux thèses qui sont développées dans ce livre non publié, envoyé début 2016 et refusé par plusieurs éditeurs (sans commentaires). Les lecteurs de ce blogue peuvent profiter de larges passages de ce qui devait devenir un bouquin en librairie... L'introduction qui suit est à lire avec la série d'articles (extraits de mon livre) qui se trouve sur ce blogue, vous les trouverez ici : 

http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.com/search/label/g%C3%A9opolitique 

https://jeanmichel-lemonnier.blogspot.com/search/label/Eurasie 

Les différents textes sont livrés sans corrections, tels qu'ils ont été écrits il y a environ 7 ans.

 


Guerres du Rimland, guerre pour l'Eurasie :

Géopolitique du Grand Continent au XXIe siècle

 

 

Introduction

Des Balkans à l'Ukraine, de la Russie au Moyen-Orient en passant par le Caucase, nous observons des conflits armés, des conflits larvés qui tous impliquent, d'une manière ou d'une autre, le Bloc Américano-Occidental (BAO) et la Russie. Pour tenter d'appréhender cet état des choses général, nous faisons le choix d'une grille d'analyse ou de lecture particulière. Le fait que de poser un cadre théorique nous permet d'observer finement des situations très concrètes, de comprendre le jeu complexe des acteurs et de prendre du recul vis-à-vis d'événements géopolitiques récents afin d'éviter les pseudo-analyses empiriques. En ce qui nous concerne donc, à la suite de certains géopolitologues nous adhérons à l'idée de l'opposition entre deux blocs ou deux puissances qui incarnent deux types de civilisations : la civilisation de la Terre représentée par un bloc eurasiatique, continental, au sein duquel la Russie est le pôle géopolitique de référence et la civilisation de la Mer représentée par les Etats-Unis d'Amérique et ce que nous pouvons nommer ses "vassaux". Nous pourrions dire que se déroule à nouveau le combat qui toucha tout le monde antique et dura plus de cent ans, entre la Carthage phénico-punique et son armée de mercenaires et sa rivale la république romaine, entre une civilisation maritime basée sur le commerce, la marchandise-argent et une civilisation de type héroïque, entre marchands et paysans-guerriers, entre  thalassocratie et tellurocratie. Une guerre qui s'achèvera par la destruction de la cité carthaginoise par les Romains... Plus encore sommes-nous devant la réactualisation, sinon la permanence, de la rivalité entre Rome et Byzance, entre Rome et la deuxième Rome qui a produit deux types de civilisations différenciées qui s'est incarnée à l'époque moderne dans la lutte entre Rome c'est-à-dire Londres puis Washington et la "troisième Rome" à savoir Moscou. Entre ces deux grands ensembles, il y a une Europe qui ne s'identifie pas à l'Occident atlantique mais sommée de faire un choix. Disons plus précisément qu'il existe une élite politique, économique, intellectuelle européenne à qui les Etats-Unis d'Amérique imposent une conduite, une alliance forcée depuis 1945. Ce qui se passe aujourd'hui de l'Irak à l'Ukraine de la Syrie à la Russie, ce sont bien des guerres locales qui s'inscrivent dans une perspective de guerre globale. Car c'est bien de cette lutte pour la domination de l'Eurasie[1] dont il est question aujourd'hui. Le contexte géopolitique est extrêmement grave. Les principaux acteurs - les Etats-Unis d'Amérique et la Russie - étant des puissances nucléaires, la guerre peut s'étendre à la planète toute entière. La Deuxième (et non pas la Seconde) Guerre mondiale s'est achevée au Japon par un massacre de masse "éclairé" à la lumière d'un immense éclair chtonien. La troisième guerre mondiale commencera ou finira-t-elle par une autre extermination technicienne totalement démesurée permise par un nouveau déchaînement de la matière ? Evidemment, même si cette issue fatale pour l'humanité entière ne présente aucun caractère certain, nous ne pouvons pour autant exclure l'éventualité d'une nouvelle utilisation militaire du feu atomique. La doctrine dissuasive de la "destruction mutuelle assurée" née de la guerre froide a-t-elle vécu ?

Or donc, cette grille de lecture qui, de prime abord, peut paraître binaire, est en fait très subtile, car si elle propose d'identifier le jeu de deux ensembles ou acteurs principaux différenciés, elle laisse pour autant une large place à un examen poussé du rôle d'acteurs et pouvoirs étatiques ou intra-étatiques (rebelles sécessionnistes, nationalistes ethniques...), transétatiques (terroristes, firmes transnationales, réseaux criminels...) tour à tour hésitant, refusant l'un ou l'autre bloc, agissant parfois par pur pragmatisme. A titre d'exemples, on retrouve ce comportement  chez certains nationalistes ukrainiens, roumains ou au sein des organisations terroristes islamistes. Nous considérons, en outre, que les Etats n'ont jamais cessé d'être les principaux acteurs du jeu géopolitique. L'influence de la géographie sur la politique est fondamentale et les intérêts et postures des Etats peuvent être expliqués par le milieu physique. Même si le progrès technique a largement permis de s'affranchir des contraintes physiques des territoires, le comportement des acteurs reste pour une grande part et, apparemment, en priorité déterminé par leur situation géographique (position sur la carte) mais aussi les contraintes biogéographiques, géologiques et géomorphologiques. A ce déterminisme géographique, il faut ajouter le rôle de l'idéologie qui s'articule au premier. Les réalités identitaires sont également à prendre en compte. Les hommes s'inscrivent sur un territoire, l'investissent et développent une culture, une identité. Seulement, au fil des siècles, une même communauté humaine peut se retrouver dispersée dans plusieurs Etats ou isolés au sein d'un seul. La carte d'un Etat ne correspond pas ou plus à la carte d'une seule ethnie, ou d'un seul groupe religieux. C'est là que peuvent apparaitre, à la faveur de certaines conditions, les conflits de type identitaire accompagnés de manipulations idéologiques qui leur sont souvent inhérentes (le protochronisme dans les anciennes démocraties populaires d'Europe centrale et orientale niant le pluriethnisme et la multiculturalité). Ces conflits ouverts ou gelés, armés ou non, résultent donc du fait de la non-correspondance  de la carte des Etats avec celle des communautés partageant une identité commune qu'elle soit ethnique et/ou religieuse, finalement un destin commun. Il est, bien sûr, nécessaire de prendre en compte les dynamiques démographiques ou de peuplement sur le temps long de l'histoire pour obtenir une vision globale des choses. La géographie des ressources naturelles exploitables et commercialisables qui recoupent en partie celle du milieu physique, ajoute à la compréhension des rapports de forces entre les différents acteurs. Enfin, les facteurs de puissance (possession ou non de l'arme atomique) doivent intégrer l'analyse géopolitique. Ainsi, nous voyons bien que l'analyse d'une situation dans le cadre des relations internationales doit éviter les explications monocausales et de plus s'écarter par instants de l'approche purement géopolitique, et prendre nécessairement en compte de multiples facteurs pour éviter de sombrer dans la propagande, la pure idéologie. En cela, les idéologues marxistes ou libéraux - pour ne citer qu'eux - ne sont en mesure que de fournir des clés de compréhension partielle du monde. Pour autant toute tentative d'analyse objective géopolitique ou non reste purement illusoire.

Par conséquent, nous ne pouvons saisir l'intégralité du sens du conflit entre le Bloc Américano-Occidental et l'Eurasie qu'à travers l'étude des conflits armés. Il est multidimensionnel. Il est tout à la fois géopolitique,  économique, culturel, anthropologique mais également métaphysique. Car en effet, cet affrontement prend encore la dimension d'une guerre occulte mettant face à face deux conceptions du monde qui résistent aux agitations historiques de surface. Au vrai, ce conflit est opposition de visions du monde antithétiques et irréconciliables mais pourtant complémentaires. Cet antagonisme n'est pas nouveau et il nous faut aller au-delà de l'écume des événements pour en comprendre les raisons plus ou moins dissimulées ou qui n'apparaissent pas tout de suite évidentes pour un observateur ne possédant pas les outils conceptuels nécessaires pour en déchiffrer le sens. Ce sujet nous invite donc a explorer les eaux profondes de l'histoire, ses constantes, ses continuités, ses permanences et parfois ses ruptures. Conflit ouvert et latent, armé et non armé, symbolique, symétrique, dissymétrique ou asymétrique avec ses divers représentations ("guerre sainte", "guerre juste") tout un travail de décryptage est à faire. Ce petit livre intervient pour tenter d'éclairer une situation complexe et d'ouvrir des pistes de réflexions en partie dans une dimension prospective.



[1] Une définition  très simple de l'Eurasie en fait l'addition de l'Europe et de l'Asie. C'est une définition géographique convenable mais qui ne dit absolument rien d'un point de vue géopolitique ou géostratégique.

 

vendredi 25 février 2022

samedi 8 octobre 2016

Guerre de et pour l'Eurasie : la Moldavie, un des "fronts de demain" (I)



La principauté de Moldavie créée au XIVe siècle passe sous domination ottomane au XVIe siècle.  Annexée par la Russie en 1812 après le Traité de Bucarest, le territoire qui passe sous domination russe est rebaptisé Bessarabie. En 1918, la "Grande Union" permet la création de la Grande Roumanie ou Roumanie intègre, acmé d'un processus qui débute en 1859 avec le Traité de Paris et permettant l'émancipation et l'unification des populations roumanophones empêchées pendant des siècles par différents empires (ottoman, austro-hongrois, russe). La Bessarabie est alors rattachée à la Roumanie. Durant 22 ans, de 1918 à 1940, la Roumanie connaît sa plus grande expansion territoriale. En 1940, grâce au pacte germano-soviétique, l'URSS - alors que le royaume de Roumanie est encore dans la camp Allié - annexe la Bessarabie, la Bucovine du Nord ainsi que l'arrondissement de Herța (dans actuel oblast ukrainien de Tchernivtsi).  Au même moment, la Hongrie s'empare de la Transylvanie et la Bulgarie de la Dobroudja du Sud. Le pacte germano-russe rompu, le maréchal Ion Antonescu arrivé au pouvoir en 1940, compte sur une alliance - purement pragmatique - avec l'Allemagne[1] pour récupérer les territoires roumains. Rapidement avec l'aide de la Wehrmacht, l'armée roumaine, qui participe à l'opération Barbarossa, reconquiert la Bessarabie en 1941 qui est rattachée à la Roumanie jusqu'en 1944. Durant cette période (1940-1944), les violences perpétrées dans les territoires sus-cités, aussi bien par un camp que par l'autre, sont inouïes. L'Armée rouge soviétique massacre les Roumains de Bucovine, certains d'entre eux sont déportés en Sibérie, puis c'est au tour de la Roumanie sous la direction du Maréchal Antonescu (dont la responsabilité dans l'holocauste des juifs de Roumanie est toujours discutée en Roumanie !) de détruire la communauté juive de Bucovine et d'organiser des déportations massives de juifs, mais aussi de Rroms et d'opposants au régime vers une Transnistrie récemment conquise qui sera le tombeau de ces "indésirables". A l'issue de la dernière guerre mondiale, la Roumanie perd la Bessarabie (Moldavie indépendante et Boudjak qui revient à l'Ukraine, oblast d'Odessa) ainsi que d'autres territoires (une partie de la Bucovine, de la Dobroudja) soit 58000 km2. Malgré son passage dans le camp des Alliés en 1944, elle est envahie par l'Union soviétique. C'est le début de l'ère communiste. Un communisme importé auquel les Roumains de souche n'avaient jamais adhéré. En effet, le Parti Communiste Roumain (PCR) jusqu'à l'immédiate après-guerre est le parti des minorités ukrainiennes, russes, hongroises et juifs. Il ne doit sa transformation en parti de masse qu'à la présence des armées russes sur le territoire roumain. De 1944 à 1991, la Bessarabie devient une république socialiste soviétique. Mais elle subit des modifications territoriales. Une partie du territoire, au nord et au sud est transférée à la république socialiste d'Ukraine et la Bessarabie reçoit le territoire oriental de Pridniestrovie (appellation russe) ou Transnitrie (dénomination roumaine). La Moldavie redevient indépendante en 1991 après la disparition de l'URSS. Durant la même période, s'opère un retour à l'alphabet latin dans la nouvelle république indépendante. Le territoire moldave correspond aux deux tiers du territoire de l'ancienne Bessarabie. Mais la partie orientale de l'ancienne Bessarabie, la République moldave du Dniestr, la Pridniestrovie ou Transnitrie prenant pour capitale Tiraspol, fait sécession avec Chișinău et reste sous domination russe. Il est bon de rappeler que les russophones représentent de nos jours un tiers de la population de Transnitrie, soit autant que les roumanophones et que les ukrainophones.
Un conflit de nature à la fois politique, symbolique et identitaire, armé mais de faible intensité éclate entre Moldaves roumanophones et les Russes de Transnistrie, après l'indépendance ; les nationalistes pro-Roumains soutenus par le BAO promettant, par ailleurs, de chasser les "Russes" de Moldavie. Une union de la Moldavie (territoire au-delà du Dniestr inclus) à la Roumanie aurait noyé les Slaves russophones dans un océan de latinité, mais surtout aurait mis fin à l'influence russe sur le territoire moldave. Le cessez-le-feu de 1992 puis le référendum de 1994 remporté par les partisans d'une Moldavie indépendante éclipsent durant des années le conflit entre nationalistes réclamant l'union de la Moldavie à la Roumanie et les pro-Russes. En 2007, le président roumain Traian Basescu permet, cependant, aux Moldaves qui le souhaitent d'acquérir la nationalité roumaine. Le conflit entre Moldaves pro-Roumains et Moldaves pro-Russes est latent...
Il convient de dire, que la Moldavie est d'une grande importance stratégique. Sa situation géographique, entre les Balkans à l'ouest et la Mer Noire, proche des Carpates et du Danube en fait une position avancée pour le contrôle du Danube et des détroits depuis le XIXe siècle et jusqu'à aujourd'hui. La rivalité entre la Roumanie et la Russie pour la maîtrise de cet espace n'a jamais cessé, a fortiori depuis l'intégration de la Roumanie à l'Europe communautaire et à l'OTAN. Les Etats-Unis et la Russie ont des visées sur la Moldavie. Washington est toujours dans sa stratégie de conquête de l'Europe de l'est et d'encerclement de la Russie et Moscou ne voit guère d'un bon œil le passage de la Moldavie, pas plus que celui de la Pologne ou des Pays Baltes, par ailleurs, dans l'aire d'influence du BAO. Ce rapprochement progressif de la Moldavie avec l'Europe euro-atlantique, officialisé par la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne en 2014 est évidemment condamné par  Moscou. Sur le plan de l'identité, diverses tendances traversent la société moldave. Une frange de la population est partisane d'une réunification du pays avec la Roumanie, une autre s'accroche à son particularisme et sans être hostile à son voisin préfère la formule "deux peuples, deux Etats" à celles "un peuple, deux Etats" ou "un peuple, un Etat". Sur le pan économique, la Moldavie ne s'est jamais remise de la dislocation de l'URSS et son indépendance lui a fait perdre de nombreux débouchés commerciaux. L'industrie lourde et productive se trouve dans cette Transnistrie sécessionniste. Malgré quelques investissements étrangers et une industrie légère axée sur l'agro-industrie, la situation économique est peu reluisante. Cette dernière provoquant un exil massif de Moldaves vers les pays du monde euro-américain...En outre, la Moldavie est largement dépendante de la Russie, en particulier en ce qui concerne l'énergie. Le gaz et le pétrole russe sont indispensables à la république et Bucarest n'a pas grand chose à proposer contre cette domination russe ni contre le chantage concernant la Moldavie.
Depuis la création de la république de Moldavie de nombreuses crises politiques ont jalonné sa jeune histoire. La plus récente et peut-être la plus aiguë est celle qui se déroule actuellement au regard de la situation géopolitique dans cette Europe centre-orientale, et précisément à cause de la guerre en cours en Ukraine, pays voisin de la Roumanie et de la Moldavie. Cette crise politique remonte au mois d'avril 2015 après la découverte d'une fraude financière évaluée de plus de 900 millions d'euros. Cette somme disparue de trois banques moldaves correspond à 15% du Produit Intérieur Brut de la Moldavie. Suite a cet énorme scandale, des manifestations populaires ont conduit à la démission du premier ministre Vlad Filat accusé d'avoir détourné 230 millions d'euros. Le 21 janvier 2016, plusieurs dizaines de millions de personnes expriment leur colère à Chisinau, la capitale moldave, après la nomination de Pavel Filip un européiste (pro-UE) et de son gouvernement approuvée par le parlement moldave. La Moldavie pays de 3,5 millions d'habitants, est ethniquement roumain à 78%, et russe à 12%. La société moldave souvent perçue, exagérément en Europe occidentale, par le biais déformant du journalisme de masse, comme clivée en deux avec d'un côté ses roumanophones, favorables à une entrée de leur pays dans l'Union européenne et/ou d'un rattachement avec la Roumanie, de l'autre des russophones hostiles à l'Europe communautaire et marqués par un tropisme pro-russe. Pourtant, récemment pro-russes et partisans de l'intégration de l'intégration de la Moldavie à l'Union européenne, forces politiques de droite comme de gauche, dans une sorte d'union sacrée, ont défilé côte à côté pour dénoncer la corruption du pouvoir. L'oligarque Vlad Plahotniuc, accusé d'avoir une influence profonde sur le pouvoir central fait partie des cibles de ce mécontentement populaire.  En moins d'un an, trois gouvernements ont été nommés. La situation en Moldavie en janvier 2016 est pré-insurrectionnelle. Le mécontentement populaire à l'égard d'un régime corrompu glisse lentement vers un point de non-retour. Tour à tour et selon les sources, on accuse la Russie ou les puissances du BAO de préparer un coup d'Etat en Moldavie. L'Ukraine orientale est déjà à feu et à sang, la Moldavie suivra-t-elle ce funeste chemin ? Comment réagirait la Roumanie membre de l'OTAN face à un guerre civile en Moldavie qui ne tarderait pas à contaminer la République moldave du Dniestr ? Il est impossible que la Russie laisse s'écarter celle-ci de son aire d'influence. A l'évidence,  toute déstabilisation politique et action militaire menée par les forces armées de la République de Moldavie, vraisemblablement soutenues par le BAO et la Roumanie entraineraient une réaction virulente de la Russie. Celle-ci soutiendrait les Russes de Pridniestrovie réclamant un rattachement du territoire de la rive gauche du Dniestr à la Russie. Seulement, un conflit en Moldavie et en Transnistrie  présenterait peu de similitudes avec le conflit russo-géorgien de 2008 ou russo-ukrainien depuis 2014. L'espace roumano-moldave a une histoire bien différente de celle de l'Ukraine par exemple. Nous sommes ici dans une aire culturelle, linguistique et ethnique très homogène occupée par des Roumains. Les russophones y sont le plus souvent perçus, à juste titre au regard de l'histoire, comme des envahisseurs.
Si le projet eurasiste ou eurasiatique d'un Poutine ou plus encore d'un Douguine (finalement mis à distance de l'université de Moscou à l'été 2014), proche par ailleurs de Sergueï Narychkine président de la Douma, est de fonder un espace continental puissant libéré de la domination thalassocratique euro-atlantique, une entrée en guerre directe ou indirecte contre le BAO en Moldavie ne va pas dans le sens de l'intérêt de ce projet. Le problème est de savoir quels sont les plans du BAO pour la Moldavie. Le site internet de l'OTAN indique qu'"Au sommet de l'OTAN qui s'est tenu au pays de Galles en septembre 2014, les dirigeants des pays de l’Alliance ont proposé de consolider la fourniture de soutien, de conseils et d'assistance à la République de Moldova dans le cadre de la nouvelle initiative de renforcement des capacités de défense et des capacités de sécurité s'y rapportant (DCB)"[2]. Il est également intéressant de lire sur ce même site que "la signature des accords d'association de l'UE avec la Géorgie, la République de Moldova et l'Ukraine (...) permettront de travailler en étroite collaboration pour consolider l'état de droit, faire progresser les réformes de l'appareil judiciaire, lutter contre la corruption, veiller au respect des libertés et des droits fondamentaux de même que pour renforcer les institutions démocratiques. Ce sont là des buts que l'OTAN partage et soutient au travers de ses propres partenariats avec ces pays et d'autres partenaires"[3]. Où l'on a la confirmation que le projet européen de Bruxelles rejoint celui de l'OTAN et que la question du sort de trois Etats (Géorgie, Moldavie, Ukraine) sur laquelle le BAO et la Russie s'affrontent indirectement depuis des années est loin d'être réglée.
(Extrait d'un livre non publié de Jean-Michel Lemonnier)


[1] L'Allemagne ne considérera la Roumanie, qu'elle occupe à partir de 1940, jamais autrement que comme une "base avancée" dans l'optique d'une invasion de l'URSS
[2] source : http://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_49727.htm, consulté le 06/02/2016
[3] http://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_111484.htm?selectedLocale=fr, mis en ligne le 27/06/2014, consulté le 06/20/2016
VOIR AUSSI sur ce blogue : 
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/search/label/Moldavie
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2016/09/la-nature-eschatologique-de-la-guerre.html